Biens communs. Définitions

Inspiré d’une démarche initiée à Brest en 2009 puis en 2011, Villes en biens communs est un ensemble d’initiatives auto-organisées, déployées tout au long du mois d’octobre 2013 et portées par différents collectifs actifs au sein du Réseau francophone autour des Biens communs.
Parmi ces initiatives se tenait le 12 octobre un forum ouvert parisien intitulé Biens communs ou la démocratie du quotidien. Ce barcamp d’ateliers auto-organisés réunissait les acteurs de la mobilisation avec pour volonté de se mettre au travail, de façon participative, autour des principaux enjeux portés par les pratiques de valorisation, de gestion et de développement des communs. De cet atelier a notamment émergé, comme l’explique Louise Merzeau dans le compte-rendu du Master Infocom, l’idée que « la richesse des échanges naît de celle des situations que chacun introduit dans le barcamp. Secteurs d’activité, disciplines scientifiques, degrés de participation citoyenne et niveaux d’expertise se croisent, se mélangent, se nourrissent. »
Si, au travers ces initiatives, les communs semblent pouvoir constituer un point de convergence entre différentes communautés d’acteurs, il semble cependant nécessaire, à défaut peut-être de se retrouver autour d’une définition, de comprendre la diversité des enjeux que révèle la formulation de cette notion.
Didier Christin clôturait ainsi son intervention du 14 octobre à la BPI : « Quand on comprend chaque partie d’un ensemble on finit par comprendre le tout« . C’est par cet angle que nous avons choisi d’aborder la notion de biens communs, en déplaçant l’intérêt des biens vers la communauté, en nous intéressant d’abord aux histoires qui la porte.

Thomas Landrain. Le vivant

Thomas Landrain est chercheur en biologie synthétique. Il est co-fondateur et président de La Paillasse, premier laboratoire citoyen dédié aux biotechnologies en France. Interview de Thomas Landrain.

Nous sommes inscrits, en-soi, dans un système complexe que l’on ne maîtrise pas, mais dont on tire tous parti. Et je pense que notre appartenance à cet écosystème fait du vivant un bien commun.

Irène Favero. La dignité humaine

Spécialisée en économie et gestion des arts et des activités culturelles, Irene Favero est chargée de mission auprès du Réseau Culture 21. Spécialisée dans les processus participatifs et la gestion de projets multi-partenariaux, elle contribue notamment à la mise en réseau des opérateurs culturels français qui par leur pratique contribuent à l’exploration du lien entre culture et développement durable. Interview de Irène Favero.

Les biens communs désignent selon moi des leviers pour le respect des droits de l’homme et se posent comme une sorte de prémisse au respect de la dignité humaine.

Valérie Peugeot. La diversité

Valérie Peugeot est chercheuse à Orange Labs, en charge des questions de prospective au sein du laboratoire de sciences humaines et sociales. Présidente de l’association VECAM, Valérie Peugeot a rejoint en janvier 2013 le Conseil National du Numérique, en tant que vice-président. Interview de Valérie Peugeot.

Le processus permanent de réinvention des communs est infiniment satisfaisant parce qu’il laisse l’espace à la diversité dans l’action, à la diversité des acteurs, et surtout, il évite de tendre vers des formes idéologiques totalisantes et donc excluantes.

Frank Adebiaye. Le temps

Issu d’une formation professionnelle en gestion et en comptabilité, Frank Adebiaye est aujourd’hui spécialiste du document numérique d’entreprise et de gestion. Il est par ailleurs auteur, typographe et à l’initiative de la fonderie libre Velvetyne. Interview de Frank Adebiaye.

Le temps est un bien commun tout à fait essentiel et dont on parle trop peu. C’est à la fois un bien et un mal commun puisque c’est notre condition humaine. Nous sommes des créatures mortelles, enchâssées dans un temps. Un temps indéfini, mais bien limité.

Frédéric Sultan. La gouvernance

Frédéric Sultan est fondateur de Gazibo, société coopérative spécialisée dans le conseil, la formation et l’animation de projets collaboratifs reposant sur l’utilisation d’outils numériques. Membre de VECAM, Frédéric Sultan est également à l’initiative du projet multimédia collaboratif Remix the Commons Interview de Frédéric Sultan.

Il y a une définition que j’aime bien actuellement, c’est l’idée que les biens communs sont un laboratoire de gouvernance.

Primavera De Filippi. La régulation

Primavera de Filippi est chercheuse rattachée au CERSA où elle traite des enjeux juridiques liés aux nouvelles technologies sur internet. Elle est également experte légale au sein de Creative Commons France et a rejoint l’Open Knowledge Foundation, où elle coordonne les groupes de travail sur l’Open design et sur le domaine public. Interview de Primavera De Filippi.

De manière générale, la problématique des biens communs est que, lorsqu’une ressource est partagée en commun, il faut théoriquement des règles pour s’assurer que cette ressource ne soit pas abusée ou épuisée.

Bruno Carballa. L’organisation de la production

Bruno Carballa est doctorant en économie à Paris 13 sous la direction de Benjamin Coriat.


Les communs sont une forme de gestion des ressources dans laquelle une communauté s’engage à un partage sous la forme d’une propriété non exclusive. C’est la communauté qui gouverne la ressource et crée les règles de gouvernance. À mon avis, ce qui distingue le plus les communs notamment dans le champ de l’économie, c’est cette dimension de propriété non exclusive.
La propriété de la ressource n’implique pas d’avoir tous les droits sur la ressource.

Félix Tréguer. La société civile

Félix Tréguer est doctorant en études politiques à l’EHESS et membre fondateur de l’association La Quadrature du Net. Il mène depuis 2011 une thèse relative aux enjeux démocratiques de la protection de la liberté d’expression sur Internet. Interview de Félix Treguer.

Le bien commun, de mon point de vue, s’inscrit dans un triptyque État, marché et société. Le bien commun est un ensemble de ressources dont la gouvernance est entre les mains de la société civile, et donc pas de l’État et pas du marché, même si ces derniers peuvent y contribuer.

Pierre Carl Langlais. L’accès ouvert

Doctorant en sciences de l’information et de la communication, les principaux domaines de recherche de Pierre Carl Langlais sont l’information financière, le datajournalisme (projet Jourdain), Wikipedia et l’e-learning. Administrateur de Wikipedia depuis 2012, il publie régulièrement sur la connaissance ouverte sur Hôtel Wikipedia et travaille actuellement sur la création de Wikilogie. Interview de Pierre Carl Langlais.

La notion de biens communs porte l’idée de s’inscrire en faux contre un sentiment d’appropriation généralisé par le régime de la marchandise. La démarche des communs consiste à mettre à disposition des biens librement accessibles, financés par la communauté ou autofinancés, selon une logique de libre approvisionnement

Silvère Mercier. L’appropriabilité

Silvère Mercier est chargé de la médiation et des innovations numériques à la Bibliothèque Publique d’Information à Paris. Bibliothécaire engagé pour la libre dissémination des savoirs, il est co-fondateur du collectif SavoirsCom1. Interview de Silvère Mercier.

Dans la manière dont nous envisageons la notion de biens communs, nous avons pour intention de dépasser la dimension d’accès à l’information pour investir la question son appropriation et de son appropriabilité.

Julien Breitfeld. Le public

Julien Breitfeld a travaillé dans le domaine des médias et de la radio. Il est co-fondateur et ancien PDG de Libsum, librairie en ligne permettant de lire et de partager ses expériences de lecture. Interview de Julien Breitfeld.

À mon sens, un bien commun, informationnel ou pas, est censé appartenir à tous le monde, dès lors que l’on a défini que dans une société existe des biens patrimoniaux, qui appartiennent au public et sont non appropriables, et des biens privés avec lesquels on fait un peu ce que l’on veut.

Louise Merzeau. Le politique

Louise Merzeau est maître de conférences HDR à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense et membre du laboratoire Tactic. Ses travaux de recherche portent essentiellement sur trois domaines : Mémoire et information, Médiation (approche médiologique) et Image et information.   Interview de Louise Merzeau.

La question des « biens communs » est une question politique, et soulève des enjeux de gouvernance.

Lionel Maurel. Le collectif

Lionel Maurel est un blogueur, juriste et bibliothécaire de formation. Ses analyses portent sur une re-définition du droit d’auteur à l’ère du numérique. Il est co-fondateur de l’association La Quadrature du Net pour la défense des libertés citoyennes sur l’Internet et du collectif Savoirscom1. Interview de Lionel Maurel.

La notion de biens communs est pour moi éminemment liée à la dimension collective, à l’action collective, à des communautés concrètes qui se rassemblent autour d’un intérêt ou de pratiques qu’elles ont en commun.

Samuel Goëta. L’implication

Doctorant à Télécom ParisTechSamuel Goëta étudie les implications politiques des technologies numériques. Spécialisé dans les questions touchant à la production et la libération de données publiques, il est également co-fondateur d’Open Knowledge Foundation France. Interview de Samuel Goëta.

Cette gestion à plusieurs n’induit pas forcément l’absence d’une organisation, d’une structure ou d’une hiérarchie, mais implique une implication collective, c’est-à-dire l’idée que chacun a un droit de participer à la prise de décisions.

Bastien Guerry. L’esprit critique

Bastien Guerry est développeur et enseignant indépendant, passionné de culture libre. Il a travaillé pour One Laptop Per ChildWikimédia France et le musée des Arts et Métiers et a contribué à l’éditeur de texte GNU Emacs en développant Org-mode. Interview de Bastien Guerry.

Les biens communs sont des biens, soit du Domaine Public, soit libres, qui sont gérés par une communauté.

Adrienne Alix. La collaboration

Auparavant enseignante en histoire, puis dans le marketing et le e-commerce, Adrienne Alix est depuis juillet 2011 directrice des programmes de Wikimedia France. Interview de Adrienne Alix.

L’idée n’est pas de tout mettre en commun, mais de convaincre les gens qu’il est important de mettre leur travail en commun.

Vincent Calame. L’intégration

Vincent Calame est concepteur codeur de logiciels libres en particulier pour la Fondation Charles Léopold Mayer. Militant au sein de l’APRIL, structure pour la promotion du logiciel libre à l’échelle internationale, Vincent Calame est également membre de Parinux, groupe local des utilisateurs de logiciels libres pour la région de Paris-Ile-de-France. Interview de Vincent Calame.

Je pense que l’un des enjeux de réussite se situe dans la capacité à faire vivre une communauté au sein de laquelle chacun puisse trouver sa place.

Louis-David Benyayer. La coordination

Louis-David Benyayer est entrepreneur et conseiller en stratégie. Il mène en parallèle une activité d’enseignement et de recherche. Il est co-fondateur et développe depuis 2012 Without Model, organisation dont la mission est de contribuer à généraliser les modèles économiques collaboratifs, ouverts et responsables. Interview de Louis-David Benyayer.

De mont point de vue, les biens communs sont ces efforts produits par des communautés d’individus, qui se coordonnent et mettent à disposition le résultat de leurs efforts à la communauté sans en attendre une contrepartie directe et référencée.

Yann Heurtaux. L’amélioration

Passionné par la mobilité et les processus de co-création, Yann Heurtaux est consultant spécialisé en dynamiques communautaires, à Lausanne en Suisse. Il participe activement au projet Medialab Session. Interview de Yann Hertaux.

C’est le concept de « remix » and « reuse », très cher au web. On ne repart jamais de zéro. On prend ce qu’a fait l’autre et on l’améliore. Pour moi c’est un des éléments de définition des biens communs : quelque chose que l’on a tous à disposition, et que l’on l’améliore.

Sylvie Dalbin. La relation

Documentaliste scientifique entre 1984 et 1989, Sylvie Dalbin est consultante en organisation et ingénierie documentaires depuis 1989 au sein d’Assistance & Techniques Documentaires. Sylvie Dalbin travaille sur les questions d’indexation automatique et de recherche sur les contenus. Interview de Sylvie Dalbin.

Dès lors que l’on décide de travailler avec une communauté, cela implique un temps consacré à la relation entre les gens. Ce temps ne peux pas être que du productivisme de travail. Ce temps d’attente, qu’il soit électronique ou physique, est un temps d’appropriation nécessaire.

Nathan Stern. Le lien social

Nathan Stern est ingénieur social.  Il a notamment fondé des réseaux tels que Peuplade en 2003, réseau social local, et conçu Voisin-age en 2008 pour le compte des petits frères des Pauvres. Interview de Nathan Stern.

Pour moi un bien commun est un bien qui contribue à renforcer la cohésion de la communauté. Un bien commun est un bien qui crée du sentiment de fraternité et du sentiment d’être ensemble, une connexion. C’est pour moi un bien qui améliore la qualité des liens entre les acteurs qui profitent du bien commun en question.

Anne-Sophie Novel. La préservation

Anne-Sophie Novel est docteur en économie, blogueuse et journaliste 2.0 spécialisée dans l’innovation éco-sociale et l’économie collaborative. Interview d’Anne-Sophie Novel.

Selon moi le bien commun est un bien que l’on doit préserver pour que les générations futures puissent en bénéficier. Interroger la notion de commun, c’est interroger de manière plus globale les écosystèmes, leur fonctionnement et la façon dont on va partager de la connaissance, de l’intelligence et préserver ce qui importe à l’humanité dans son ensemble.

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