Biens communs. Lexique

Liste des mots (par ordre alphabétique):
abondance, accessibilité, a-croissance, action, action directe, activisme, agilité, aimer, alternative, anarchive, animaux, anthropocène, anthropocentrisme, appareil, appartenance, appropriation, art, articulation, autonomie, auto-réplication, autrui, bénévole, bien, bienveillance, biotique, bricole, bureaucrate lumineux, capabilité collective, catalyse, catastrophisme, circulation, citation, citoyenneté, co-autorat, cocréation, collaboratif, collaboration, collapsologie, collectif, commande publique, commoning, communauté, complexité, concurrence, confiance, confluence, connaissance, conscience, considération, consommation de masse, continuité, contradiction, contribution, conviction, coopération, corps social, critique, cycle, décentrer, décider, déconstruction, déflexion, délégation, démocratie, démocratie de face à face, déprogrammation, design, dialogue, dichotomie, diffusion, digital labor, diversité, do-ocratie, documentation, données personnelles en commun, doute, droit administratif des biens communs, droits sociaux, écologie, écologie politique, économie, économie collaborative, économie de la prédation, économie hétérodoxe, écosystème, égalité, émancipation, émergence, empathie, empowerment, enclosure, environnement, évident, expérience, faire, faisceau de droits, féminisation, festif, fiction, foyer, fragilité, génération, générosité, gouvernance, gouvernance autonome, gouvernance polycentrique, habitus, hybridité, inclusif, individuation, infrastructure, innovation, intellectuels précaires, interdépendance, intérêt général, inter-être, interrogation, ironie, jardins partagés, joie, juriste, justice sociale, légitimation, légitimité, liberté, licences, licences à réciprocité, lien, limite, linéarité, lutte, maison, manière, manœuvre, marchand, média, membrane, méthodologie, modèle, modèle économique, modèle d’organisation, monopole, mutualisation, mutualisme, négociation, non-humain, nomination, normativité, œuvre, open source, outil, ouverture, partage, partenariat public-communs, pauvreté, pérennité, personne, pionnier, plateforme, plateformisation des services, poïétique, politique, politique du commoning, pouvoir, pouvoir d’agir, précariat, pro-, processus, processus démocratique, professionnalisme, programme, propriété, protocole, protoforme, provisoire, puissance publique, qualité, réalité, recherche, réciprocité, reconnaissance, règle, réinvention, réplicabilité, républicain, réseau, résilience, réversibilité, richesse, risque climatique, ruralité, savoirs situés, sensible, sérendipité, service écosystémique, service public, similitude, singularité, solidarité, souveraineté, spontanéité, statactivisme, stigmergie, subversif, système, tangible, technicien, temporalité, tiers-lieux, transition, transitoire, transparence, transversalité, travail, universalité, usage, valeur, valeur d’usage, versionning, visualiser, vivant, Web 2.0

Abondance

Extrait d’entretien avec Léa Eynaud enregistré le 14 novembre 2014.

Dans le cadre d’une réflexion sur les communs, la notion d’abondance m’intéresse. On s’interroge souvent pour savoir comment imaginer une croissance infinie sur une planète dont les ressources sont finies. Ce qui est très juste par ailleurs. Au sein de ce cheminement de pensée, la réflexion sur les communs redonne crédit à l’idée de l’abondance. Il ne s’agit plus de parler de croissance mais d’abondance. Il y a abondance sur cette planète.

La pensée des communs réintroduit cette idée positive et stimulante d’abondance, qui invite à l’action et redonne espoir. Si nous sommes capables de repenser les choses autrement, nous pourrons nous rendre compte que la Terre recèle de mille ressources. Il faut juste leur laisser l’espace pour se déployer.

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Accessibilité

Extrait d’entretien avec Raphaël Bastide enregistré le 27 octobre 2014.

Il est à mon avis important d’organiser des choses qui sont adaptables aux non technophiles, d’une part parce que la technique est de moins en moins compliquée, et qu’il y a plusieurs degrés pour l’aborder.

Ensuite parce que le contenu est souvent un bon prétexte pour s’intéresser à la technique. J’ai souvent fait l’expérience de workshops organisés avec des gens qui n’avaient pas l’habitude d’une approche par la technique, et ces profils étaient souvent très intéressants, parce qu’ils avaient ce recul de personnes non connectées. Dans ma pratique, je m’intéresse aussi à faire des choses non connectées qui s’inspirent de processus existants et numériques.

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A-croissance

Extrait d’entretien avec Michel Coudroy enregistré le 15 mars 2018.

Je souhaiterais proposer le terme a-croissance, en référence au texte Bientôt il sera trop tard… Que faire à court et long terme ? dont la conclusion est :

« Nous, écologistes, altermondialistes, décroissants, objecteurs de croissance amoureux du bien-vivre, appelons à une démarche commune pour construire un projet de transition vers une société d’a-croissance, juste et démocratique. »

Ce terme vient d’une plateforme signée par plusieurs mouvements sociaux, où les mouvements altermondialistes se rapprochent des acteurs de la décroissance.

Les altermondialistes ont longtemps hésité concernant une contestation de type keynésienne, c’est-à-dire de baser la contestation sur le fait que le marché était moins efficace que des initiatives encadrées par des institutions.

Faut-il conclure de cela que le marché fait des crises alors que quelque chose de plus encadré produit de la croissance et que le développement durable passe par ce processus ? Ou est-ce que, compte-tenu de notre rapport homme-nature, il faudrait davantage penser l’organisation des rapports sociaux en terme de coopération plutôt qu’en terme de compétition ?

Cette réflexion a été longtemps posée, mais peut-être mal comprise par le mouvement de la décroissance, et aujourd’hui, il y a sans doute la possibilité de réfléchir à des modes d’organisation en réseau basés sur la gratuité et l’échange de service. Aussi, il semble possible de vivre tout aussi confortablement avec moins de circulation monétaire.

Aussi, nous sommes dans une perspective où il ne s’agit pas directement de mettre en relation la montée du PIB et la montée de la pollution. Les interrogations sont beaucoup plus globales et diffuses.

Nous nous plaçons donc à côté de la question de la croissance ou de la décroissance. Nous situons la question sur les modes d’organisation.
Ce déplacement par rapport à la problématique signifie ni limite à la croissance, ni volonté de décroissance, mais traduit une volonté de réfléchir dans l’a-croissance.

Cela me semble intéressant car cela fait le lien entre plusieurs mouvements qui vont à l’essentiel aujourd’hui.

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Action

Mon expérience de Disco Soupe montre que, si nous nous situons uniquement dans une organisation revendicative ou de lobbying qui n’a pas de manifestation physique permettant d’interpeller directement les passants ou les consommateurs, la puissance du message diminue .

Il est important de s’investir dans un lieu et de se situer dans une action de terrain.

Dans Disco Soupe, nous essayons de faire en sorte que chacun fasse tout. Notre but n’est pas, par exemple, d’avoir un salarié qui soit chargé de communication. Il est indispensable que chacun continue à organiser des événements. C’est pourquoi même les gens engagés depuis un an et demi dans l’association continuent à mener un ou deux événement par mois.

C’est aussi dans l’action que le sens se trouve.

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Action directe

Extrait d’entretien avec Emma enregistré le 21 février 2018.

Je crois peu au changement des pratiques pour faire bouger les lignes.

Je sais qu’un ensemble de personnes défendent cette approche, en changeant les modes de consommation, par exemple.
Je pense que cela ne suffira pas parce que la partie de la population, qui n’est pas ouverte à ces changements, continuera d’être martelée d’injonctions à consommer et à rentrer dans le moule.

Je pense que ce n’est pas en faisant de petites actions, en se réunissant en petits groupes, par exemple en faisant une AMAP, que la situation va changer.
Pour ma part, je pense qu’il faut déployer une force d’action prête à bloquer le système. Une grève générale, par exemple, et de manière coordonnée.

La plupart du temps, même si des grèves sont mises en œuvre, celles-ci ne pèsent pas assez lourd. On n’en parle jamais. Celles-ci se fond écrabouiller assez rapidement.

Le jour où, ne serait-ce que 20% de la population arrêtera de travailler, je pense que la situation sera suffisamment problématique pour que l’on puisse entamer une discussion sur un nouveau fonctionnement de société.

Partager le fruit de la production des entreprises équitablement. Mettre fin à la fraude et à l’évasion fiscale. J’aimerais que tout cela se passe par la discussion et de façon apaisée.
Malheureusement, je pense que les personnes qui profitent du système tel qu’il est ne l’entendront pas de cette oreille.
Et je me demande ce qu’il adviendra le jour où 20 % des citoyennes et des citoyens arrêteront de travailler. Moi, je pense que l’on nous enverra au travail avec le fusil dans le dos. La question est donc de savoir ce que fera la police quand on en sera là ? Que feront les militaires ? De quel côté se rangeront-ils ?

Je pense que tout va se jouer là.
Est-on prêt à en arriver là ? Ce n’est pas évident.

D’autres propositions d’actions directes existent. Boycotter le système. Le saboter. Non pas matériellement mais logistiquement. Il s’agit moins d’arrêter de travailler que de mettre le doigt sur les rouages pour les empêcher de fonctionner correctement et forcer un changement de société.
Je pense que cette méthode peut aussi marcher à condition que l’on soit nombreux, et que l’on comprenne pourquoi on le fait. Aujourd’hui, il y a beaucoup de belles idées et de mots vides de sens, employés à tort et à travers.

Il faut comprendre pourquoi l’on agit, et dans quel objectif. Cela prend du temps. Cela demande beaucoup de discussions, de concertation. C’est pourquoi il faut aussi accepter que ces changements se produisent dans la durée.

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Activisme

Extrait d’entretien avec Elliot Lepers enregistré le 25 mars 2015.

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Agilité

Extrait d’entretien avec Sophie Ricard enregistré le 24 juin 2017.

Être agile. Et aller faire ailleurs. Ne jamais s’enterrer et ne jamais se sentir propriétaire.

Il s’agit de faire en sorte que cela fasse école ailleurs.
Et de changer de sujet si cela est nécessaire.

Le lieu est important, mais le lieu n’est pas la fin.
Le lieu est important pour se réunir et se rencontrer, mais il n’est pas l’objectif final.

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Aimer

Extrait d’entretien avec Frank Adebiaye enregistré le 19 septembre 2013.

C’est la chose la plus difficile. Aimer c’est être capable de se transfigurer positivement pour quelque chose. On dit souvent que l’amour est proche de la foi. Pour revenir à cette notion de temps, aimer c’est se faire la promesse d’être meilleur.

Aimer, c’est faire la promesse à soi-même et aux autres d’être meilleur.

De faire mieux. D’être une meilleure personne. C’est cela aimer. C’est d’une puissance considérable. C’est la chose la plus importante des quatre. Le cardinal des cardinaux, c’est aimer. C’est sûr.

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Alternative

Extrait d’entretien avec Elliot Lepers enregistré le 25 mars 2015.

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Anarchive

Extrait d’entretien avec Claire Dehove enregistré le 17 janvier 2019.

Le processus de délégation peut apparaître comme une espèce de passation de pouvoir, mais en réalité il engage beaucoup plus de choses que cela.

C’est le rôle des hypothèses d’une certaine manière.

Les hypothèses, qui peuvent être éditées sous forme de petits flyers qui circulent dans les lieux, suscitent des possibles. Celles-ci génèrent des discussions et des situations. Elles permettent de mesurer l’écart entre ce qui a été projeté, et ce qui a eu lieu, ou qui a lieu , concrètement.

Pourquoi anarchives ? Parce que ce sont des archives qui sont constituées de manière anarchique et dans le temps, et par toute personne qui veut y contribuer, sur n’importe quel support et sous n’importe quelle forme.

Ensuite il faut trouver les moyens de donner à voir et de donner une lisibilité à ces archives.

Et surtout, que ces anarchives puissent donner une lisible à tout le processus qui s’est déroulé.

Dans le cas de l’Ambassade des communs, par exemple, les uns et les autres, et moi aussi, avions filmé et enregistré des moments festifs, des moments de travail, des moments d’élaboration et de réflexion, des moments de rien, dans les lieux.

Et justement, le rien avait beaucoup été filmé, parce que dans les repérages sur le lieu en amont du projet, il fallait montrer cette espèce de séparation, et le rendre perceptible à tous ceux qui n’avaient pas été en contact directement avec le protocole d’élaboration du projet.

Enfin, il fallait montrer toutes les bases de la réflexion et toutes les hypothèses qui avait été partagées. Dans ce cas, il est certain que le la forme vidéo est très utile. C’est pourquoi nous nous trouvions avec d’énormes corpus de rushs, qu’ il fallait mettre en forme.

Au montage se pose la question de comment mettre en forme, de manière non linéaire, quelque chose qui a tout le temps été suscités et créé en simultanéité.

Par cette vidéo, nous voulons rendre perceptible ce processus d’élaboration commun. Il faut lui trouver une structure qui rendent compréhensibles les choses, et en même temps, donner l’idée des surgissements perpétuels et spontanés qui avait lieu.

On a proposé à WOS Agence des Hypothèses de traiter cela d’une manière très fragmentaire,  par exemple par des split screen et par une écriture cinématographique spécifique et à trouver.
Un film de 17 minutes, qui s’appelle Ambassade de la Métanation, est donc passé régulièrement, à peu près une fois tous les 3 mois, à la Maison des Arts et a circulé au-delà de Bordeaux. Ce film témoigne de cette situation et continue, d’une certaine manière ,à servir de point d’ancrage à l’Ambassade des communs.

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Animaux

Extrait d’entretien avec Nathalie Blanc enregistré le 17 mars 2018.

Mes premiers travaux de recherche portent sur la place de l’animal dans les villes et des animaux du quotidien, comme le cafard, les insectes, les oiseaux ou encore les animaux domestiques errants, comme par exemple les chats.

Cette relation à l’animal est souvent ignorée ou dévalorisée. On dit que les gens qui s’occupent de ces animaux dans les espaces urbains sont des gens de pauvre condition, parce qu’ils n’auraient pas d’autres relations et s’occuperaient donc des animaux à défaut.
J’ai toujours eu à cœur de montrer à quel point cette relation à l’animal et au vivant, en ville, est centrale pour se constituer et se construire.

Aujourd’hui, on voit que cette relation aux éléments de nature en ville est centrale aussi en terme d’identité des collectifs.
Elle est une façon de se constituer dans cette relation.

Il est important de voir que l’animal nous constitue tout autant que nous constituons l’animal. C’est la sauvagerie que l’on prête au chat ou au cafard qui introduit la nôtre.
Donc cette relation est bi-trajective.

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Anthropocène

Extrait d’entretien avec Alexandre Monnin enregistré le 21 août 2017.

Je m’intéresse depuis maintenant 2 ans à la question de la fin du numérique. Même si cela peut surprendre, il s’agit de questionner l’avenir des technologies, et de fait, la fin potentielle et probable de celles-ci. Je m’intéresse à essayer d’amortir cette fin, d’une part en commençant déjà à y réfléchir, et d’autre part en cherchant des alternatives permettant de se donner les moyens d’arrêter d’utiliser partiellement ces technologies.
Ces technologies sont un héritage commun. De la même manière, nous héritons des centrales nucléaires, que nous le voulions ou non, que nous soyons pro ou anti-nucléaire. Nous ne pouvons pas les ignorer, tourner les talons et les laisser vivre leur vie ou tomber en décrépitude. Nous sommes obligés d’en faire quelque chose.
Il y a donc là quelque chose qui est de l’ordre du commun et qui exige que l’on se dote de nouvelles règles de gouvernance pour ces infrastructures, avec un horizon qui est celui de l’anthropocène.
Notre horizon est probablement celui de la fermeture progressive de ces infrastructures. Et il s’agit de développer une ingénierie de la fermeture, parce que cela n’existe pas encore aujourd’hui.

Nous héritons de cela, nous ne pouvons pas nous en passer, mais cela ne va pas pouvoir durer. Alors que faisons-nous ? Comment essayons-nous finalement de fermer ces infrastructures dont nous sommes totalement dépendants aujourd’hui, mais qui ne sont pas durables ? C’est à mon sens un des enjeux des communs pour l’avenir.

Le commun n’est pas constitué uniquement de choses positives. Nous héritons aussi de communs négatifs. Il faut les gérer, et pour cela, se doter de règles de gouvernance, de capacité de visualisation qu’apportent les arts.

Je prends l’exemple du collectif Bureau d’études, qui fait cohabiter dans ses cartographies des communs positifs et des communs négatifs. Sachant qu’il y a aussi des aspects négatifs dans les communs positifs et inversement. Par exemple, les centrales nucléaires apportent de l’énergie partiellement décarbonée. Et en même temps les communs positifs nous font nous heurter à tout un ensemble de situations où il faut par exemple exclure parfois ceux qui abusent ce des communs.

C’est pourquoi la notion d’infrastructure permet de penser ensemble ces deux aspects.

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Anthropocentrisme

Extrait d’entretien avec Xavier Fourt enregistré le 21 août 2017.

À mon sens, dans la question du commun et des communs est posée d’un point de vue anthropocentrique.

Pour poser la question du commun et des communs d’un point de vue élargi, c’est-à-dire post-anthropocentrique, une approche institutionnaliste ne suffit pas. Cela pose des questions ontologiques.

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Appareil

Extrait d’entretien avec Anthony Masure enregistré le 7 juin 2015.

J’emprunte le mot appareil à Pierre-Damien Huyghe, pour désigner ce qui pourrait être un contraire possible du terme dispositif.

Un dispositif serait un système technique contraignant, conditionnant et enfermant, en faisant notamment référence à Michel Foucault.
L’appareil serait un objet technique ouvert à des pratiques et à un champs.

En prenant l’exemple de l’appareil photo, on peut considérer l’appareil comme objet technique ouvert par les réglages qu’il rend possible. On peut modifier la focale, le niveau d’ouverture de l’obturateur. Même si cela consiste finalement en de petits gestes – on tourne un bouton ou une petite molette – malgré tout des choix conscients s’opèrent dans cette pratique.

Par extension, on peut s’interroger sur le degré d’ouverture d’un logiciel. Veut-on soutenir des logiciels qui soient non réglables, ce qui est quand même la voix dominante actuellement notamment dans les systèmes d’exploitation des téléphones mobiles et des principes d’app stores en général ? Veut-on aller dans cette direction là ? Ou veut-on encourager au contraire des logiciels appareillés et appareillables, du type des logiciels libres, mais pas seulement ?

En effet, certains logiciels libres ne sont pas appareillables car le code source est encombré, mal documenté, ou encore parce que la communauté c’est tombée en désuétude. Certains encore proposent des plugins et non pas les API ouvertes.

Des logiciels appareillés et appareillables doivent reposer sur des communautés de pratiques, que l’on peut étudier et valoriser et qui permettent d’installer une culture commune, c’est-à-dire quelque chose qui serait de l’ordre des biens communs.

Dans le design, il me semble absolument nécessaire de pousser dans cette direction là. Pour exemple, Frank Adebiaye, comptable et typographe avait, lors d’une conversation, soulevé le fait que les comptables avaient plus de liberté de choix que les designers graphiques au sein des panels de logiciels qui leur était mis à disposition.

Les designers graphiques sont pourtant censés appartenir à une communauté ou à un groupe des métiers de la création. Or, concernant la partie logiciel, il me semble que ce n’est pas du tout le cas.
Il me semble vraiment important de développer à la dimension ouverte des logiciels, même si de nombreuses questions demeurent et même si le panel de logiciels libres en cours de développement présentent encore de nombreux problèmes dans l’ergonomie et les fonctionnalités.

Mais plutôt que de se lamenter, il me semble qu’il faut contribuer aux améliorations des logiciels libres plutôt que de faire perdurer les systèmes de monopole, qui ne sont au final profitables qu’à l’éditeur et pas aux designers.

On reste utilisateurs des systèmes fermés par commodité, parce que l’on n’a pas vraiment un aperçu des alternatives.

Une démarche design qui ne sait pas envisager, mobiliser et développer des alternatives aux systèmes fermés, me semble – de fait – condamnée à ne pas produire grand chose.

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Appartenance

Extrait d’entretien avec Thomas Landrain enregistré le 14 août 2013.

Nous appartenons tous au règne vivant. Nous ne partageons pas seulement une relation d’utilité avec le vivant. Il existe également un lien d’empathie.

Empathie que nous n’aurons jamais avec un ordinateur par exemple – ou alors sans intelligence artificielle. Mais là, nous rentrons dans un autre domaine.

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Appropriation

Extrait d’entretien avec Béatrice David enregistré le 5 février 2014.

Il s’agit de remettre les gens au cœur de leur existence et de leur vie citoyenne, de leur travail et de leur parcours en général. Il s’agit aussi de leur donner les outils.

L’appropriation c’est aussi une forme de valorisation des personnes, qui implique un travail d’accompagnement de sorte que chacun soit à même de choisir ce qui est le mieux et accède à une certaine autonomie.

Il s’agit de pouvoir reprendre la parole, parce que finalement, lorsque l’on est seulement un aidé, nous n’avons pas trop notre mot à dire, si ce n’est en tant qu’aider. Nous ne sommes pas trop écouté. Permettre l’appropriation c’est permettre à chacun de redevenir acteur et d’acquérir une légitimité. C’est aussi avoir une vision plus globale, complexe. Être capable d’avoir un regard critique, de choisir, plutôt que d’aller uniquement dans une voie que l’on nous donne et qui nous oriente.

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Art

Extrait d’entretien avec Alexandre Monnin enregistré le 21 août 2017.

Pour moi, l’art et le commun sont dans des situations intéressantes parce que l’art, finalement, essaie de témoigner d’une forme de singularité. On essaie de produire une singularité.

La question qui se pose est de savoir comment articuler cette singularité à une dimension commune. Comment cette singularité peut participer d’un commun, en contribuant à l’intérêt général par exemple.

Cette question m’intéresse à la croisée de deux projets. L’un que j’ai mené et l’autre auquel je me suis intéressé, et qui me conduit à un nouveau projet.

Le premier projet est celui dont je me suis occupé pour les Fondation Galerie Lafayette. L’idée était de fabriquer une plateforme pour une fondation d’intérêt général d’art contemporain avec pour enjeu de donner à voir l’art contemporain hors des cadres habituels qui en font finalement un art très spéculatif, qui ne touche pas le grand public et qui concerne essentiellement des gens fortunés qui vont spéculer sur les œuvres. Cette critique habituelle de l’art contemporain n’est pas totalement injustifiée par ailleurs.

Par ce projet, il s’agit d’aller voir plutôt la fabrique de l’art contemporain, en rentrant dans les discussions que les producteurs peuvent avoir – car la Fondation Galerie Lafayette est une fondation de production d’art contemporain, avant d’être une fondation qui expose des œuvres. Cette notion de production est très importante car dans le cadre de la production, il y a une discussion avec l’artiste sur ce qu’il fait. Dans ces discussions, il est possible de voir que tout ne se construit pas sans justification, de manière gratuite. Ce qui est produit par l’artiste est soumis à des critères d’évaluation où l’on discute de la direction que va prendre l’œuvre, de la direction où va l’artiste, et de la manière dont il sert l’œuvre qu’il va faire advenir. Et finalement, des jugements de valeur émergent de ces discussions.
L’idée est de partager ces jugements de valeur, de montrer que l’art contemporain n’est pas gratuit. Il s’agit donc, d’une part, de permettre au public, de ce fait, d’avoir une vision et d’être en capacité d’apprécier et d’appréhender l’art contemporain.

D’autre part, le fait de doter une fondation d’une archive, c’est l’obliger, finalement, à répondre de son action puisque cette archive va être en partie partagée avec le public.
Au quotidien, la fondation produit un matériau qui va ensuite servir à produire la médiation à destination du public. À partir du moment où l’on est obligé de répondre de son activité devant le public, on est responsable de ce que l’on fait et on ne peut pas faire n’importe quoi. La fondation s’engage, en travaillant avec des artistes, à faire des œuvres qui ont en partie une dimension sociale. L’enjeu est de parvenir à articuler la singularité qu’apporte l’artiste avec une notion d’intérêt général qu’est censée porter une fondation.

Une fondation a un privilège dans le sens où elle permet de défiscaliser. C’est pourquoi ce privilège se paye au prix de l’intérêt général qu’elle doit servir en contre-partie. Mon travail a consisté à essayer d’articuler spécificité et bien commun et à se mettre au service de l’intérêt général.

C’est pour cela que je me suis inspiré des Nouveaux commanditaires, une initiative qui existe depuis plus de 25 ans maintenant. Cette initiative permet à des publics divers et variés, et qui rencontrent un problème, de passer commande d’une œuvre d’art pour transformer la situation dans laquelle ils sont. Il s’agit de faire intervenir un artiste pour produire une œuvre qui va contribuer à cette transformation, en appui du public et dans un dialogue suivi avec ce public. Cela permet de remettre l’art au cœur de la société, de lui redonner un sens et une finalité.

Dans ce travail avec les Galeries Lafayette, je me suis largement inspiré des Nouveaux commanditaires pour essayer de penser des dispositifs et des protocoles permettant notamment de travailler avec des artistes qui, eux-même, non pas produisent des œuvres matérielles qui seraient ensuite vendues sur le marché de manière traditionnelle, mais plutôt des artistes qui travaillent sur des situations. Ces artistes travaillent à transformer des situations que rencontrent des publics, parce que, justement, ils sont des artistes et ont une capacité à agir hors des lignes classiques. Et finalement, ils ont une capacité à transformer des situations pour en faire advenir de nouvelles qui n’existeraient pas sans leur intervention. C’est ce décalage qui est la spécificité de leur travail. C’est ce que j’appelle « un art des situations », qu’il faut encourager.

On parle parfois d’esthétique relationnelle ou de performance. Cette démarche va bien au-delà. Il s’agit de travailler avec des publics pour transformer leur réalité. J’ai rencontré quelques artistes qui travaillent sur ce mode là. Et c’est effectivement pour moi tout un enjeu de mettre en avant ce type de démarche où, dans ce cas précis, on ne se pose plus la question de la médiation, c’est-à-dire comment atteindre un public, car le public est déjà au cœur de l’œuvre. C’est le public qui rencontre un problème, qui est dans une situation de trouble, qui va amener un matériaux que l’artiste va travailler avec lui.

De ce fait, la question de l’intérêt général n’est pas une question rhétorique ou qui se poserait dans un second temps. L’intérêt général est au cœur de l’activité artistique et de l’invention de nouvelles formes de travail et d’appréhension de ces situations.

Je pense que, par ce type de pratiques, on a ici une opportunité très intéressante de repenser un art contemporain qui deviendrait un art des situations, sans abandonner pour autant le souci formel. Ces démarches déplacent les enjeux formels dans d’autres directions que celles que l’on a connu jusqu’à aujourd’hui. Pour moi, les Nouveaux commanditaires, initiative inventée par François Hers et qui est en-soi une œuvre d’art, peut réellement ouvrir des directions intéressantes pour nous permettre d’aller plus loin. C’est une articulation entre art et commun qui me parait tout à fait essentielle.

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Articulation

Extrait d’entretien avec Jennifer Bonn enregistré le 18 novembre 2013.

Chacun a son fil. Les fils se rejoignent, se détachent, s’articulent ensemble.

C’est l’articulation entre les personnes qui crée les communs. Nous n’avons pas les mêmes positions, mais nous articulons nos positions.

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Autonomie

Extrait d’entretien avec Raphaël Bastide enregistré le 27 octobre 2014.

Je parle de libre et d’open source, mais j’aspire à une certaine forme d’indépendance, de manière générale, quand à la production.

C’est quelque chose auquel j’ai eu partiellement accès, et j’ose espérer qu’un jour des étudiants qui voudront chercher l’information pourront la trouver dans le contexte de l’École. À mon avis l’École est faite pour cela, mais pour l’instant elle ne remplie pas ce rôle.

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Auto-réplication

Extrait d’entretien avec Thomas Landrain enregistré le 14 août 2013.

La vie a cette capacité à se reproduire, se diviser, se disperser. Elle a des propriétés qui sont presque virtuelles.

Cette capacité infinie de reproduction est un pré-requis évident pour se définir comme étant bien commun.

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Autrui

Extrait d’entretien avec Thibault Van Craenenbroeck enregistré le 18 novembre 2013.

Je me suis posé des questions sur ce que signifie travailler et participer à des créations de spectacles dans des lieux très différents. Je travaille très rarement chez moi. Je suis toujours dans des endroits où l’on présuppose de l’attitude des gens que l’on va recevoir. Qu’est-ce que c’est que cela ? Qu’est-ce que cette prétention là ? Et en même temps, qu’est-ce que ce pari là ? Cela peut être apparenté à une prétention. La prétention de savoir comment les gens vont être. Penser qu’ils vont toujours agir de la même manière. Et en même temps, ce n’est pas cela. Je pense que c’est plus que cela. C’est peut-être plutôt faire le pari d’une forme d’universalité, de partage. De fait, même si les rapports seront très différents d’un soir à l’autre – de là où je parle, du spectacle, du théâtre – c’est peut-être à cet endroit là que j’aime travailler.

Il est peut-être plus prétentieux de croire que l’on va connaître les gens en restant longtemps sur place, en les observant et en les interrogeant, que de faire le pari de chercher au plus profond de soi-même des choses que l’on a envie de partager avec eux.

J’adore voyager, mais je comprends les gens qui disent que le voyage est totalement inutile. Il y a des gens qui sont complètement immobiles et qui produisent de chez eux des choses qui ont une portée universelle, connectées, d’une manière ou d’une autre. Quelque part le déplacement est une forme d’agitation quelque peu illusoire.

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Bénévole

Extrait d’entretien avec Pauline Cescau enregistré le 22 juillet 2018.

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Bien

Extrait d’entretien avec Nathan Stern enregistré le 15 octobre 2013.

La notion de biens communs me parait renvoyer à la notion de bien, dans sa double acception. Dans son acception morale tout d’abord, c’est-à-dire le bien que l’on oppose au mal. Mais aussi dans son acception économique, c’est-à-dire le bien que l’on oppose au service. J’apprécie cette ambigüité du mot bien, qui me parait prometteuse. En effet, si nous parvenons à fabriquer des biens – au sens des objets, des choses qui peuvent se produire, se vendre, s’acheter – qui contribuent au bien commun, alors c’est une très bonne nouvelle pour l’Humanité. Cela représenterait un pas dans le sens d’une démocratisation de ce qui contribue à la qualité des liens. C’est-à-dire de ce qui aujourd’hui est épouvantablement cher. Il y a une grande différence entre les services et les biens. Les biens ne mobilisent pas la présence d’un humain délivrant une prestation, contrairement au service. C’est pourquoi le coût des biens peut être parfois très inférieur au coût des services.

Ce phénomène de démocratisation représenterait donc une excellente nouvelle pour les communautés, que se soient les communautés familiales, les communautés économiques, d’entreprise, conjugales, ou toute autre forme de lien dans lequel une unité s’institue.

Il faut encapsuler, catalyser de la valeur sociale dans les objets plutôt que dans les services, ce qui rendrait celle-ci plus accessible et donc beaucoup plus généralisable.

Aujourd’hui, quand un couple est en difficulté, il faut qu’il ait de quoi s’offrir 70 ou 80 euros de l’heure les services d’un thérapeute conjugale. Ou qu’il lise un livre qui ne sera peut-être pas d’une grande efficacité, parce que face à la difficulté, la lecture d’un livre suffit rarement. Il en est de même pour les situations où il y a violence, dans les entreprises par exemple. Dans ces cas de figure, le recours à du personnel qualifié est presque systématique, excluant ainsi la possibilité à une grande majorité des acteurs de pouvoir s’offrir des services aussi chers. Et du coup, ils resteront dans des situations aussi détériorées qu’ils l’étaient au départ.

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Bienveillance

Extrait d’entretien avec Julien Lecaille enregistré le 10 décembre 2017.

Le terme qui va avec la notion de transparence est celui de bienveillance.

En participant à un commun, on prend en quelque sorte un risque, intrinsèque aux logiques de transparence, de partage et de confiance.

On a vraiment besoin d’outils de bienveillance active pour que les choses fonctionnent.
La bienveillance, à mon avis, doit se jouer à deux niveaux :

D’abord, il doit exister une bienveillance envers la communauté. On doit faire des efforts pour que la communauté existe et survive, et pour avoir soi-même une place dans cette communauté.

Ce n’est pas simple d’être ensemble. Il y a besoin d’efforts pour supporter le regard d’autrui, pour être un minimum transparent vis-à-vis du regard d’autrui.

Ensuite, l’autre niveau de bienveillance, qui à mon sens est tout à fait important , s’opère vis-à-vis de la ressource.
C’est quelque chose qui n’est pas forcément très présent dans les théories d’Elinor Ostrom par exemple, qui a une approche très institutionnaliste et qui met en avant la notion de règles.
Faire des règles, c’est bien parce que cela permet d’avoir un cadre objectif. Mais c’est aussi compliqué à tenir, parce que suivre les règles représente du travail.

Avec un niveau de bienveillance suffisant, les règles sont moins importantes. C’est-à-dire que les participants aux communs font ce qu’il faut pour que la ressource survive et soit gérée correctement indépendamment de règles décidées collectivement. Ce sont des aspects de la gestion en commun qui relèvent du pair à pair.

Chacun a bien compris que c’était à la fois son intérêt individuel et l’intérêt du collectif que la ressource survive. Du coup, si un problème apparaît, il ne faut pas attendre qu’une règle décide comment régler les problèmes. Il faut régler le problème, c’est tout.

Cette bienveillance se manifeste par une présence, un intérêt, des actions contributives.

La bienveillance se manifeste par un élan contributif pour relancer les choses, même si celui-ci n’est pas forcément prévu.

L’occasion fait le larron, et la possibilité de faire quelque chose de bien engendre l’action. Après, on est content de l’avoir fait, et cela renforce la dynamique collective et puis l’ensemble de la vie du commun.

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Biotique

Extrait d’entretien avec Xavier Fourt enregistré le 21 août 2017.

Comment nomme-t-on d’autres types de communs qui ne sont justement pas des communs environnementaux ? Ce que je qualifie de communs environnementaux, ce sont des ressources, c’est-à-dire des biens qu’il faut gérer pour le bien de tous. Ces ressources sont aussi nommés biens publics environnementaux. Parfois, les différences ne sont pas très claires. Il existe une nébuleuse de termes qui ne sont pas très bien discernables, et l’approche est toujours très juridicisante. Il s’agit toujours soit d’une question de droit, soit d’une question politique, mais d’une politique malgré tout juridicisé.

Comment trouver des modes d’appréhension d’un commun multi-espèces (d’un commun biotique ou commun paysager) qui puisse déboucher sur des déterminations d’usage, pas forcément sous la forme de règles (même si cela peut avoir des aspects techniques) ?

C’est un champ de problématisation à ouvrir.

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Bricole

Sur Disco Soup, les choses se font à l’arrache. Et tant que nous restons à l’arrache, nous sommes sauvés. Nous allons dans les poubelles, nous trouvons des trucs, bricolons. Cela ne marche jamais, il y a toujours un truc qui ne va pas.

Cette obligation de bricoler en permanence, quelque part, nous permet de nous réinventer.

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Bureaucrate lumineux

Extrait d’entretien avec Raymond Vasselon enregistré le 26 juillet 2016.

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Capabilité collective

Extrait d’entretien avec Cyria Emelianoff enregistré le 17 mars 2018.

L’écologie politique reste une grande interrogation. Nous tournons autour de ce mot-là parce qu’on ne sait plus penser l’écologie politique. Nous sommes insatisfaits par les manières de la penser dans les publications qui paraissent.

Ce qui est difficile à penser, c’est notre capacité d’action. J’aime le mot de capabilité collective.

Mais ce laboratoire représente aussi l’espoir que nos impuissances individuelles pourraient être dépassées par une capacitation collective et des mises en réseau pour nous permettre de peser davantage et de refonder des bribes d’écologie politique situées, c’est-à-dire partagées avec des territoires.

Nous sommes, la plupart d’entre nous, issu.e.s de formation en géographie. C’est pourquoi la dimension spatial demeure très importante pour nous, à la fois dans la rencontre réelle des gens mais aussi des espèces vivantes, mais aussi dans le fait que le collectif est, en soi, une capacitation spatiale.

C’est dans la rencontre physique que nous pouvons nous encourager, échanger et avoir un dialogue qui va beaucoup plus loin que les rencontres et colloques auxquels nous sommes habitués dans le monde académique.

Il s’agit d’être en résidence au même endroit pendant un temps long. Là naissent et se développent des échanges sur le fond qui vont très loin. Peut-être, à terme, des innovations ou des capacités d’action communes peuvent émerger.

Pour développer ces capacités d’action communes, je pense que ce laboratoire pirate d’écologie, en tant que collectif, devra sans doute s’articuler à d’autres collectifs, comme par exemple La Myne à Lyon, ou des coopératives de recherche, pour échanger de l’énergie et trouver des modes d’action.

Il y a énormément de questions pour lesquelles nous n’avons pas de réponse. Nous créons finalement un abîme de questions qui nous dépassent. Nous ne renonçons pas à nous les poser, même si celles-ci nous dépassent.

Comment, par exemple, constituer un groupe d’écologie politique qui soit vraiment opératoire, que ce soit en recherche-action ou à l’intérieur de la science ? Comment constituer un groupe qui puisse davantage percuter le monde académique et créer une dissidence ?

En fait, au-delà des questions liées à l’écologie politique, se posent des enjeux sur la réappropriation et la redéfinition de notre métier de scientifique des pratiques qui lui sont associées.

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Catalyse

Extrait d’entretien avec Thomas Landrain enregistré le 14 août 2013.

Il ne faut pas oublier qu’un bien commun se définit comme étant commun malgré la pluralité que constitue l’humanité et ses constituants. Un bien commun ne peut être commun que s’il répond à beaucoup d’attentes différentes. La diversité et la complexité d’un système fait qu’il va pouvoir prendre différentes formes et différentes utilités. Il y a une question de robustesse aussi. N’importe quel système est intéressant à partir du moment où il possède une certaine robustesse face à son utilisation. Un bien commun s’instaure en bien commun parce que l’on y trouve un intérêt, sinon les gens ne l’utiliseront pas. Cet intérêt aujourd’hui réside dans des critères tels qu’une utilisation sûre et presque permanente. L’enjeu est de pouvoir transmettre son utilisation. Un bien commun ne doit pas présenter un caractère trop éphémère.

Le thème de robustesse est aussi intimement lié au système vivant, qui va de paire avec la notion évolvabilité, c’est-à-dire la capacité à s’adapter en permanence. Un bien commun doit pouvoir répondre à des attentes très différentes, et en cela, doit pouvoir évoluer et s’adapter si nécessaire.

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Catastrophisme

Extrait d’entretien avec Cyprien Tasset enregistré le 12 juillet 2018.

Le catastrophisme est un terme que je reprends au politiste Luc Semal qui a étudié les mouvements de la transition et de la décroissance il y a quelques années.

Dans une thèse monumentale intitulée Militer à l’ombre des catastrophes : contribution à une théorie politique environnementale au prisme des mobilisations de la décroissance et de la transition Luc Semal met au centre de l’analyse des mouvements écologistes le rapport à la catastrophe. Il s’agit de ne pas l’esquiver ou l’euphémiser dans la façon dont on la nomme en l’étudiant.

L’objet que j’ai choisi d’étudier correspond à la génération d’après, c’est-à-dire au catastrophisme qui se développe à partir du milieu des années 2010. Ce catastrophisme a cela de singulier, par rapport à celui étudié par Luc Sémal, qu’il ne se situe pas d’emblée dans l’horizon d’une pratique politique.

La décroissance est un programme de politique économique dans un débat sur la croissance.

La transition est un programme d’activités qui s’intéresse à la question de la transformation des villes.

Le catastrophisme, qui se cristallise autour de l’idée d’effondrement, autour du mot d’effondrement, a cela de singulier qu’ il n’est pas d’emblée accolé à un programme ou à une position politique. Le catastrophisme se donne comme une notion descriptive et factuelle, un pronostic sur ce qui va arriver sans horizon politique précis et déterminé.

Cette caractéristique en fait un objet peut-être plus mobile que les politiques de la transition et la décroissance. Le catastrophisme est plus indéterminé et peut, de fait, attirer des acteurs plus hétérogènes, les politiser, transformer leur vision du monde, ou encore les dépolitiser tout autant.
C’est un type d’objet qui est souvent questionné en terme politisation et dépolitisation. Cela fait partie des questions que je me pose et sur lesquelles j’enquête.

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Circulation

Extrait d’entretien avec Jennifer Bonn enregistré le 18 novembre 2013.

L’articulation crée des passages et des connexions, et constitue en soi un dispositif, permettant des circulations d’informations, la répartition des taches.

Une des question qui se joue est de savoir comment l’on change de position à l’intérieur d’un commun, suivant les besoins. Il y a un enjeu d’adaptation.

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Citation

Extrait d’entretien avec Matthieu Cannavo enregistré le 7 septembre 2015.

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Citoyenneté

Extrait d’entretien avec Yann Heurtaux enregistré le 11 août 2013.

Par le terme citoyenneté, j’aimerais introduire l’idée d’une responsabilité face au groupe, qui consiste à dire que nous choisissons ensemble les règles de vie et nous les améliorons.

Nous sommes responsables pour nous et pour les autres de la communauté.

Extrait d’entretien avec Charlotte Rizzo enregistré le 29 novembre 2014.

Extrait d’entretien avec Ophélie Deyrolle enregistré le 21 juillet 2018.

Nous sommes nombreux, dans nos contextes personnels ou professionnels, à nous dire que l’on décide pour nous, mais qu’il n’y a rien à faire et que nous ne pouvons pas lutter pour reprendre la main sur les organes de prise de décision, les orientations, la politique.
Nous sommes nombreux à nous dire que nous subissons la technologie, mais que nous rentrons joyeusement dedans tout de même. Nous ne sommes finalement pas conscients que nous décidons de subir cette technologie.

Face à ces enjeux, les tiers-lieux sont un moyen de repasser à l’action et au faire.

Construire un dortoir ensemble, un barbecue ensemble. Ce sont de petits actes qui permettent de faire quelque chose de concret et visible. Et le fait de voir est important.
Sur ce sujet, j’ai beaucoup été influencée par L’Éloge du carburateur de Matthew B. Crawford.

Je pense que les tiers-lieux sont très attendus par rapport à cet enjeu. Pour autant, je ne suis pas d’accord avec l’expression “ce sont ceux qui font qui décident” qui ne me semble pas compatible avec l’idée d’accessibilité et d’appropriation par tous. Il existe aussi une forme de dictature du faire, d’une certaine façon. Il me semble important que chacun se sente en capacité de transformer et tester, mais sans imposer. Ce sont des équilibre qu’il va nous falloir trouver.

Faire, c’est démontrer que l’on peut être acteur. Mais il est important que cette approche par le faire ne devienne pas une dictature.

Le processus qui consiste à faire le pas pour faire quelque chose est important. Ensuite, le résultat de cet action est discutable et doit pouvoir être discuté.

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Co-autorat

Extrait d’entretien avec Claire Dehove enregistré le 17 janvier 2019.

En ce qui concerne l’Ambassade des communs, je voudrais parler de la question du co-autorat.

Bien entendu, par rapport aux Nouveaux Commanditaires, j’ai dû signer un contrat. Ce contrat relevait d’un contrat classique pour un artiste-auteur de son œuvre, qui a une finalité qui doit être respectée, sous copyright, et pour laquelle il reçoit des honoraires.

Et en réalité, je me trouvais face à une forme juridique qui ne convenait absolument pas. En effet, je considérais, d’une part, que le travail de diagnostic qu’avaient fait les commanditaires de la Maison des Arts, en amont de mon arrivée, était déjà une manière d’orienter toutes les recherches de la “future œuvre”.

Les présupposés et préalables, comme les recherches qu’un artiste pourrait faire dans un atelier de manière classique, avait déjà été faites par ce autre groupe.
Ensuite, au sein de la démarche artistique s’opère un travail de traduction, c’est-à-dire de mise en mouvement, d’interprétation et d’énoncé. Work on Stage matérialise ce processus au travers des hypothèses, graphiques, en volume ou par un travail de modélisation ou encore organisationnel. C’est une mise en perspective du déroulement et du mouvement de l’œuvre collective que l’on vient d’inventer.
Enfin, en temps réel également, les étudiants ont mené des recherches. Nous avons invité le Collectif Bruit du Frigo pour suivre le projet de la petite maison des communs

Les œuvres collectives, collaboratives ou plurielles sont entourées d’un flou juridique mais aussi conceptuel.

Cet impensé a posé un sérieux problème aux Nouveaux Commanditaires eux-même, et à la Fondation de France par définition. Qui est auteur de quoi ? Les idées circulent et sont reprises en permanence. Les promotions d’étudiants se succèdent, des intervenants extérieurs sont invités et mobilisés au plan théorique.

J’estime que l’Ambassade des Communs est une œuvre globale dont le corps est une co-existence et se co-définit à long terme.

C’est pourquoi, quand Contexts, espace de diffusion des projets Nouveaux Commanditaires  à Belleville, m’a proposé en septembre 2018, de faire une exposition, j’ai proposé que Contexts devienne une plateforme de réflexion à travers toute une série d’ateliers débats, où on essayerait de prendre la question des communs depuis différents angles, en invitant philosophes, sociologues, juristes pour essayer d’éclaircir l’ensemble de ces questions.

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Cocréation

Extrait d’entretien avec Alexandre Guttmann enregistré le 12 avril 2018.

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Collaboration

Extrait d’entretien avec Sylvain Boissel enregistré le 20 août 2016.

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Collapsologie

Extrait d’entretien avec Joël Marty enregistré le 15 mars 2018.

La réflexion sur les communs me paraît d’autant plus importante que je suis aussi en train de devenir un collapsologue amateur.

Depuis 5 ou 6 ans, j’ai fait de nombreuses lectures et consulté des vidéos sur différents aspects et cheminements qui nous amènent à l’effondrement.

Aujourd’hui, je dis que la responsabilité de quelqu’un de conscient et d’engagé, c’est d’aider les autres à la prise de conscience de l’effondrement.

Non pas pour le plaisir de peindre l’avenir en noir, mais pour que cette prise de conscience puisse permettre de passer rapidement de la phase actuelle de déni, et qui sera sans doute suivie par une phase de dépression inévitable, à une phase de reconstruction, ou plus exactement de résilience.

C’est ce que nous allons essayer de faire au sein du Collectif pour une Transition Citoyenne dans la Loire.

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Collectif

Extrait d’entretien avec Nathalie Blanc enregistré le 17 mars 2018.

La question du collectif est importante. J’y travaille beaucoup ces dernières années au travers de la notion de commun, et de la question des mobilisations environnementales.

J’étudie comment des gens travaillent ensemble dans des espaces urbains ordinaires, et puis font preuve, finalement, de ce que l’on pourrait appeler un environnementalisme ordinaire, c’est-à-dire mettent en œuvre une relation de proximité à leur environnement, qui les invite à le prendre en charge, d’une manière ou d’une autre, au nom d’éléments qui sont de l’ordre de la protection de la nature, de l’amélioration de leur habitat, ou du partage d’un territoire de qualité.

Extrait d’entretien avec Ophélie Deyrolle enregistré le 21 juillet 2018.

Pour monter des projets qui aient un sens et un impact positif sur le territoire, il est nécessaire de parvenir à fédérer des énergies collectives.

Pour ma part, je n’arrive pas à faire les choses toute seule, parce que je ne sais pas tout faire et que d’autres savent faire plein de choses beaucoup mieux que moi. Ce qui m’intéresse est de parvenir à faire en sorte que chacun trouve sa place dans un collectif, et que chacun se rende compte qu’il peut aller beaucoup plus loin grâce aux autres, pour soi-même et pour le territoire.

Ce collectif est aussi comme une grande famille dont il faut en prendre soin. Il faut donc trouver les bonnes règles pour que cela fonctionne bien, les bons mots de sorte que chacun trouve sa place.

Ce n’est pas facile, d’autant plus lorsque les collectifs sont déjà constitués et que se pose la question de l’intégration nouvelles personnes.

La dimension collective est à la fois un besoin que j’éprouve pour moi-même, mais aussi, selon moi, une condition au bon fonctionnement et à la pérennité des projets.

Répondre aux besoins d’un territoire ou d’une entreprise ne me semble possible qu’en mobilisant l’intelligence et les pratiques collectives, et en veillant à ce que chacun trouve sa place et soit valorisé dans collectif .

Mon métier et ma formation consistent à faire de la gestion de projets, et j’aime le faire en collectif, en trouvant les bonnes personnes, en mettant en place des processus de transmission, et en faisant en sorte que chacun se sente légitime.

Dans le cadre de projets comme celui de la Grande Halle, la coopération est une nécessité. La Grande Halle est une forme de tiers-lieux, c’est à dire un processus qui met en capacité de faire ensemble. Le tiers-lieu est une famille, et je pense que les uns et les autres, nous avons besoin aussi de nous rattacher à des racines. Ces racines peuvent être profondes ou pas, elles peuvent changer fréquemment ou pas.

Un fonctionnement collectif permet de construire des repères, des identités.

Extrait d’entretien avec Claire Dehove enregistré le 17 janvier 2019

WOS / Agence des Hypothèses intègre toute personne qui collabore au fur et à mesure de l’état des projets.

Les projets peuvent, par exemple, nécessiter des modélisations lorsque des dispositifs matériels sont mis en place. Il faut modéliser les lieux, avoir une approche de design ou encore d’écodesign par rapport à ces lieux.

Certains projets requièrent du graphisme pour des questions de signalétique. L’audiovisuel est régulièrement mobilisé pour constituer un corpus d’archives, de tous ordres et de tous supports, qui rendent compte de l’évolution des protocoles des projets et de leur implantation.
Effectivement, WOS / Agence des hypothèses ne fait pas d’objets.

Il s’agit, la plupart du temps, de travailler sans finalité d’art.

L’art, ce sont des dispositions et des regards artistiques qui se manifestent dans les lieux du monde commun.

Qu’est-ce que veut dire faire collectif ? Cela peut s’incarner dans une émission de radio, en collaborant à la régie ou en faisant des reportages.

Tout le monde n’intègre pas WOS / Agence des hypothèses, et d’ailleurs le fait même d’intégrer ne veut rien dire.

Faire collectif, c’est simplement signifier, peut-être comme on le crédite dans un film, que chaque personne est co-auteur, à un certain degré à définir en fonction de ce qui s’est passé.

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Commande publique

Extrait d’entretien avec Claire Dehove enregistré le 17 janvier 2019.

La question des biens communs et le rôle réflexif de l’Université du Bien Commun me paraissent importants par rapport à l’action Nouveaux commanditaires, et plus largement par rapport à la Commande publique.

La commande publique créé de nombreuses choses, plus ou moins réussies, et plus ou moins onéreuses et acceptables dans notre espace public, qui est notre espace commun.

Dans ce cas précis, les décisions sont prises au niveau ministériel ou au niveau d’autres institutions reconnues.

En ce qui concerne l’action Nouveaux Commanditaires, l’approche est citoyenne avant tout.  Elle naît de l’opinion et des désirs des usagers et des citoyens qui se sont engagés à réfléchir ensemble, et donc en commun, à leurs espaces pour créer une réflexion qui fait diagnostic, et qui fait hypothèse que l’émergence créative se fait.

Pour moi, c’est un vrai changement de paradigme par rapport à la création artistique, et par rapport au statut de l’artiste ou de l’intervenant dans le processus de création.

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Commoning

Extrait d’entretien avec David Bollier enregistré le 17 juin 2015.

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Communauté

Extrait d’entretien avec Louis-David Benyayer enregistré le 11 octobre 2013.

Dans le cadre de la pensée des communs, la communauté me parait être une notion importante. On peut voir en cette notion l’idée d’une communauté agissante qui se structure mais aussi des individus qui contribuent à cette communauté.

Extrait d’entretien avec Nathan Stern enregistré le 15 octobre 2013.

La notion la plus proche des communs est selon moi la notion de communauté. Si ces notions étaient des planètes, celles-ci seraient toutes proches. Communauté.

Le bien commun prend son sens dans le cadre d’une communauté, c’est-à-dire une fédération ou agrégation d’individus, acteurs qui vont décider à un moment donné de tisser des liens entre eux se sorte qu’ils vont former un tout un peu plus grand que chacun, avec des parties.

Et c’est cela qui émerge de cette notion de communauté : des gens qui vont faire partie de quelque chose d’uni et de cohérent, d’une cohésion.

Extrait d’entretien avec Sylvie Dalbin enregistré le 28 octobre 2013.

Je prendrais pour appui la logique associative, avec des règles énoncées, une loi qui la régie. En observant la diversité du monde des associations, il me semble important de s’intéresser, au-delà du statut, à ce que met en avant le commun, c’est-à-dire un regroupement de personnes qui, éventuellement, ne se seraient jamais côtoyées si il la nécessité de faire commun ne s’était pas posée.
Je prends l’exemple d’un village communiste ou socialiste de 800 habitants, dont les habitants, depuis quinze ans, avec leurs petits deniers, donnent de l’argent pour rénover l’église. Parce que l’église est le bien commun du village, tout le monde s’y est mis. Cet exemple démontrent que nous sommes régis par des logiques qui dépassent certainement toutes les règles que l’on se donne au départ.
Cette logique de communauté doit être travaillée, par le biais certainement de témoignages, de retours d’expérience, de manière à ce que nous devenions plus précis dans la maîtrise de ces enjeux. Très souvent, en ce qui concerne les communs de la connaissance, nous abordons tout de suite les problématiques sous l’angle de la technique, alors que nous pourrions aussi les aborder sous l’angle des modalités de relation. Il faudrait se tourner vers les centres de sociologie qui étudient ce genre de choses. Je suis en tout cas certaine qu’il y a des choses à faire pour nous aider à clarifier ces questions.
Pour reprendre l’exemple des associations, où l’on donne souvent des axes techniques et pratiques, on ne prend pas en considération l’état d’esprit dans lequel nous devons conduire nos actions.

La logique des communs réintroduit un soin particulier à travailler sur l’état d’esprit dans lequel nous devons conduire nos actions. Et je pense que c’est cela qui est essentiel, pour prévenir des enclosures.

Si les enclosures peuvent venir de l’extérieur, je pense qu’il y a aussi des biais à l’intérieur de la communauté. C’est pourquoi il faut aussi avoir des idées et des principes internes propres et ne pas mettre en avant que les risques externes.

Extrait d’entretien avec Camille Louis enregistré le 18 novembre 2013.

En parlant de commun et de communauté, j’opposerais deux visions. (voir notes)
Comm-Un, c’est essayer de chercher l’unité, en créant une communauté idéale. Et ça a été un peu le problème du passage du communisme marxiste au communisme stalinien. Le communisme, c’est justement réussir à déclassifier tout ce qui est classifié. On prend une figure qui n’existe pas, qui est le prolétaire, et qui est une sorte de puissance déclassifiante de tout. Et la mise en commun de ces puissances déclassifiantes va engendrer le communisme marxiste, constitué d’un État, c’est-à-dire une unité, avec un chef au sein d’un système centralisé. Pourtant, c’était l’inverse qui était recherché dans la philosophie du communisme.
Alors que la notion Communus numeris permet de positionner l’idée du comment comme quelque chose qui se fabrique, qui se construit. C’est faire ensemble pour que le commun existe.

Le commun n’est pas donné au départ, il se fabrique et se construit ensemble.

Extrait d’entretien avec Émeline Brulé enregistré le 10 décembre 2013.

On commence à se rendre compte que la société de consommation, telle qu’on l’a connue, ne fonctionne pas.
Je suis aussi une très grande adepte du CouchSurfing, et j’ai rencontré un nombre de gens incroyable, en les hébergeant ou en voyageant. On peut former par ce biais des liens très forts, internationaux et durables.
Cependant, le fait est que, dans ces communautés, les gens sont en général très proches socialement, intellectuellement. On rencontre des gens qui nous ressemblent.

La limite de la communauté, telle que je la conçois, se situe précisément là, dans ce cloisonnement. Tout le monde est lié à tout le monde. Même en rencontrant des gens par ricochet et en étendant le réseau de connexions, malgré tout, nous restons dans une sphère qui est relativement limitée.

Mais si l’on prend l’exemple de la communauté de Wikipédia, on constate que tout le monde se connait. Et se n’est pas un mal, il faut aussi laisser le temps que les choses se fassent. Et par ailleurs Wikipédia constitue une forme de décloisonnement de par son processus de démocratisation de la connaissance. Le cas des communautés du web est également très éloquent à ce sujet. Il existe une forme d’exclusion par le web, du fait qu’une partie de la population n’y ait jamais été éduquée.
La limite de ce genre de système, je la poserais là.

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Complexité

Extrait d’entretien avec Claire Dehove enregistré le 17 janvier 2019.

Je pense à un certains courants artistiques, et notamment celui des artistes prestataires, ou définis comme tels. Je pense par exemple à des personnes comme Jean-Baptiste Farkas, d’IKHÉA©SERVICES.
Il y a eu, ces dernières années, un mouvement auquel j’ai participé moi-même au travers la Biennale de Paris, sur la question des Arts dits invisuels ou immatériels (1).

Peut-être, d’ailleurs, je reviendrai ensuite sur la question de la manœuvre

Comment la posture de l’artiste, son regard, ses capacités et ses compétences, sont mobilisées, au titre de traducteur, inducteur ou accompagnateur d’un processus qui est élaboré dans un espace en commun.

À tout moment, l’artiste adopte cette attitude interrogative, réflexive et collective nécessairement sur la conséquence de ce que peut générer le processus. C’est un travail de négociation avec les attendus et les désirs, qu’il faudra peut-être justement contrecarrer.

C’est finalement cette complexité qui est extrêmement importante.
Pour moi, c’est cette complexité qui fait œuvre maintenant.

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Concurrence

Extrait d’entretien avec Bruno Carballa enregistré le 04 avril 2016.

Les communs m’ont permis de repenser mon projet de thèse sur les théories de la concurrence et le pouvoir de marché. J’ai commencé à développer le lien entre communs et concurrence.
En économie industrielle, les différentes approches théoriques de la concurrence et de ses définitions sont largement discutées. Les recherches en économie portent également beaucoup sur la politique de la concurrence, en suivant l’hypothèse selon laquelle la concurrence est la forme la plus adaptée pour gérer une ressource, et celle qui bénéficie le plus au consommateur.
Il m’intéressait de repenser la concurrence au prisme des communs.
Je me suis rendu compte que, même avant le capitalisme, existait d’autres formes de gestion des ressources.
Aujourd’hui, dans le capitalisme moderne, il est intéressant de regarder comment fonctionnent les communs, en tant que mode de gestion alternative.

Aussi j’ai entrepris d’étudier la manière de repenser, dans le champs de l’économie, des formes de gestion des biens qui ne passent pas que par la concurrence.

Cet axe de recherche ouvre pour moi un travail conséquent autour sur les définitions théoriques et les politiques préconisées. Cela ouvre de nombreuses questions à propos des outils qui permettent de développer les communs.

Il s’agit, en synthèse, d’étudier du point de vue de l’économie comment l’on peut favoriser les communs.

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Conscience

Extrait d’entretien avec Martin Desinde enregistré le 31 août 2015.

Le libre permet de prendre conscience du potentiel d’action que l’on a sur les choses. Les différents systèmes établis (économique, politique, culturel…etc) ne sont pas des institutions immuables, ils ont été mis en place par l’homme et sont amenés à être modifiés, améliorés, ou détruits. Le libre autorise l’accès à la source des créations, il dévoile leur structure, et permet à chacun de comprendre la construction et l’origine des outils qu’il utilise au quotidien. Avoir conscience des choses qui sont possibles, de celles qui sont nécessaires, de ce que permet la collaboration et la libre distribution dans le travail du designer / typographe, c’est envisager d’une autre manière le processus créatif et le travail, mais c’est aussi croire en des alternatives societales, utopiques mais pas irréalisables.

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Confiance

Extrait d’entretien avec Lionel Maurel enregistré le 25 juillet 2013.

En travaillant la notion de biens communs, je me rends compte que la confiance est de plus en plus un mot central.

La pensée des biens communs est une pensée qui fait confiance. Elle fait le pari que, quand l’individu n’est pas pris seul mais en communauté, il y a une possibilité qu’il arrive à s’organiser d’une manière qui va être inventive, créative, et bénéfique pour ses membres, pour arriver à constituer un bien commun, le transmettre dans le temps, le faire durer, le faire vivre.

La confiance que les individus peuvent s’accorder est un élément essentiel dans une communauté qui s’organise en bien commun.

Par confiance, j’entends la capacité des groupes humains à trouver des solutions à leurs problèmes, sans passer par des formes de violence ou d’appropriation, de concurrence ou de rivalité.

Tous ces mots sont très présents autour de nous, mais ne sont pas une fatalité. Ce qui est intéressant dans les communautés qui se constituent autour des biens communs, c’est qu’elles donnent à voir des exemples concrets qui incarnent la possibilité de prendre une autre voie.

Extrait d’entretien avec Mathieu Coste enregistré le 21 octobre 2014.

La confiance est une condition absolument nécessaire pour qu’une communauté se développe et qu’un intérêt collectif émerge.

La confiance crée les conditions pour que chaque partie du système puisse donner le meilleur de lui-même en interaction avec le meilleur de l’autre.

Extrait d’entretien avec Diane Vattolo enregistré le 15 novembre 2014.

Lorsque j’étais candidate, j’ai écrit un article sur mon blog à propos de la confiance. La défiance est un sentiment normal, et même nécessaire. La confiance aveugle est une bien moins bonne chose.

Il faut toujours avoir un petit peu de défiance, c’est-à-dire vérifier, contrôler. Il faut toujours des garde-fous pour éviter les dérives, et cela quel que soit le système.

Et à partir de ce moment où ce petit peu de défiance existe, ensuite, il faut faire confiance à priori, parce que cela marche très souvent.

Toutes ces expériences me laissent à penser que « l’homme bon » n’est pas simplement un mythe. Si on l’investit, souvent, l’homme soulève des montagnes.

En tant que candidate, je suis parvenue à faire des choses dont je ne me croyais pas capable. Et cela parce que l’on m’a fait confiance, et que je me suis sentie investie d’une responsabilité.
J’ai vu cela des milliards de fois. Puisque de toute façon dans l’associatif il n’y a pas de moyens, dès lors que quelqu’un a une petite envie, on la soutient. Quand on met un bout d’ongle, on vous prend le bras.
Et dès lors que cette personne ne se sent pas noyée et n’a pas peur, alors elle peut commencer à faire, et réalise des choses magnifiques. Pas forcément ce que l’on attendait, mais ce n’est pas grave. Ce qui émerge est toujours très important. C’est une pierre d’un édifice dont briques ne sont jamais toutes de la même taille. Mais quelle que soit la taille ou la nature de la contribution, c’est toujours un moyen d’aller dans le bon sens. Cela avance, dans le bazar, mais cela avance, dans le bon sens.

Extrait d’entretien avec Étienne Hayem enregistré le 6 décembre 2013.

Extrait d’entretien avec Sophie Ricard enregistré le 24 juin 2017.

Symboliquement, un des objets les plus importants de l’Hôtel Pasteur, à Rennes, est la clé, qui finalement incarne la confiance.
Ce lieu n’existe que parce qu’à un moment donné, on nous a donné une clé. Nous n’en avons qu’une depuis 4 quatre ans, et celle-ci circule de mains en mains.

Quand tu fais confiance à un autre, alors la responsabilisation s’opère. On est alors capable de gérer ces lieux différemment.

À l’Hôtel Pasteur, la clé qui donne accès au lieu continuera à être unique, et à passer de mains en mains. Il ne faut surtout pas que l’on en ait d’autres.
Cette clé est aussi le gage de la transmission des valeurs du projet.

Dans cette société qui ne fait plus confiance, nous essayons de dire l’inverse. Il faut refaire confiance, et ça marche. Cela peut marcher.

Extrait d’entretien avec Pascal Derville enregistré le 17 mars 2015.

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Confluence

Extrait d’entretien avec Marc Lascorz enregistré le 11 juin 2017.

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Connaissance

Extrait d’entretien avec Anne-Sophie Novel enregistré le 5 septembre 2013.

Un des enjeux de la construction des communs réside selon moi dans la circulation de l’information et dans la façon dont la fluidité de cette circulation permet aujourd’hui de partager auprès d’un plus grand nombre et d’accélérer le changement.

Dans le contexte de métamorphose et de changement systémique dans lequel nous nous situons aujourd’hui, la circulation de la connaissance est un élément crucial.

Extrait d’entretien avec Nadine Jouanen enregistré le 16 novembre 2014.

Nous passons d’une ère industrielle à une ère de la connaissance. On y passe par le biais des technologies. Mais on y passe aussi par le biais d’une prise de conscience, extrêmement forte, de la nécessité d’une réappropriation des savoirs, des savoirs anciens dont nous sommes à l’heure d’aujourd’hui u peu dépossédés.

Je veux dire, un village africain qui meurt de soif et qui apprend à cultiver ses légumes avec la permaculture a des chances de survie supérieure. C’est une question de connaissance et d’accès à la connaissance. Il ne peut y avoir de communs sans connaissance.

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Considération

Extrait d’entretien avec Yoann Duriaux enregistré le 9 octobre 2017.

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Consommation de masse

Extrait d’entretien avec Matthieu Cannavo enregistré le 7 septembre 2015.

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Continuité

Extrait d’entretien avec Sylvie Dalbin enregistré le 28 octobre 2013.

Je pense qu’il faut se saisir du vocabulaire comme un facteur clé. Les mots ont de l’importance. Prenons le cas des termes « information » et « actualité ». Les professionnels de la communication ou les journalistes parlent d’ « information ». Pourtant ce qu’ils produisent est, selon moi, non pas de l’information mais de l’actualité. Les professionnels confondent l’information spécialisée, dont les gens ont besoin, et l’actualité. Dans les pays anglo-saxons, la différence est bien plus claire qu’en France en terme de vocabulaire.
Au cours de l’histoire, il y a eu des moments d’ouverture sur l’information, la connaissance et les savoirs de plus long terme à capitaliser de façon plus effective. Et puis, il y a quinze ans, notamment avec l’émergence d’internet, cette distinction entre information et actualité s’est effacée. Il y a eu des déperditions énormes.

Je trouve que l’approche de la gouvernance de nos savoirs informationnels par les communs est une solution intéressante. En effet, le problème qu’ont connus des tas de dispositifs provient du régime de propriété auquel appartient la connaissance, c’est-à-dire soit le privé soit l’État. Ce régime de propriété met en danger nos dispositifs de partage de la connaissance qui, du jour au lendemain, peuvent disparaître. Alors que si des collectifs d’utilisateurs, locaux ou thématiques, s’emparaient de ces communs, la continuité de leur gouvernance serait assurée.

Par exemple, il y a 7 ans, on a fusillé le centre de documentation du sport. Le fond documentaire s’est vu éparpillé. Et maintenant j’entends dire qu’on va le reconstruire parce que ce dispositif nous manque. En effet, dans tous les pays il y en a un. Pourquoi en France il n’y en aurait pas ? Il va être coûteux de remonter ce qui existait depuis 25 ans. Et ceci est un exemple. Ce phénomène de rupture, je l’observe en en permanence.

Dans le monde anglo-saxon, il y a une continuité de principe, malgré des restrictions budgétaires très fortes qui imposent une optimisation des dispositifs, des fermetures de services et autres mesures. Mais il existe une pérennité dans le temps, malgré les difficultés économiques. En France, nous faisons la révolution à chaque fois qu’un nouveau chef arrive. On fait table rase.

La valeur de nos métiers, dans le secteur de l’information, repose sur le lien et la continuité de nos démarches. On ne doit pas nous mélanger avec les actions boursières. Si les actions peuvent bouger, nous sommes garants de récupérer l’information produite par le passé pour poursuivre.

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Contradiction

Extrait d’entretien avec Violaine Hacker enregistré le 20 octobre 2014.

De la critique de l’économie orthodoxe et de cette vision statique des communs aboutit une réflexion sur les notions de diversité et de contradiction.

Si nous nous focalisons non pas uniquement sur les ressources, mais aussi sur les personnes et leurs désirs, leurs volontés, alors nous obtenons une vision dynamique des communs. Cette vision dynamique qui nous permet d’étudier les diversités et les contradictions.

Dans le processus d’analyse des communs, au-delà de la démocratie participative, il me semble intéressant de considérer aussi la démocratie réelle. C’est une notion décrite par Amartya Sen qui s’intéresse à ce que l’on appelle les capabilités, c’est-à-dire les droits formels donnés par les gouvernements en faveur des citoyens pour qu’ils puissent mener eux-même des projets. Dans ce cas là, on ne va plus seulement considérer le déclaratoire de la démocratie participative des réunions de concertation, mais on va plutôt analyser les contradictions, c’est-à-dire ce que les citoyens veulent vraiment.

Prenons l’exemple de l’étude réalisée par l’Université Catholique de Paris et Vivendi (c’est un partenariat public/privé) à Loos-en-Gohelle, ville du Nord-Pas-de-Calais. Cette ville minière, qui était autrefois en situation en déshérence, est aujourd’hui un véritable lieu de créativité et d’innovation, notamment en ce qui concerne le green business. À Loos-en-Gohelle se mettent en œuvre de très nombreuses réunions de concertation, et c’est formidable, parce que les citoyens peuvent s’exprimer. Sauf que si l’on s’arrête à cette démocratie participative, alors on oublie les contradictions.
Un exemple concret : les citoyens déclarent qu’ils voudraient de petites rues commerçantes avec des magasins bio et une vraie qualité de vie. Or de facto, ces valeurs ne sont pas appliquées au quotidien par les citoyens, qui continuent à faire leurs courses au centre commercial, pour des raisons pratiques. De ce constat, on comprend ensuite que les citoyens désiraient en fait autre chose. Des cinéma, d’autres lieux de consommation par exemple, en contradiction avec ce qu’ils avaient déclarés en situation de concertation publique en vue d’une bonne gouvernance des communs.

S’intéresser aux communs ne consiste pas à déterminer le bien et le mal. Il n’est pas ici question de morale. Il s’agit de mettre en œuvre une délibération éthique sur ce que veulent les citoyens et sur ce qu’ils sont en mesure de pouvoir réaliser.

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Contribution

Extrait d’entretien avec Louis-David Benyayer enregistré le 11 octobre 2013.

Construire un bien commun nécessite des contributions. Formulé de la sorte, cela semble très banal. Mais c’est là que réside en grande partie notre capacité à le réaliser. Cela suscite des questions que je trouve passionnantes. Comment s’établie la contribution ? Sur quelle base et sur quel contrat social ? Quels équilibres déclenchent des contributions ? Comment entretient-on à long terme la contribution ? Comment prend-elle de nouvelles formes ? Comment évolue et se pérennise-t-elle ? Pour y répondre, on peut s’appuyer sur des exemples fameux : Wikipédia, qui est un modèle de contributions récurrentes absolument fantastique et éblouissant. Nous commençons, avec le recul de ces dix dernières années, à comprendre et à mesurer quels sont les ressorts de cette contribution. Par contre, nous voyons qu’il existe beaucoup d’autres wiki qui parviennent plus difficilement à mobiliser des contributeurs. Donc, on voit bien que ce n’est pas seulement en analysant les façons dont Wikipédia a réussi à développer un modèle contributif fort et en les appliquant à un autre contexte que les choses se résolvent.
Par ailleurs, il me semble pertinent d’associer la question de la contribution à celle de la rétribution. Ce qui est intéressant dans la notion de bien commun, c’est qu’il y aurait un peu un paradoxe de la rétribution. Il y a bien évidement des rétributions individuelles. Je contribue, j’ai une rétribution. Elle peut être de plusieurs natures :
– Soit parce que je bénéficie de la contribution d’autres et donc j’apprends. J’ai plus de connaissance que d’autres.
– Et puis il y a des rétributions qui sont peut-être un peu associées à des rétributions sociales, professionnelles. On sait aussi que les logiques contributives s’appuient sur des mécanismes de promotion individuelles, sans qu’il faille les critiquer ou les diaboliser.
– Et puis il y a un autre type de rétributions, qui relève presque de l’œuvre. Quand certains les présentent, il y a quelque chose de presque chevaleresque dans cette notion de contribution sans en attendre une rétribution directe pour soi-même.

Je crois qu’il y a bien les deux. Pour tout les individus, il y a probablement un panachage de ces différentes natures de rétributions, et au global, on voit bien qu’il y a une peu de ces deux dimensions-là.
Après cela pose des questions, parce que si l’on se dit que l’on souhaite avoir comme le dit Bernard Stiegler une société contributive, on change d’échelle. Et cela veut dire que cela devient la norme, ou en tout cas quelque chose de dominant. Donc cela pose la question de comment on finance la contribution chevaleresque et rémunérée en crédit social. Et là on voit que les bouleversement qui seraient nécessaires sont d’une nature bien différente. Dans ce thème des biens communs, il y a quand même un continuum assez large sur différentes visions de ces biens communs et de la place qu’ils pourraient prendre au sein de la société. Certains érigent le bien commun comme modèle d’action d’une société. D’autres le voient ou le considèrent de façon plus marginale – et ce n’est pas à prendre de faon péjorative, mais par opposition à dominant – comme pouvant prendre une place complémentaire à côté d’un modèle qui est celui que l’on connait aujourd’hui.
Et on voit bien qu’il y a cette tension là sur cette question en se disant mais finalement, si l’on veut qu’il y ait véritablement une logique de biens communs, cela nécessiterait de changer beaucoup d’hypothèses et de règles de fonctionnement, notamment économiques.

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Conviction

Extrait d’entretien avec Elliot Lepers enregistré le 25 mars 2015.

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Coopération

Extrait d’entretien avec Alexandre Monnin enregistré le 21 août 2017.

Avec Manuel Boutet, sociologue à l’Université de Nice, spécialiste et connaisseur des jeux et des jeux vidéo, nous avons eu la chance de mener une expérience en étant invités au sein du Chelsea College of Arts.
Nous avons rencontré les membres d’un groupe d’artistes, Critical Practice, et notamment Neil Farnan qui fait son doctorat là-bas.

Nous avons eu la possibilité de jouer à Utopoly, une version détournée du Monopoly. Ce détournement initial des règles du Monopoly a pour objet de favoriser un travail sur les communs.

Nous les avons nous-même partiellement détournées pour faire du Monopoly un instrument qui nous permette de visiter différent lieux. Nous avons par exemple joué au sein des Fondations Galerie Lafayette, pour aborder les questions d’intérêt général. Nous avons également joué à Islington Mill, un bed et breakfast mais aussi une résidence d’artistes à Salford, à côté de Manchester. Ce lieu héberge une initiative nommée Temporary Custodians, qui rappelle la démarche des Nouveaux commanditaires.
Enfin, nous avons joué à la Myne à Lyon.

Pour nous, ce jeu est devenu une sorte d’instrument nous permettant d’aller dans des organisations qui ne répondent pas aux règles habituelles, pour essayer de comprendre comment elles fonctionnent, s’articulent, produisent de la coopération et du commun. Nous nous intéressons en particulier aux valeurs dont témoignent les acteurs qui sont parties-prenantes des lieux.

Cette expérimentation autour du jeu nous a réellement permis de faire apparaitre des points extrêmement intéressants pour comprendre ce qui se passe dans ces lieux d’exception.

En fait, nous essayons de créer une sorte de bulle hors du quotidien. Un espace qui peut libérer la parole autour du jeu, pour faire une mise à plat des valeurs (au sens de « ce à quoi nous tenons, et ce qui nous tient »). Il s’agit de comprendre comment s’articule la coopération dans ces lieux et quel est leur horizon.
Nous essayons de suspendre les conditions ordinaires d’existence de ces lieux pour que puisse s’échanger une parole qui, autrement, ne pourrait circuler.
Nous tentons de poser une autre forme de diagnostique sur ce qui fonctionne ou pas dans ces lieux, mais en sortant des formats de type design thinking ou tout autre méthodologie. Nous n’essayons pas non plus d’en faire une nouvelle méthodologie, ce qui aurait des effets contraires. Nous rejouons et réinventons les règles du jeu à chaque fois. Chaque contexte est le cadre d’une nouvelle enquête. Nous créons les conditions pour que les acteurs puissent s’exprimer autour du lieu qu’ils ont conçu, qu’ils habitent et qu’ils font vivre, pour qu’eux-même accouchent d’une meilleure compréhension de son mode de fonctionnement et ses valeurs, et la valeur(s) qu’il produit au regard de son activité.

Jusqu’ici, nous avons été assez ravis par les expériences que nous avons pu avoir. Nous faisons cela dans une perspective de chercheurs qui viennent, sans imposer un savoir, avec la motivation d’apprendre.

Au regard des conditions dans lesquelles se pratique la Recherche, les chercheurs ont beaucoup à apprendre, notamment sur les enjeux d’intérêt général, de communs, de coopération et sur les formes de bienveillance.

Dans la recherche publique, nous ne sommes pas du tout préoccupés par ces dimensions là. Il est très difficile de les exprimer de manière officielle. Nous venons pour apprendre et essayer, par notre petite contribution, de permettre à ces acteurs eux-même d’expliciter un savoir dont ils disposent déjà.

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Corps social

Extrait d’entretien avec Gwenaëlle Bertrand enregistré le 01 novembre 2018.

Je souhaiterais proposer de réfléchir sur la notion de corps social.

Il existe une correspondance entre le singulier et le collectif qui me semble être au cœur d’une réflexion sur les communs. Mais il y a aussi, et surtout, un phénomène d’interdépendance entre le corps biologique, organique et la société en tant que structure.

Bien sûr, on pense d’emblée à Michel Foucault, qui parlait du corps comme objet et cible du pouvoir. Il expliquait qu’à l’aide d’un quadrillage des corps et des comportements, le pouvoir pouvait administrer des conduites. Il parlait de biopouvoir.
Finalement, on se rend compte que ces même biopouvoirs sont des sujets
de réflexion pour les designers, puisqu’ils mettent en gérance tous les aspects de la vie, tels que l’alimentation, le travail, la santé, l’éducation.

La notion de corps social me semble impliquer nécessairement la pensée des relations entretenues avec le vivant, les milieux, les structures de gouvernance. Le corps social est le lieu de l’hybridation et l’occasion de ne pas systématiser une pensée anthropocentrée en intégrant le non-humain. Il s’agit de privilégier ce que l’on pourrait appeler une économie de l’implication qui suppose une appropriation très personnelle et un engagement singulier envers des actions communes.

Penser le corps social est une manière de se constituer dans la relation à l’autre, à l’humain et au non-humain.

Si l’on revient sur l’ensemble des termes que j’ai abordé dans cet entretien (provisoire, déconstruction, protoforme et corps social), on s’aperçoit que le singulier n’est pas simplement le constituant des communs. Il semble en être une approche.
La réception joue un rôle important. Peut-on recevoir en commun ? Peut-on appréhender cette notion des communs par celle du corps social, c’est-à-dire une singularité mise à l’épreuve du collectif ? Est-ce que je fais commun lorsque j’adopte une écriture singulière, mais que je cherche à la transmettre de sorte que l’on s’en empare collectivement ?

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Critique

Extrait d’entretien avec Bastien Guerry enregistré le 29 juillet 2013.

Les notions « partage » et « critique » me paraissent importantes.
Partage, même dans le sens affectif du terme. Dans les biens communs on doit penser d’abord à partager.
Critique, dans le sens antidogmatique. C’est-à-dire la faculté à toujours pouvoir ne pas préjuger de ce que doit être la gouvernance et des usages qui doivent être faits d’un contenu. Je prends un exemple très simple, dans le logiciel: le fait de partager du code avec d’autres personnes, d’avoir un fond éthique commun, ne doit pas nous rendre dogmatique sur les usages de ce logiciel fait par d’autres gens qui ne sont pas dans la communauté. C’est un peu souvent le cas, c’est-à-dire que l’on confond le niveau technique et juridique de ce que l’on autorise et le niveau affectif de ce que l’on a envie d’encourager.

L’impulsion naturelle du partage ne doit pas nous faire aborder les questions liées aux biens communs de manière trop communautaire, avec des systèmes de pensée où l’on perdrait notre esprit critique.

Extrait d’entretien avec Cyprien Tasset enregistré le 12 juillet 2018.

La critique est une notion qui est originelle pour moi en sociologie, puisque la personne que j’ai pris comme directeur de thèse, Luc Boltanski, est associé pour l’éternité à l’idée de sociologie de la critique. Et il a précisément publié un livre intitulé De la critique. Précis de sociologie de l’émancipation dans les premières années où je faisais ma thèse avec lui.

C’est une notion qui est centrale dans la question de “comment on fait de la sociologie ?” parce qu’elle exige beaucoup de réflexivité

La critique exige de la réflexivité sur notre propre rapport, en tant que chercheur, à des volontés critiques. D’où cela nous vient-il ? Avec qui peut-on les partager ? Qu’est-ce que notre travail peut y apporter ? Et aussi quelles sont les conditions de critique dans la société ? Comment nous y participons ? Qu’est-ce que nos propres impulsions critiques ont en commun avec des phénomènes plus larges ?

Une sociologie des intellectuels et du travail intellectuel doit être sans cesse embarquée dans la sociologie, dès lors que celle-ci a une ambition critique.

Il y a aussi la nécessité d’être très attentif aux variantes de la critique, à ses oppositions, ses contradictions et à la façon dont elles sont en train de se transformer.

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Cycle

Extrait d’entretien avec Raymond Vasselon enregistré le 9 octobre 2017.

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Décentrer

Extrait d’entretien avec Anthony Masure enregistré le 7 juin 2015.

Pour finir, je prendrais une des notions de ma conclusion. Ma thèse se résume en une série de verbes d’action pour ouvrir des pistes pour les designers aujourd’hui. La liste complète de ces verbes est la suivante: décentrer, authentifier, appareiller, traduire et desarticuler.
Ces verbes permettent de synthétiser des chemins de fer que je propose aux designers.

À la base, le web, tel qu’il s’invente dans les années 90, est un réseau décentré.
On aurait pu croire que le web 2.0 provoquerait un phénomène de décentrement, car n’importe qui peut écrire, contribuer en ligne.

Finalement, le Web 2.0, tel que Tim O’Reilly l’aura défendu – disons le directement, pour se faire de l’argent – aura consisté à constituer des centres du web, qui n’ont jamais été plus puissants qu’aujourd’hui avec les GAFA – Google, Amazon, Facebook et Apple.

Ces centres du web relèguent l’information à la périphérie. D’ailleurs, le terme de périphérie apparaissait déjà dans le texte de Tim O’Reilly en 2004. En périphérie, c’est ce qui n’a pas encore réussi à se constituer en centre, et qui est dépendant des grands centres du web.

C’est donc assez paradoxal. Si l’on avait à la base un modèle et un système de pensée et d’information qui était décentré, ouvert – même si je schématise un peu l’utopie – aujourd’hui, un certain de nombre de personnes s’inquiète d’un possible recentrement du web autour de ces grands pôles.

Aussi, dans le cadre d’une réflexion sur les pratiques de design, et notamment celles qui sont liées au numérique, un des termes que je propose est le terme « décentrer ». Les centres du web ne profitent qu’à peu de personnes et créent beaucoup de dépendances et de conditionnements au sein des usages. L’enjeu est d’en échapper pour développer des pratiques libres, il est important de penser des systèmes qui soient décentrés.
Beaucoup de logiciels libres fonctionnent de manière décentrée, au sens où si le code source est documenté, et que la (ou les) communauté(s) autour de programme sont actives. D’autres communautés peuvent s’en emparer, proposer des variantes, forks, embranchements, patchs pour corriger des chose. Cet ensemble de pratiques rhizomatiques, hétérogènes font disparaître progressivement la notion d’auteur ou d’éditeur.

Usage et pratique

Il importe que nous décentrions nos usages pour développer des pratiques – et là, je recoupe avec l’opposition que faisait Bernard Stiegler entre usage – mode d’emploi, utilisation d’un objet de façon déterminée ou incitative – et pratique – façon de se conduire avec des objets ou avec une technique de façon ouverte et non prévue à priori.

Je fais un lien assez direct entre cette idée d’absence de centre et de pratique, étant donné que l’on peut supposer que les pratiques qui se recentrent deviennent, une fois qu’elles sont majoritaires et injonctives, peut-être un usage.
Pour beaucoup de personne, le design et l’usage sont des choses qui vont immédiatement de pair. Encore une fois, cela n’est pas si sûre. Peut-être faut-il chercher ailleurs ?

Du point de vue des designers, des programmes ouverts à des pratiques sont bien plus stimulants qu’un ensemble d’outils qui vont rendre l’action plus efficace et productive.

En effet, si tout le monde emploie le même programme ou le même outil cela risque d’orienter la création vers des directions qui peuvent se recouper, même si ce n’est pas une fatalité à 100 %. Ce n’est pas parce que nous voyons les mêmes programme à la télévision que nous avons les mêmes pensées.
Cependant, j’ai l’intuition que si certaines formes de voitures tendent à se ressembler, aujourd’hui et depuis plusieurs années, ce serait peut-être lié au fait que les bureaux d’étude utilisent les mêmes programme 3D.

Certaines courbes, difficiles à tracer, à orienté ou à diriger dans certains logiciels, sont à priori moins utilisées, agencées au sein des formes techniques. C’est pourquoi, quand on passe de la tridimensionnalité de l’écran à la physicalité de la voiture, on trouve une trace, une empreinte directe du logiciel. Si les constructeurs utilisent un même logiciel, il est normal que les carrosseries se ressemblent. Dans l’architecture, cela se vérifie aussi en partie. Dans le design aussi.
D’un point de vue académique, je n’ai pas encore réussi à le prouver, mais le travail de chercheur ne s’arrête pas à la thèse.

Je plaide pour le décentrement. Je plaide pour que les designers mobilisent moins d’éditeurs monopolistiques, et s’interrogent sur la façon de faire les programmes qu’ils utilisent. Je plaide pour qu’ils développent leurs propres outils, qu’ils créent, qu’ils détournent ou qu’ils cocréent.
Cela se joue même à petite échelle, à deux ou trois lignes de code que l’on met dans un logiciel existant. Qu’ils designent des plugins, des hacks qui pourront être partagés, et petit à petit, qu’ils ouvrent les possibles, qu’ils fassent advenir l’imprévu, et que l’on en sorte enfin !
Il n’y a pas de raison que les comptables aient plus de logiciels que les designers ! Cela suffit !

En employant le terme décentrer, j’aborde aussi, en début de thèse, la constitution des grands centres du web, Google, Apple, Facebook, Amazon.
Ce sont aussi des centres physiques avec des hangars énormes remplis de serveurs. On n’est pas du tout dans l’immatérialité comme certains le pense encore. Le numérique n’est pas immatériel.
Un rapport, peut-être à penser, entre les centrales nucléaires, qui sont peut-être l’apogée de la technique non réglable et de l’architecture machine où l’être humain n’a plus de place. Est-ce qu’il s’agit encore d’architecture, c’est une question que l’on pourrait poser. Aujourd’hui, ces centres de serveurs et ces grands hangars qui polluent beaucoup, est-ce que l’on est pas dans un rapport à la machine et au numérique qui exclue l’être humain de façon littérale. Ce sont des lieux vides, au-delà des quelques personnes qui font de la maintenance. Ce sont des lieux très sécurisés, dont on ne peut approcher.
Ce décentrement m’intéressait, entre un rapport à l’énergie, à l’information, et dans les deux cas un travail possible pour les designer d’œuvrer à décentrer ces systèmes, dont la centralisation ne profite à personne.

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Décider

Extrait d’entretien avec Frank Adebiaye enregistré le 19 septembre 2013.

À un moment donné, il faut agir. Et là le rouge renvoie plutôt à Stendhal, et à l’œuvre Le Rouge et le Noir. Le Rouge est l’armée, et le Noir est l’église.
L’armée. Il faut décider, obéir. il faut y aller. Et il est vrai que c’est quelque chose d’important. Soit l’on décide nous-même, soit l’on décide pour nous. On a tendance rapidement à escamoter cela. Aimer, puis être dans la décision. On est dans le script, c’est à dire que l’on se dit que l’on va faire. On fixe le programme. On le détermine. Et sur cette notion de script, je vous renvoie au livre de Bruno Latour, Enquête sur les modes d’existence. Une Anthropologie des modernes, et aux principes d’organisation qu’il décrit très bien.

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Déconstruction

Extrait d’entretien avec Gwenaëlle Bertrand enregistré le 01 novembre 2018.

La seconde notion qui m’intéresse relève d’un caractère plus tactique. Il s’agit de la déconstruction, chère à Jacques Derrida.

Nous pourrions réfléchir à l’idée d’un design déconstructif, en précisant qu’il ne s’agirait pas de porter à défaut le système (comme on peut trop vite l’appréhender avec le design critique), mais plutôt d’agir avec le système.

Jacques Derrida expliquait que pour qu’il y ait déconstruction, il faut que s’opère la création d’un espacement ou d’un écart pour pouvoir réfléchir. L’auteur précisait dans sa démarche qu’il ne s’agissait pas de démolir les structures qui édifient la pensée, mais bien de les habiter différemment, de les défaire, les décomposer.

Jacques Derrida proposait d’agir depuis l’intérieur du sujet, et sans s’attacher à une forme d’occurrence. Puisque pour Jacques Derrida, la déconstruction est toujours emportée par son propre travail. La déconstruction est mouvement. Elle est résiliente.

La déconstruction est une tactique qui garantit qu’un modèle ne se substitue pas à un autre. Les écarts produits pour réfléchir n’ont pas pour but la diversification des possibles, mais répondent finalement à cette fragilité d’un système qui repose essentiellement sur la conception d’éléments opposés.

Jacques Derrida expliquait par exemple que l’individuel et le collectif sont deux entités qui ne peuvent pas exister l’une sans l’autre, car l’appropriation de soi passe ou suppose une assimilation ainsi qu’une expropriation collective. Dans ce jeu, Derrida montrait bien qu’il ne s’agit pas de dualité, mais au contraire de complexité. Un individu n’existe pas seulement par lui-même et pour lui-même, mais aussi par et pour les autres.

La déconstruction est une invitation à regarder les choses autrement, et une forme de tactique potentiellement remobilisable par les designers pour œuvrer à de nouvelles formes de gouvernance.

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Déflexion

Extrait d’entretien avec Claire Dehove enregistré le 17 janvier 2019.

La complexité passe par une esthétique de la discrétion, une esthétique infiltrante, c’est-à-dire par la dissémination. Là encore, il y a un changement paradigmatique sur la déviation du regard. Ce que j’appelle la déflexion.

La déflexion est un phénomène physique. Un rayon lumineux a une onde dont la trajectoire directionnelle est unique. Si celle-ci trouve un obstacle, elle sera déviée de sa trajectoire. C’est la déflexion.

Pour moi, la notion de déflexion est extrêmement importante parce que celle-ci renvoie à une attitude de défocalisation.

La plupart des œuvres d’art sont là pour focaliser l’attention et le regard. Au contraire, l’attitude déflexive vise à attirer l’attention sur les alentours, sur les lieux, sur les situations que le récepteur habite, les trajectoires qu’il traverse.  

Les propositions artistiques peuvent se faire en étant pratiquement invisible ou voire même totalement invisible.

J’aime beaucoup une notion mobilisée par les québécois, et notamment Alain Martin Richard, qui l’a un peu théorisée dans le domaine de la performance : c’est la manœuvre.

La manœuvre consiste justement à mimer, de manière fictive, un certain nombre d’attitudes ou d’institutions du monde commun.

En ce sens, créer par exemple une Institution comme une Ambassade ou un Ministère, en le nommant comme tel, est une manœuvre. Ensuite, il s’agit de procéder de telle sorte que le dispositif paraisse plausible, en reprenant par exemple le formalisme administratif d’une Ambassade pour le déjouer.

Il s’agit d’opérer à son effectivité dans le réel, dans ce qui est opératoire. C’est parfois extrêmement ténu, et pas forcément visible. Mais c’est sur la longueur, sur la répétition et sur l’insistance que les effets se produisent.

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Délégation

Extrait d’entretien avec Claire Dehove enregistré le 17 janvier 2019.

Je voudrais aborder la question de la délégation dans l’œuvre.

J’ai précédemment expliqué le statut de co-autorat et la manière dont l’œuvre était co-activée et co-définie au fur et à mesure de ses activations.

Je suis allée, bien sûr, très régulièrement à la Maison des Arts de Bordeaux, et notamment pour toutes les soirées, les workshops où était mobilisée la question du design.

En décembre 2017, lors la dernière soirée de l’année, en discutant avec les un et les autres, j’ai constaté que le processus fonctionnait sans moi, de lui-même.

Radio Campus, située dans le même bâtiment que la Maison des Arts, y a d’ailleurs probablement joué un rôle assez important.  La Radio nous avait invités à parler du projet et est venu faire des reportages. Elle a fait un travail de transmission auprès des nouveaux étudiants et des autres étudiants du campus. La Maison des Arts s’est vraiment ouverte à beaucoup d’autres populations, qui jusqu’alors, ne la fréquentaient pas.

Par ailleurs, les personnes qui étaient à l’accueil, en tant que régisseurs, ont véritablement  joué un rôle très important de coordination de toute l’Ambassade. Ils portent leur badge en permanence, et se sentent très investis pour accueillir les adhésions, remettre les badges, etc.

C’était bon. Le projet prenait vie, sans avoir besoin de moi et de Wos / Agence des hypothèses. Finalement, sa vie ne peut s’arrêter à rien.

L’Ambassade, en tant qu’œuvre, peut mourir d’elle-même, comme elle peut aussi être revivifiée en étant portée par exemple par une association étudiante. Tout peut arriver. En tout cas, cela appartient à ceux qui en sont les usagers.

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Démocratie

Extrait d’entretien avec Félix Tréguer enregistré le 20 août 2013.

Le commun induit la démocratie, c’est-à-dire l’idée d’une procédure de gouvernance qui permette aux usagers d’un bien d’avoir leur mot à dire dans la manière dont il est géré.

Extrait d’entretien avec Anne-Sophie Olmos enregistré le 25 juillet 2017.

Je l’intéresse au lien entre démocratie et communs. Aujourd’hui, on parle beaucoup de démocratie participative. Mais je trouve que ces dynamiques s’inscrivent dans des logiques de compétition : un projet contre un autre, un vote, une pétition. Nous nous exprimons beaucoup “contre”, mais très peu de manière collaborative.

J’aimerais bien que l’on passe plus de temps à travailler sur la démocratie participative en mode collaboration, c’est-à-dire prendre l’habitude de travailler collectivement les problématiques de société.

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Démocratie de face à face

Extrait d’entretien avec Raymond Vasselon enregistré le 9 octobre 2017.

La démocratie de face à face, c’est un groupe d’habitants qui travaille sur un projet, où chacun apporte son talent. Dans cette démocratie là, on ne s’exprime pas seulement avec des mots. Par exemple, on produit quelque chose, et à un moment, le groupe sera plutôt dirigé par quelqu’un qui est très habile avec une perceuse, ou une visseuse, plutôt que par une personne qui dessine bien.

C’est une démocratie où les talents peuvent s’exprimer à partir de ce qu’ils sont. C’est-à-dire à partir du savoir-faire et pas seulement du savoir “mettre en mots”.

Par ailleurs, c’est forcément un groupe pas trop grand, au sein duquel on peut échanger facilement.
Après, dès que l’on se met à voter, c’est de la démocratie aussi, mais c’est autre-chose. On n’est pas sûre de choisir le meilleur projet en votant.

L’innovation est rarement majoritaire.

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Déprogrammation

Extrait d’entretien avec Max Le Guem enregistré le 15 mars 2015.

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Design

Extrait d’entretien avec Anthony Masure enregistré le 7 juin 2015.

Je souhaiterais préciser les liens possibles entre design et Humanités numériques. Pour un designer comme moi, ce lien va de soi.
Mais pourtant, ayant assisté récemment à une journée d’étude à l’École du Louvre autour des collections en ligne d’histoire de l’art, il s’est avéré que mot design n’a pas été prononcé une seule fois dans la journée par les différents intervenants et les historiens de l’art. Des programmeurs et des développeurs s’intéressaient notamment au langage standardisé, à l’interopérabilité et à la faculté à faire dialoguer plusieurs collections. Qu’en était-il du design ? J’ai posé la question et l’on m’a répondu que les budgets n’étaient pas suffisants pour aborder ces problématiques. Pourtant, ces budgets étaient conséquents. Combien faudra-t-il d’argent pour que l’on se pose la question du design ?
Dans ce type de projet, il y a un problème de vision, et l’on ne peut réduire la question du design à des questions budgétaires.

Mettre des designers en amont, et non pas en bout de course des projets numériques, me semble nécessaire.

Mettre des designers en bout de course, cela voudrait dire par exemple que l’on aurait catalogué un ensemble de documents, et que le designer ferait un bel habillage de la base de données, créerait un logo design et une fiche. Mais finalement, le résultat ressemblerait une nouvelle fois à un site comme Gallica, c’est-à-dire un ensemble de grilles d’images, un moteur de recherche et des documents sur des pages isolées.

Or, j’espère que d’autres démarches sont possibles. En intégrant des designer en amont, il serait possible, pour des collections spécifiques en Histoire de l’art, de créer des interfaces et non plus seulement des bases de données, qui par le travail d’ergonomie feraient comprendre quelque chose de la spécificité des collections.

Je travaille actuellement sur les collections du XVIIe siècle avec un programme de recherche conjoint entre l’Université Paris I et l’École du Louvre.

Par le design, il s’agit de faire en sorte que cette collection, via un site web qui sera entièrement sous licences libres, fasse apparaître visuellement non plus des fiches avec des documents isolés mais des ensembles, mettant au jour toute la génétique des documents relatif à la constitution de ces collections.

Il se trouve que la collection sur laquelle je travaille interroge les notions de copie, de reproduction et de postérité.

Il s’agit de rendre visible les processus de constitution et de dispersion d’une collection, qui seront apparent par un travail d’anticipation sur le back office, et par extension sur le front office.  

Dans Gallica, pour cette même collection, les documents sont totalement isolés et dispersés. On ne comprend pas la logique d’origine, telle qu’elle était au XVIIe siècle.

C’est un enjeu de design, et c’est la raison pour laquelle les historiens doivent rencontrer des designers dès le début des projets pour instaurer un dialogue critique.
Avec un petit budget, modestement, sur ce programme qui s’appelle Collecta, à l’École du Louvre, nous essayons de faire apparaître quelque chose du design, et de démontrer qu’il est possible de faire des choses intéressantes en terme de design d’interface, qui permettent à l’historien d’art d’accéder à une collection qu’il pensait connaître, et qu’il redécouvre par une autre approche.

Il y a dans cette démarche par le design une logique de l’exploration, qui tire parti d’imprévus de navigation incontrôlée, tout en permettant de contrôler les recherches avec des choix multicritères.

Si cette interface est réussie, j’espère que celle-ci intéressera aussi les designers, qui pourront la donner pour référence, en tant que démonstration d’interface intéressante et dont ils pourront s’inspirer.

Il me semble important d’élargir les publics des objets numériques constitués par les Humanités numériques.

Qu’est-ce que les Humanités ont de vraiment numérique ? C’est la question que pose le design.

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Dialogue

Extrait d’entretien avec Vincent Calame enregistré le 5 septembre 2013.

Dans le cas de l’écosystème du logiciel libre, où les acteurs impliqués ont des profils, des niveaux de compétence et par conséquent des niveaux de pouvoir différents, la problématique est de savoir comment l’on organise le dialogue et la prise de décision.

Je pense en particulier au cas des biens communs numériques, avec lesquels ne se pose pas le problème de la rareté, à la différence des biens communs naturels gérés par une communauté locale par exemple.
Dans le cas des biens communs numériques, la question est de savoir comment l’on organise ce dialogue. Ce que j’ai pu observer, c’est que le dialogue n’aboutit pas toujours à une prise de décision commune. Ayant suivi beaucoup de listes de diffusion, je me rends compte que dans de nombreux cas de figure, on dialogue d’un sujet, la discussion se finit d’elle-même sans aboutir, et la réelle prise de décision se fait presque par derrière, de manière cachée ou implicite.
L’enjeu se situe donc, de mon point de vue, dans la capacité à prendre des décisions ensemble, tout en respectant le fait que l’on ait parfois des ressources limitées. Aussi, une prise de décision doit se faire en regard des possibilités de chacun et en fonction de ce qu’il peut mettre en place.

Extrait d’entretien avec Pascal Derville enregistré le 17 mars 2015.

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Dichotomie public-privé

Extrait d’entretien avec Jennifer Bonn enregistré le 18 novembre 2013.

Il y a un sens du mot commun que j’aime bien, mais qui est très spécifique à un contexte politique.

Le commun représente ce qui n’est ni public, ni privé. Je pense que c’est une vraie direction de travail. Ce n’est pas juste un concept mais réel mode d’application, avec des résultats très concrets que l’on peut commencer à percevoir maintenant au travers différents projets qui se mettent en place.

Comment le commun nous sert-il justement à sortir de cette dichotomie là, du public et du privé ? Cette question est intéressante.

Extrait d’entretien avec Sylvie Dalbin enregistré le 28 octobre 2013.

Nous étions enferrés dans des clivages et des logiques de propriété. Les communs sont une sorte de troisième voie qui n’exclue pas le public ou le privé, mais qui se situe à côté.

On a besoin de travailler, dans certains cas, par alliance avec les acteurs publics. Et dans d’autres cas, les confrontations avec ces mêmes acteurs publics seront inévitables. En effet, on sait bien qu’il existe toute une série de sujets où, souvent, la puissance publique a tendance à détricoter du bien commun. C’est une tendance qui date depuis les années 80, et plus précisément depuis Margaret Thatcher et Donald Regan. Il y a donc aussi un travail d’affrontement à mener, contre les démarches des acteurs du marché et des acteurs publics, pour reconquérir ou protéger un certain nombre de biens communs.

L’articulation avec le marché et avec l’État se réinvente à chaque fois. Selon les cas, les acteurs des communs se positionneront soit sur des logiques de renforcement mutuel avec ces acteurs, soit au contraire, sur des logiques de résistance.

Extrait d’entretien avec Charlotte Rizzo enregistré le 29 novembre 2014.

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Diffusion

Extrait d’entretien avec Félix Tréguer enregistré le 20 août 2013.

Les biens communs informationnels induisent la notion de partage et la plus grande diffusion possible.

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Digital Labor

Extrait d’entretien avec Sébastien Broca enregistré le 31 octobre 2014.

Cette notion désigne, d’une part, les activités en ligne qui génèrent de la valeur. Par exemple, effectuer une recherche dans Google, modifier son profil Facebook, écrire du logiciel libre, poster des photos, etc. Mais elle désigne aussi le courant de recherche qui en a pris le nom, et qui essaie de développer un discours critique autour de ces activités. Ce courant revendique notamment que ces activités relèvent d’une nouvelle forme d’exploitation, au sens marxiste du terme, puisque certains acteurs viennent capter la valeur créée par ces contributions bénévoles, réalisées sur le temps libre.
Ce courant des Digital Labor posent des questions très intéressantes. Cependant, je ne suis pas toujours convaincu, tant par les réponses qu’ils donnent que par leur cadre d’analyse, très marxiste, et orthodoxe au sein du marxisme. En effet, ces courant essaient de repenser ces problématiques en usant des même catégories qu’au 19ème siècle (notion de surtravail, d’exploitation, théorie de la valeur marxiste). Mais ces cadres me paraissent incompatibles pour penser notre société contemporaine, car nos activités ne sont pas comparables à la réalité industrielle du 19ème siècle. Je pense notamment aux activités qui brouillent la séparation entre travail et loisir, où la création de valeur est très difficile à mesurer, et où la valeur ne peut pas toujours être attribuée à une seule personne (dans le cas de contributions collectives et collaboratives).
Les anciennes catégories, notamment marxistes, ne marchent pas forcément très bien pour analyser ces nouveaux paradigmes.

Aussi, si des questions très intéressantes émergent actuellement autour du digital labor, nous n’avons pas encore trouvé les moyens théoriques et critiques pour réellement bien les poser et bien les résoudre.

C’est plutôt du travail qu’il reste à faire, à l’avenir.

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Do-ocratie

Extrait d’entretien avec Sébastien Broca enregistré le 31 octobre 2014.

Do-ocratie est un terme souvent rencontré dans le monde des hackers et du logiciel. Il traduit une principe qui m’est assez sympathique qui consiste à dire que celui qui fait doit décider. Il me semble que c’est un bon point de départ quand on essaie de s’organiser collectivement et faire des choses ensemble. Je n’aime pas trop les inspecteurs des travaux finis. La do-ocratie me paraît être une bonne manière de lutter contre cela.

Extrait d’entretien avec Diane Vattolo enregistré le 15 novembre 2014.

En terme de processus de collaboration, un des phénomènes que j’ai pu observé, qui me semble très efficace bien que celui-ci ne me fasse pas totalement plaisir, c’est la do-ocratie. C’est un processus très autocratique plutôt que démocratique.

La do-ocratie est le processus selon lequel une personne prend spontanément en charge une initiative et fait bouger les choses. Je me rends compte, dans mon parti, à quel point les gens ont peur de voir émerger quelqu’un qui agisse sans avoir consulté les autres.

D’expérience, je me dis que cela n’est pas grave. C’est un phénomène que j’ai observé, notamment, à la Quadrature du net, qui est par ailleurs l’un des trucs les plus efficaces que je connaisse, et qui fonctionne surtout de manière do-ocratique. Je me dis que ce n’est pas grave tant que ces personnes qui prennent des initiatives sont ensuite prêtes à lâcher la main.

Ce qui est fait collectivement n’appartient pas à un individu en particulier, mais est remis dans le pot commun. Il est ensuite souhaitable que quelqu’un d’autre s’en empare.

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Documentation

Extrait d’entretien avec Sarah Garcin enregistré le 16 novembre 2014..

Le fait de documenter de manière générale ce que l’on fait, et en quelque sorte de créer des tutoriaux, est selon moi une manière de participer à la construction de communs.

Cela constitue un apport pour la personne qui crée cette documentation, en terme d’apprentissage, de méthode et de réflexivité sur sa démarche. Par ailleurs, c’est une manière de partager de la connaissance que chacun pourra s’approprier, commenter, améliorer, refaire, etc.

Extrait d’entretien avec Maïa Dereva enregistré le 6 décembre 2017.

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Doute

Extrait d’entretien avec Elliot Lepers enregistré le 25 mars 2015.

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Droit administratif des biens communs

Extrait d’entretien avec Olivier Jaspart enregistré le 28 mars 2019.

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Droits sociaux

Extrait d’entretien avec Alexandre Guttmann enregistré le 12 avril 2018.

Comment les communs peuvent-ils renforcer les droits sociaux, notamment des personnes discriminées par notre système actuel ?

Le marché oublie aujourd’hui un ensemble d’individus menacés par des problèmes socio-économiques et socio-écologiques, et ces problématiques ne sont pas adressés dans une pensée néo-classique de l’économie.

En étudiant les communs, on peut observer quels sont les droits sociaux qui sont assurés au sein de systèmes contributifs. Par ma démarche, j’interroge les enjeux d’accès aux ressources élémentaires comme la nourriture, le logement, l’énergie.

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Écologie

Extrait d’entretien avec Félix Tréguer enregistré le 20 août 2013.

Je m’intéresse à l’open hardware, et à des groupes comme Open Source Ecology. Le nouveau rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) va sortir, et nous savons que nous allons au devant de difficultés d’ordre climatique assez importantes.

Comment rend-on pérennes, ou comment maintient-on à flot des sociétés complexes, technologiques, dépendantes d’un certain nombres de ressources et habituées aussi à un certain confort matériel – avec toutes les questions de liberté que cela impliquent ? Face à ce défi écologique, je pense que les biens communs sont une solution.

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Écologie politique

Extrait d’entretien avec Elliot Lepers enregistré le 25 mars 2015.

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Économie

Extrait d’entretien avec Camille Louis enregistré le 18 novembre 2013.

Il est important de bien revenir à l’origine des mots, et d’observer comment l’on associe à ces mots des usages, des couleurs ou des modes d’être particuliers.

Le terme économie provient du grec ancien oïkonomia, gestion de la maison, constitué de oikos, maison, et nomos, gérer, administrer.

Le mot économie signifie donc la loi de l’espace commun, et en quelque sorte une régulation de ce que signifie vivre ensemble. Cela consiste à se donner des règles au nom du fait que l’on puisse habiter l’un à côté de l’autre, en vue que cela nous serve autant à l’un qu’à l’autre, dans cet espace commun qui s’appelle la maison. C’est un système de répartition des biens qui fait l’économie commune.

Le dénominateur commun de l’économie actuelle est la monnaie. Par exemple, en Europe, notre dénominateur commun est l’Euro. Pourtant, ce dénominateur commun, créé de toute pièce à un moment donné, est une chose unique devenu le garant de toutes les disparités. Ce système rend équivalentes des situations qui sont, de fait, hétérogènes, et produit du conflit. C’est le cas de la Grèce, par exemple. On a, à un moment donné, appliqué à tous le même schème, sans prise en compte des économies nationales des uns et des autres et en créant des inégalités.

L’Euro, ce commun, n’en était pas un. Il n’a pas été construit, il a été posé. Et de fait, cela crée des crises parce qu’il y a des vitesses qui ne sont pas les mêmes, des états de départ qui ne sont pas les mêmes. Par commun imposé l’on crée des inégalités terribles, alors qu’un commun fabriqué est un facteur d’égalité, une exigence d’égalité absolue.

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Économie collaborative

Extrait d’entretien avec Bruno Carballa enregistré le 04 avril 2016.

J’ai commencé à m’intéresser aux communs à partir de la question de l’économie collaborative, notamment lors d’un stage que j’ai eu l’occasion de faire à la MAIF en partenariat avec l’Université Paris-XIII et Les Rencontres du Mont-Blanc.
L’enjeu de ce stage était de produire un mémoire sur les liens entre communs, économie collaborative et mutualisme en France.
À partir de là, je me suis intéressé à la fois à l’économie collaborative et aux communs.
Dans l’économie collaborative, on peut identifier un grand nombre d’enjeux liés aux communs.

Le secteur de l’économie collaborative permet notamment d’observer comment de nouvelles formes d’organisation de la production, marchandes ou non, peuvent soit basculer dans le capitalisme privatif soit dans des pratiques libératives qui relèvent du commun.

Pour un chercheur, c’est peut-être un bon cas d’étude pour rendre compte des dynamiques en jeu et pour penser les politiques qui peuvent aider au développement des communs.

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Économie de la prédation

Extrait d’entretien avec Benjamin Coriat enregistré le 17 juin 2015.

Un enjeu pour les communs concerne la confusion dans laquelle on est en train de rentrer entre l’économie des communs et l’économie de la prédation, basée sur internet au travers de la “speudo économie collaborative”.

J’ai en tête la société Uber, par exemple, qui se dispense de toutes les règles. Par le biais d’internet, Uber met en lien des usagers et des services et prélève des rentes astronomiques parce qu’elle ne paie pas les conditions de sécurité et d’accès. Elle les prend, purement et simplement.

Aussi, sur le plan économique, la question importante à laquelle nous allons être confronté, est de protéger l’économie des communs. L’enjeu sera de trouver une place aux communs dans la société, en les distinguant, radicalement, de l’économie de prédation que les grands du net sont en train mettre à partir d’une grande série de ressources. Il y aura une bataille acharnée, entre eux et nous, pour imposer des modèles. Il s’agira de faire en sorte que cette économie de la prédation ne puissent pas se prévaloir de nous pour imposer ses modèles. Il va falloir dénoncer ces modèles de prédation comme tel.

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Économie hétérodoxe

Extrait d’entretien avec Violaine Hacker enregistré le 20 octobre 2014.

L’économie orthodoxe est un système de pensée qui, notamment, marque fortement la culture américaine, avec pour principes dominants l’usage de l’économétrie, les statistiques. Cela se matérialise concrètement, par exemple, par des programmes élaborés par la Banque Mondiale en direction des pays en voie de développement. Son fonctionnement s’élabore dans un premier temps par le montage de dossiers très sophistiqués, basés sur la statistique et l’économétrie, puis par un travail mené localement par des experts.
Je critique cette méthode car celle-ci ne permet pas de prendre en compte des paramètres qui ne rentrent pas dans les statistiques, c’est-à-dire la culture, l’humain, le sensible, le non-mesurable. Je m’intéresse à l’économie hétérodoxe, plus marginale, bien qu’en plein développement depuis plusieurs années, comme le démontre le Prix Nobel attribué à Elinor Ostrom.

L’économie hétérodoxe consiste à de tenir compte, en économie, de tous les aspects humains, sensibles, culturels et non mesurables, de l’ordre de la science politique.

On parle beaucoup, par exemple, de Smart Cities dans le cadre de Politique de la Ville. Ces systèmes d’action consistent à tout mesurer et à faire des politiques basées sur la ressource (les Politiques énergétiques, les politiques en faveur de l’environnement, le numérique à tout va) C’est peut-être une preuve de développement, mais j’en doute. Je parlerais plutôt de ville sensible tenant compte de l’humain, du désir et des citoyens. Dans les communautés, on ne parle même plus de citoyens, on parle de personnes.

De mon point de vue, la première étape d’un travail sur les communs consiste à développer cette vision de l’économie hétérodoxe, basée sur la prise en compte de la culture, de la conflictualité et de la prise de décision fondée sur quelque chose qui est forcément non rationnel. L’économie orthodoxe considère que l’humain est rationnel et isolé. Hors un individu n’est jamais isolé. Il est forcément inséré dans la société.

Il s’agit donc de voir les communs différemment en prenant davantage en compte la personne plutôt que de se focaliser sur la ressource et plus généralement ce qui est mesurable.

Ce sont ce que j’appelle des chemins de dépendance. On peut d’ailleurs faire une analogie avec la vision marxiste, pas sur le plan politique mais sur le plan de la structure. En terme de méthodologie, Karl Marx se focalise beaucoup sur la structure et l’infrastructure, et considère concrètement que l’industrie va être favorable à l’épanouissement personnel des citoyens. Cependant, les aspects culturels, spirituels, émotionnels ne sont pas pris en compte et confère une vision incomplète de l’économie. Des théories de la pensée des biens communs, et le travail d’Emmanuel Mounier par exemple, s’intéresse à la question de l’épanouissement personnel de l’individu dans la communauté et à la gestion des contradictions. Ces pistes de travail me paraissent davantage satisfaisantes.

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Écosystème

Extrait d’entretien avec Mathieu Coste enregistré le 21 octobre 2014.

La notion d’écosystème souligne l’importance et l’évidence de notre inter-être. Nous ne sommes pas tout seul et quel que soit le bien commun, il est en interaction avec d’autres, et à différents niveaux.

Les questions qui se posent au niveau d’un bien commun se posent au niveau des biens communs. L’enjeu réside dans le passage de l’un à l’autre.

Extrait d’entretien avec Julien Lecaille enregistré le 10 décembre 2017.

Je suis arrivé dans les communs aussi parce que je voulais mener une recherche personnelle et intellectuelle sur la notion d’écosystème. Je pratiquais une forme d’écologie politique qui était contaminée par la pratique institutionnelle, et qui avait du mal à penser la notion d’écosystème.

Sans penser la notion d’écosystème en faisant de la politique, il y avait une tendance à sombrer rapidement dans des formes de paranoïa et d’interprétation excessive des comportements. Je pense que lorsque l’on aborde une lecture systémique ou écosystémique d’un certain nombre de choses, on peut éviter de penser que les gens agissent d’une certaine manière parce qu’ils ont des intentions mauvaises, et on peut plus simplement comprendre certaines manières d’agir dans des logiques de systèmes.
Cette manière de penser permet d’avoir une approche plus en profondeur des comportements d’un certain nombre d’humains dans le monde politique, en acceptant qu’ils ne sont pas juste les portes-parole de leurs désirs et de leurs intentions, mais qu ils sont dans une situation. Et à certains moments, c’est cette situation qui parle.

Le fait de manquer de ces outils de lecture écosystémique dans des logiques d’écologie politique est véritablement dommageable. Il est donc intéressant pour moi, en tout cas, de continuer à travailler sur les outils de lecture écosystémique.
Le problème est que les écosystèmes sont des choses extrêmement complexes. Quand on essaie de parler, d’écrire un écosystème on se retrouve rapidement avec des tonnes des zones, de schémas, de flèches qui partent dans tous les sens, des graphes en trois, quatre ou cinq dimensions.

Visualiser des réseaux de complexité ne rendent finalement pas les choses plus compréhensibles. Cependant, je suis rendu-compte que, même si l’on ne décrivait pas un écosystème en entier, il était possible de décrire un certain nombre de communs existants, en considérant que l’on ne décrivait pas tout l’écosystème mais un nœud de celui-ci.

Le nœud, dans un certain nombre de cas, peut s’exprimer sous forme de communs, c’est-à-dire sous la forme d’un certain nombre d’acteurs reliés ensemble par une ressource partagée, dans lesquelles il trouve l’intérêt, pour subsister ou pour faire d’autres choses.

L’identification d’un certain nombre de communs, de communs potentiels, ou de choses qui ressemblent à des communs dans des écosystèmes, permet d’avoir une lecture plus simple des écosystèmes, en se focalisant sur un fragment et en en comprenant les interactions.

Les communs sont donc un bel outil pédagogique et conceptuel.

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Égalité

Extrait d’entretien avec Camille Louis enregistré le 18 novembre 2013.

Égalité, au sens d’une exigence qui n’est jamais atteinte. Je me rends compte que, dans toute ma réflexion sur le commun, je suis très influencée par Jacques Rancière. Et l’exigence d’égalité est un leitmotiv chez Rancière.

Cette égalité sera toujours ce que l’on n’a jamais complètement atteint. Travailler en commun au nom de cette égalité jamais atteinte signifie travailler au nom d’une considération égale des différences radicales.

Et dans ce contexte, égale signifie depuis une attention commune, et ne veut pas dire une équivalente. Par exemple, on peut regarder la Grèce et la France comme deux situations communes, non pas au sens où ce sont les mêmes, mais au sens où elles sont égales dans leur droit à permettre une vie digne pour leurs citoyens, pour les grecs ou pour les français.

C’est une égalité pour chacun, qui demande, précisément parce que ce ne sont pas les même situations, à ce que les traitements mis en place au niveau économique et politique s’adaptent. Aussi, l’exigence d’égalité permet encore une fois qu’il y ait un travail en commun. Ce travail en commun est une considération, une prise en compte des singularités de chacun des cas, pour que quelque chose de l’ordre d’un commun se construise.

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Émancipation

Extrait d’entretien avec Guillaume Coti enregistré le 25 mai 2016.

Un des mots clés qui me guide, et que je pense trouver dans ces mouvements pour le développement du pouvoir d’agir des personnes, c’est l’émancipation.
Pour moi, cela représente tout le chemin que fait chaque être humain, chaque homme, chaque femme, pour devenir lui-même, et donc prendre conscience et s’affranchir d’un certain nombre de conditionnements qu’il a pu rencontrer. Les identifier, être conscient d’un certain nombre de conditionnement qu’il a reçu. Ce n’est pas forcément négatif.
Ces conditionnements qui viennent de son milieu social, de sa culture, de l’Histoire du pays dans lequel il se trouve, etc.
Je pense que nous avons tous ce chemin à faire, à la fois personnel et collectif. Il s’agit d’y voir clair sur le monde dans lequel on vit, sur ce que l’on est et comment on se situe par rapport aux autres. Ainsi, il s’agit progressivement d’essayer de s’affranchir des préjugés que l’on peut avoir et de résister aussi aux dominations quand elles sont présentes.

Je ne suis pas un intellectuel ou un penseur de l’émancipation, mais je suis attaché à cette notion en tant que mouvement d’une personne qui se met en capacité à être debout, à résister et à s’épanouir par rapport à ce qu’elle ressent de profond qui la fait vibrer, et qui lui permet d’être en relation avec les autres de manière harmonieuse.

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Émergence

Extrait d’entretien avec Laura Aufrère enregistré le 2 juin 2018.

Je ne suis pas spécialiste, mais il me semble important de s’intéresser à tout le travail sur la sociologie des émergences.

En appréhendant la notion d’émergence, Il s’agit de s’interroger à propos des pratiques que l’on a invisibilisées, de la violence politique que recouvre cette invisibilisation, c’est-à- dire le fait de considérer qu’il y ait des personnes dans la société qui soient incapables de rien faire.

On parle maintenant des zones blanches de la culture, comme s’il y avait des êtres humains qui, dans notre société, pouvaient vivre absolument sans culture. Je ne suis pas sûre que cela existe.

Qu’il y ait des mécanismes de domination, qui visent des populations, et qui impriment une marque extrêmement industrielle dans la façon dont on fabrique la culture, c’est une réalité.

Il n’est pas nécessaire de revenir sur la question de l’industrie, de la télévisuelle et audiovisuelle ou musicale. On voit bien que cette logique existe.

Les mécanismes de domination des industries culturelles enchassent les individus dans des pratiques de consommation qui figent leur action, et qui les conditionnent d’une certaine façon.

Pour autant, il me semble qu’une approche par les communs permet de ne plus considérer qu’il puisse y avoir des zones blanches.

L’approche par les communs permet de repartir des personnes, de ce qu’elles vivent, et de réamorcer un dialogue.

Car si, aujourd’hui, discuter de ces enjeux là revient à aller dans ces territoires dits “blancs” de la culture, et revenir avec un nouveau modèle que l’on va de nouveau imposé, alors je ne suis pas sûre que l’on ait changé quoi que ce soit.

À cet endroit, il y a un dialogue qui est manquant. Mobiliser cette émergence de la culture permettrait de remettre en place ce dialogue.
Il y a toujours une émergence de la culture, une nouvelle curiosité de la part des personnes, et il me semble qu’il serait bon de repartir de cela.

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Empathie

Extrait d’entretien avec Emma enregistré le 21 février 2018.

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Empowerment

Je n’ai pas de mot équivalent en français. C’est ce que l’on essaie de faire sur Disco Soupe.

Tant que l’on ne fait pas soi-même et que l’on n’aide pas les autres à le faire, tant que l’on n’est pas dans une logique de diffusion de ce que l’on a appris en vue de capitaliser, alors l’action a beaucoup moins de sens et de portée.

Notre but est aussi de former tous les gens qui sont autour de nous, autant que nous avons nous-même été formés.

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Enclosure

Extrait d’entretien avec Lionel Maurel enregistré le 25 juillet 2013.

L’encolure définie la menace qui pèse sur tous les objets qui sont constitués en biens communs. Cela vient historiquement du mouvement des enclosures, qui s’est déroulé en Angleterre et qui correspond à cette période historique qui a duré plusieurs siècles, pendant laquelle on est passé d’un mode de gestion des terres communautaires à un régime de propriété.

Il y avait des biens que l’on disait communaux, des champs, des forêts par exemple, dans lesquels la population avait le droit d’aller pour puiser des ressources, et qui n’étaient pas considérées comme étant appropriées. Puis, il y a eu tout un mouvement des propriétaires terriens pour enclore ces terres et en faire des propriétés exclusives, qui ont fait basculé l’Angleterre dans la révolution industrielle.

Le mouvement des biens communs à garder la mémoire de cet événement historique très important et il a gardé cette idée que les communs peuvent subir des enclosures, c’est-à-dire des phénomènes de renfermement ou d’accaparement qui menacent leur constitution en tant que bien commun.

Pour les biens communs de la nature, il est assez facile à visualiser, parce que cela prend souvent la forme d’une expropriation d’une communauté. Mais pour d’autres biens, c’est plus subtile. Par exemple, actuellement, il y a des enclosures extrêmement graves qui menacent les graines et les semences, parce que certains acteurs industriels, comme par exemple Monsanto, font déposer des brevets sur certaines semences. Par ailleurs, d’autres semenciers obligent à ce que l’on dépose un titre de propriété sur une variété végétale pour pouvoir la commercialiser. Ce qui fait que les gens qui ne veulent pas s’approprier des graines ne peuvent plus les mettre en marché et ne peuvent plus exister dans le paysage commercial. C’est une enclosure particulièrement grave qui menace les semences.

Il y en a une autre en ce moment qui menace les gènes et notamment les gènes humains. Des firmes ont déposées des brevets sur le séquençage des gènes. Et en fait, on ne le sait pas, mais nos propres gènes, à l’intérieur de nous, sont ou pourraient être la propriété de certaines firmes.

Enfin, le domaine où ce phénomène d’enclosure se révèle le plus difficile à comprendre concerne justement la connaissance, parce que c’est quelque chose qui paraît par définition inappropriable, mais qui subit ce que Silvère Mercier appelle des enclosures informationnelles. Ces enclosures peuvent prendre des tas de formes différentes, et l’un des points important de l’action du Collectif SavoirsCom1 est justement d’essayer d’identifier ces formes d’enclosures qui restreignent précisément ce qui paraît impossible à restreindre.

Le collectif SavoirsCom1 est un dispositif qui nous permet d’être toujours en alerte et nous rend attentif aux dangers qui peuvent peser sur certains types de biens communs.

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Environnement

Extrait d’entretien avec Anne-Sophie Novel enregistré le 5 septembre 2013.

La question environnementale est quelque chose que l’on a trop souvent négligé et les rapports entre l’Homme et la Nature sont vraiment biaisés.

Il me semble nécessaire de revoir notre rapport à la nature pour parvenir demain à relever les défis qui nous font face.

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Évident

Extrait d’entretien avec Max Le Guem enregistré le 15 mars 2015.

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Expérience

Extrait d’entretien avec Frédéric Sultan enregistré le 17 juillet 2013.

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Faire

Extrait d’entretien avec Frank Adebiaye enregistré le 19 septembre 2013.

Avec la notion de faire, on reste pour moi dans la métaphore militaire.

Faire c’est être capable de prendre les armes. C’est s’être suffisamment exercé aux pratiques militaires pour être capable, sur le champ de bataille, de savoir faire quelque chose, d’agir, de pouvoir se défendre. C’est faire corps, avoir une consistance.

Dans notre société contemporaine, nous sommes très encouragés à endosser cette posture. Il faut produire, il faut que les choses fonctionnent.

« Work is about making things work ».

Cette ligne de démarcation, c’est l’armée et l’église. D’un coté, il y a ce que l’on est obligé de faire et de l’autre, ce à quoi l’on croit. Cette démarcation là existe. Mais il faut faire. Car si l’on n’est pas capable de faire, cela veut dire que l’on n’est pas capable de défendre les siens, et c’est problématique. Donc il faut en passer par là.

Moi je crois qu’aujourd’hui que les premières années de la vie professionnelle sont une sorte de service militaire. Ce fut mon cas. On doit être une sorte de serpillère et puis faire la tâche parce que il faut en passer par là. J’affectionne tout particulièrement cette citation d’Ernst Jünger : « À la guerre on apprend à fond son métier mais les leçons se paient cher« .

Cette perpétuelle injonction ou pression où l’on décide pour nous et l’on nous fait faire, est, je le pense, une condition qui nous est commune aujourd’hui. Ce n’est pas un bien, loin de là, mais à mon avis c’est une condition qui est partagée.

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Faisceau de droits

Extrait d’entretien avec Benjamin Coriat enregistré le 17 juin 2015.

Pour les chercheurs de l’ANR PROPICE, la condition d’existence des communs et de leur préservation réside dans la définition des faisceaux de droits, et dans le respect de ces droits.

Le respect de ce faisceau de droit signifie l’évolution de ces droits à travers le temps, parce que les collectivités changent et induisent des changements techniques.

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Féminisation

Extrait d’entretien avec Anne-Sophie Olmos le 25 juillet 2017.

Dans le cadre de l’événement Fearless Cities, la dynamique de féminisation de la politique était très importante. Cela m’a vraiment fait réfléchir.

À Grenoble, notre équipe porte déjà beaucoup cette question-là et est très attentive aux enjeux de parité, notamment au travers nos système de coprésidence. L’adjoint à l’Égalité des Droits fait énormément, et plusieurs de ses actions ont été en avance de phase.
Cependant, cette dynamique n’est pas si présente, ou du moins si exposée, qu’elle ne l’était à Barcelone.

Je pense que les femmes ont quelque chose à apporter en plus de ce qui existe déjà dans la politique.

Je pense que la présence des femmes en politique peut favoriser une approche par les communs, et des pratiques plus collaboratives et moins compétitives.

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Festif

En considérant le festif comme une forme d’engagement, Disco Soupe rejoint par là beaucoup d’autres mouvements.

Il me semble que le fait de s’amuser renforce l’engagement. La dimension festive d’une action ne la détourne de son objectif. Au contraire, c’est le meilleur moyen de s’adresser à tout le monde.

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Fiction

Extrait d’entretien avec Maxime Favard enregistré le 01 novembre 2018.

D’abord pour s’immerger dans la fiction, il faut y croire. Il faut, se laisser prendre au jeu. C’est une pensée qui ne va pas de soi. On pense au mythe de la caverne, illustration phare de la philosophie Platonicienne qui démontre que la mimésis (à quoi on peut y rattacher la fiction), est un instrument de manipulation des subjectivités.

Le système économique que nous traversons utilise la fiction pour promouvoir la vente de biens de consommation. Et la fiction est un moyen stratégique de plus pour pervertir le sensible.

Ce qui nous est proposé dans ces leurres, aux apparences plutôt séduisantes, c’est une suppression de l’attitude (du choix) au profit d’un nouvel idéal de facilité, un idéal vidé de sensible pour (si l’on peut dire) le plein de sensations. Par ces fictions, on assigne les individus à l’usage d’une norme automatisée, pré-déterminée. La fiction devient donc un rouage important d’un système économique, moteur de la consommation. C’est pour cela que pour certains designers comme nous, il est nécessaire d’en réinvestir le milieu avec un certain positionnement critique.

À la manière d’une parabole, la fiction peut rendre visible une réalité et convoquer la dimension critique.

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Foyer

Extrait d’entretien avec Émeline Brulé enregistré le 10 décembre 2013.

Il faut considérer l’individu dans le groupe et le groupe dans l’individu. Au travers la notion de foyer dont je parlais tout à l’heure, je souhaitais interroger la place de la famille. Comment se situe-t-on dans une généalogie ? Il y a un siècle, on a érigé un modèle de la famille nucléaire qui n’existait pas avant. On considérait autrefois qu’il faillait un village pour élever un enfant.

Aujourd’hui, le modèle de la famille nucléaire doit évoluer car il ne correspond plus à la complexité des relations qui nous constituent. Il faut prendre en compte les beaux parents, les frères et soeurs rattachés, etc.

Comment définit-on un foyer, une filiation ? Pour notre génération, la famille n’est plus celle du sang mais les gens avec qui l’on développe des liens d’affection, et qui vont devenir notre famille au fil des années. Comment cette famille s’étend-elle et est-elle entretenue dans le temps ? C’est une question qui touche aux communs.

C’est se dire que l’on se constitue une famille au fur et à mesure de sa vie, qui n’est pas celle qui nous avait été donnée. Jeanette Winterson, auteure féministe anglaise, en parle très bien en posant la question suivante : pourquoi être heureux quand on peut être normal ? Dans un de ces ouvrages, elle explique son propre cheminement de vie en tant qu’un combat. Et clairement, cette notion de la famille comme glanée au fur et à mesure et n’étant pas pré-déterminée, est une vision de la famille pour laquelle, je le pense, une partie de notre génération se reconnait.

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Fragilité

Extrait d’entretien avec Pauline Cescau enregistré le 22 juillet 2018.

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Génération

Extrait d’entretien avec Anne-Sophie Novel enregistré le 5 septembre 2013.

Ce qui me semble intéressant, c’est la façon dont on peut s’inspirer des civilisations anciennes, et notamment de la façon dont elles se sont effondrées, en sciant la branche sur laquelle elles étaient assises, et justement ces biens communs.

Je me demande si aujourd’hui les jeunes générations n’ont pas grandies avec dans la tête cette prise de conscience que nous avons une planète à préserver. Ces générations n’ont plus besoin d’en parler, elles n’attendent plus qu’une seule chose, c’est d’agir.

Les manifestations comme Villes en biens communs constituent l’un des marqueurs de ce phénomène encore émergent. La majorité de la population ne se pose pas encore ces questions. Il y a surement un effet générationnel à l’image des défis qui nous font face et qu’il nous faut surmonter.

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Générosité

Extrait d’entretien avec Louis-David Benyayer enregistré le 11 octobre 2013.

Mettre à disposition de tous quelque chose que l’on aurait pu garder pour soi. La générosité comme acte gratuit participe à la construction des communs.

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Gouvernance

Extrait d’entretien avec Lionel Maurel enregistré le 25 juillet 2013.

La gouvernance touche aux communautés qui se regroupent pour agir au nom des biens communs.

Pour agir et gérer un bien commun, la question de la gouvernance arrive très vite et touche à la dimension politique des biens communs.

Elinor Ostrom a montré que les communautés qu’elle a observées, et qui s’organisaient efficacement pour gérer des ressources, n’étaient jamais structurées de manière vraiment hiérarchique. Le pouvoir de décision n’y était pas concentré, et il n’y existait pas une autorité pour faire exécuter des ordres. Il est apparu que ces mouvements s’organisaient par une forme d’émergence de la décision, par la discussion et avec une sorte d’horizontalité entre les membres.

On ne peut pas assimiler le mouvement des communs à de l’anarchisme ou à un mouvement libertarien. En effet, ces communautés horizontales peuvent avoir des règles extrêmement strictes. Et Elinor Ostrom indique notamment qu’une communauté organisée en commun doit avoir la capacité de sanctionner un membre dans le cas où celui-ci développerait des comportements le conduisant à saccager une ressource qui est normalement commune. Et cela, on le voit très fortement sur certains objets qui sont organisés comme biens communs. Par exemple, le cas de Wikipedia est un système très horizontal mais très complexe en terme de règles. Il est en place une véritable ingénierie derrière Wikipédia, et la communauté n’est pas tendre avec les membres qui saccagent des articles, ou qui essaient d’introduire des choses qui ne sont pas dans les canons définis par la communauté comme étant ceux du savoir encyclopédique. Dans ce cas précis, on voit bien que la gouvernance peut être à la fois horizontale mais aussi ne pas exclure des règles très fortes. On constate aussi que ces systèmes sont parfois assez dures dans la manière dont ils règlent leurs différends.

Étant juriste, je m’intéresse à voir comment l’on peut traduire en règles ces questions de gouvernance. Ces règles peuvent être des licences mais aussi des chartes, des codes. J’étudie comment un système peut s’auto-organiser, sans tomber dans une forme d’anarchisme et de dérive libertarienne, qui ne sont, selon moi, pas compatibles avec le mouvement des communs.

Extrait d’entretien avec Irene Favero enregistré le 10 septembre 2013.

Gouvernance est un terme que je n’aime pas du tout parce qu’il porte selon moi quelque chose de dépolitisé. Pourtant, j’emploie ce terme au quotidien, et nous parlons, dans le milieu culturel, de nouveaux modes de gouvernance en essayant de réinterroger les manières de faire et de travailler.
C’est un terme qui va au-delà de la notion de lien, en ce qu’il intègre une dimension logistique. Comment essaie-t-on de s’organiser de manière à faire en sorte qu’il y ait une responsabilisation des personnes par rapport aux biens qu’ils ont définis ensemble comme étant des biens à préserver pour les générations futures ?

Ce terme réinterroge la place des représentants politiques. Qu’est-ce qu’un élu, par exemple ? Si nous développons ces modalités d’agir, en nous saisissant directement, sans intermédiaire, de ce qui nous intéresse, alors il me semble qu’un grand travail de réinterrogation de la place de chacun est à mener. C’est cela que je pose avec le mot gouvernance. Une nouvelle façon de se sentir représenté, ou de ne pas se sentir représenté et d’agir directement.

Extrait d’entretien avec Étienne Hayem enregistré le 6 décembre 2013.

Le thème de la gouvernance est central dans mon travail sur la monnaie. Il s’agit de réfléchir sur la question de qui gouverne (au sens large, ce qui peut impliquer plusieurs personnes) et comment se prennent les décisions.
Et donc si pour la monnaie c’est très claire, pour le bien commun c’est la même chose.

Si l’on change de système et si l’on ne se base plus sur la notion de propriété comme nous le faisons actuellement, se posent alors un ensemble de nouvelles questions pour organiser la gouvernance. Il faut pouvoir répondre à toutes ces questions en imaginant des protocoles, des processus. Cela demande la mise en place de règles et plus globalement d’un système.

J’ai des pistes de réflexion mais pas de réponses toutes faites, et je crois que ces questions ouvrent de nouveaux champs d’exploration. Nous sommes au début de ces réflexions, et nous apprenons progressivement à les articuler avec les outils numériques que nous développons.

Extrait d’entretien avec Charlotte Rizzo enregistré le 29 novembre 2014.

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Gouvernance autonome

Extrait d’entretien avec Alexandre Guttmann enregistré le 12 avril 2018.

En développant des communs, les gens mettent en place des systèmes de gouvernance indépendants de l’État et du marché.
Par exemple, en ce qui concerne les communs urbains, les individus mettent en place leurs propres règles adaptées aux ressources qu’ils gèrent, et dans une temporalité qui est celle de la vie de leur quartier.

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Gouvernance polycentrique

Extrait d’entretien avec Violaine Hacker enregistré le 20 octobre 2014.

Il y a différents prismes pour analyser les communs.
Beaucoup se focalisent sur les ressources, en travaillant notamment sur les connaissances, l’environnement, et vont avoir éventuellement un parti pris militant ou idéologique. Cela n’est pas une mauvaise chose parce que cela permet d’apprendre beaucoup. Ce sont des personnes qui ont une grande expérience du terrain, dont il faut vraiment retirer quelque chose.
D’autres, en revanche, s’intéressent plutôt aux mécanismes de prise de décisions, ce qui est plutôt mon cas, en se nourrissant beaucoup des militants et des praticiens.

Ce que j’aime dans Common Good Forum, c’est rassembler praticiens et militants, que l’on appelle les commoners, engagés en fonction de certaines valeurs, et les mettre en confrontation avec des intellectuels. Je pense que c’est un travail à mener actuellement sur la question de la gouvernance des communs.

Il n’y a pas d’injonctions ou de solutions uniques. Il faut tenir compte de la diversité locale, mondiale, de ces contradictions, de ces dynamiques. C’est ce que Elinor Ostrom appelait la gouvernance polycentrique.

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Habitus

Extrait d’entretien avec Xavier Fourt enregistré le 21 août 2017.

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Hybridité

Extrait d’entretien avec Lionel Maurel enregistré le 25 juillet 2013.

Les biens communs sont toujours dans une forme d’hybride entre le système classique et quelque chose d’inventif.

Extrait d’entretien avec Marine Seemuller enregistré le 5 décembre 2014.

Comment faire des bâtiments plus hybrides ? Comment dans le tissu urbain peut-il faire se côtoyer différentes typologies de logements, des commerces ? Ce sont ces mixités qui sont à créer, et qui sont parfois compliquées d’un point de vue montage.

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Individuation

Extrait d’entretien avec Alexandre Monnin enregistré le 21 août 2017.

Ce terme est utilisé en philosophie, soit pour penser la genèse d’un individu, soit pour penser le statut de quelque chose qui existe, quel qu’il soit.
Ce terme me semble très intéressant dans la mesure où il nous permet de repenser l’univers comme n’étant pas forcément un univers composé d’individus ou d’objets aux frontières bien nettes, mais comme étant finalement un monde contenant des entités dont les frontières sont relativement imprécises.

Et plus on étudie ces entités, plus celles-ci nous semblent étranges. Je pense par exemple aux plantes telles que les étudie Francis Hallé. Ce sont des êtres étranges, et plus du tout simplement des sous-animaux comme on les envisageait autrefois. Il s’agit d’une sorte de règne du vivant avec des capacités et des propriétés propres que l’on ne soupçonnaient pas auparavant.

On peut évidemment repenser aussi à cette exclamation de Friedrich Nietzsche, disant : « je suis une forêt », c’est-à-dire je ne suis pas un individu. En fait, je suis une forêt fabriquée par ses attachements, ce qui m’environne, et énormément de choses qui ne dépendent pas de moi, mais sans lesquelles je ne pourrais pas exister.

À ce stade de la réflexion, on en revient à la fois à cette question des infrastructures, dont je parlais tout à l’heure, et aux attachements qui nous permettent de repenser les composantes du monde dans lequel nous vivons.
On pourrait d’ailleurs s’appuyer sur les exemples de la Bolivie, de l’Équateur ou d’ailleurs (où la rivière peut être dotée de droits, un sujet de droits) pour repenser l’apport des plantes, du plancton, que de toutes les infrastructures vivantes sans lesquelles notre monde tel qu’il est ne serait pas vivable (en tout cas pour nous, être humains) et développer une autre vision, une autre appréhension du monde.
L’art peut aussi nous aider à développer une appréhension sensible du monde. Et à partir de là, on peut développer, peut-être, une autre politique, une autre économie, de nouvelles règles de gouvernance pour les communs, envisager de nouveaux communs. Peut-être que l’action de certains animaux, de certaines plantes, ce sont aussi des communs qu’il faut protéger.
Il s’agit peut-être de faire éclater cette notion de communs avec d’autres conceptions, religions. Je pense à ce qu’il s’est passé en Bolivie, où les gens se sont dotés de nouveaux Dieux. Et notamment la Pachamama (Terre-Mère), pour pouvoir exister à l’heure de l’anthropocène et réconcilier des points de vue idéologiques différents.
Peut-être que ceci est un commun, tel que nous ne l’envisageons pas mais tel que d’autres l’ont envisagé dans des constitutions. Des constitutions, cela donne bien des règles de gouvernance. Et finalement on a bien une espèce de Dieux commun, une divinité en commun.

Cet effort pour penser le monde dans lequel nous vivons, ses catégories et les entités qui le composent, soutenu à la fois par la philosophie mais aussi par les arts, peut également bénéficier du savoir scientifique. En apprenant d’avantage, nous pouvons peut-être nous émanciper de conceptions idéologiques et d’objets aux bords bien nets et aux frontières bien précises.

Cela peut nous permettre, encore une fois, de penser une économie nouvelle, des formes de vie nouvelles, un droit nouveau pour ces objets que l’on aura préalablement repensés.

Je pense que c’est une étape fondamentale pour que le commun ne soit pas simplement une conception de la gouvernance partagée d’une ressource, sans que la ressource elle-même n’ait été repensée ou reproblématisée.
Et finalement, que l’on ne greffe pas des règles de gouvernance sur des entités qui elles-même ont été définies à travers des conceptions économiques, ontologiques, scientifiques, classiques.

Il s’agit de repenser en amont le monde dans lequel, finalement, des communs émergent. Et à partir de là, on pourra aussi penser ses règles de gouvernance et les requalibrer.

La pensée des communs aujourd’hui a besoin de cet effort-là.

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Infrastructure

Extrait d’entretien avec Alexandre Monnin enregistré le 21 août 2017.

Par définition, en sciences sociales, les infrastructures sont ce que l’on ne voit pas.
Pourtant, elles sont ce qui fait tenir une situation et permettent d’avoir un autre regard sur le monde dans lequel on vit et de mieux le comprendre.

Les infrastructures sont des communs dont on ne sait pas qu’ils sont des communs. Quelque soit leur statut, et bien qu’ils soient parfois privatisés, ce sont des biens communs au sens où l’on dépend tous de ces infrastructures pour mener la vie que l’on mène.

Et parfois, ces infrastructures nous fond mener une vie que l’on ne souhaite pas mener, et produisent une sorte de phénomène de latence sur ce qu’il est possible de faire. Pour moi, un des grands enjeux est déjà de comprendre et de donner à voir des infrastructures.
Par exemple, nous sommes aujourd’hui accueillis à la Ferme de la Mhotte par le collectif Bureau d’études, auteur de l’ouvrage Atlas of agendas – mapping the power, mapping the commons (2015). Dans ce livre précisément, le collectif essaie de cartographier des infrastructures comme celle du capitalisme contemporain, en regard à des cartographies de communs. Ce renvoie entre communs et infrastructure du capital très intéressant.

Pour moi, la mise en commun est finalement une manière de partager à la fois un savoir théorique et pratique sur des infrastructures, que celles-ci soient naturelles ou artificielles. Même si aujourd’hui, il n’y a pas vraiment de différence entre ces deux types d’infrastructures car elles ont des effets l’une sur l’autre, et on ne peut plus vraiment distinguer les deux.

Avoir une conception claire de ce que sont les infrastructures, c’est déjà une manière de s’emparer du commun et d’y tendre.

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Innovation

Extrait d’entretien avec Anthony Masure enregistré le 7 juin 2015.

J’interroge dans ma thèse, et à la suite de Pierre-Damien Huyghe, le terme d’innovation en passant par l’histoire de la photographie et notamment par Walter Benjamin.

Dans un texte de 1931, intitulé Petite histoire de la photographie (suivi en 1936 de L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique), Walter Benjamin étudie comment la photographie, en tant qu’invention, se retrouve en quelque sorte accaparée par des démarches commerciales, et notamment par la production de cartes de visite.
Finalement la photographie, en tant qu’art, ne peut apparaître qu’une fois que ce procédé innovant est découvert par les artistes

L’histoire de la photographie révèle un décalage entre l’apparition de la nouvelle technique et son effectuation, ou actualisation, en tant qu’art et pratique libre.

Par extension, et avec beaucoup d’anachronisme par rapport à ce qui l’intéresse, il s’agirait d’être assez prudent avec le terme innovation.

Il s’agirait d’être assez prudent avec le terme innovation, qui est devenu une sorte de cantique ou d’injonction dans le design et dans d’autres domaines. Il s’agirait d’étudier plutôt ce qui, dans l’innovation, est nouveau.

On associe souvent l’idée de nouveauté avec le terme innovation. Ce qui ne va pas du tout de soit.

Le principe de l’innovation (in-novation, mettre du nouveau dans sans que cela se voit) se traduit par le principe du brevet. Le brevet va restreindre une capacité technique à un usage précis.

Si l’innovation, c’est faire du nouveau à couvert, alors l’innovation est le contraire de la découverte, qui serait elle le propre de l’invention.

L’innovation s’oppose à l’invention. Dans ma thèse, je prends le parti pour cette notion d’invention, à la suite de Walter Benjamin, afin de penser un design au fait de l’esthétique, de l’art et des pratiques ouvertes.

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Intellectuels précaires

Extrait d’entretien avec Cyprien Tasset enregistré le 12 juillet 2018.

La notion d’intellectuels précaires est une notion qui est d’emblée construite comme critique. Celle-ci dénonce une incohérence de la façon dont la vie sociale est organisée et pointe d’emblée une injustice, en mettant en tension une forme de légitimité, de mérite et une situation défavorable de gens qui sont précaires.

Cette notion de précarité a deux avatars moins critiques qui se traduisent par l’idée de créatifs culturels d’une part et de classe créative d’autre part.

Quelque chose s’est produit pendant la période où je travaillais sur ce sujet, que je décrirais comme une dissolution progressive des appuis du sentiment d’injustice sur lesquels reposait cette idée d’intellectuels précaires.

J’ai observé la montée de dévaluations plus individuelles du mérite, au sens où celles-ci étaient moins appuyées sur des caractéristiques collectives comme un diplôme, la pratique d’une profession.
Les épreuves, par lesquelles se juge la valeur des gens, sont d’avantages liées à des questions individuelles, à leur biographie, donnant par conséquent moins d’appui à la construction d’une cause des précaires intellectuels comme une condition injuste.

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Interdépendance

Extrait d’entretien avec Emma enregistré le 21 février 2018.

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Intérêt général

Extrait d’entretien avec Nathan Stern enregistré le 15 octobre 2013.

La notion de biens communs me fait penser à la notion d’intérêt général. C’est une notion peut laisser perplexe si l’on considère qu’a priori que nous avons des intérêts particuliers. Cela signifierait une sorte de fusion extraordinaire de ces intérêts particuliers en un intérêt qui serait général, et qui profiterait à chacun, ou plus exactement à tous. Mais comme parfois il y a une divergence, voire un antagonisme, entre l’intérêt particulier et l’intérêt général, on ne sait pas très bien par quel mécanisme cette fusion se fait.

Extrait d’entretien avec Béatrice David enregistré le 5 février 2014.

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Inter-être

Extrait d’entretien avec Mathieu Coste enregistré le 21 octobre 2014.

Dans le cadre d’une communauté, l’intérêt se passe dans l’inter-être, c’est-à-dire dans l’importance de la qualité de la relation.

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Interrogation

Extrait d’entretien avec Maxime Favard enregistré le 01 novembre 2018.

Je me confronte depuis que je fais de la recherche à certaines affirmations, bien réelles, qui me posent question et qui ont cultivé chez moi une certaine méfiance.

Je vais proposer 4 affirmations que j’ai pu croiser par mes lectures, écoutes et échanges lors de journées d’études, ateliers ou colloques. Le terme « affirmation » que j’emploie est assumé, ce que j’essaye de dire c’est qu’au fond, les discours « affirmatifs » sur le design posent, et surtout imposent un jugement de valeur, une morale à la discipline.

Première affirmation : La ou les méthode(s) du design :
qui vont de la dite « Pensée Design » aux outils qui feraient projet de design (brainstorming, mindmap, post-it…).
La démarche est modélisée et modélise des usages.
La question que l’on peut se poser : Serait-ce ainsi la suppression des singularités au profit d’une économie managériale ?

Deuxième affirmation : La fonction du design :
Le design aurait une fonction, il devrait répondre de… (de l’écologie, du social,etc.). Est assigné ici aux pratiques créatives une fonction, que j’entends rien de moins que par morale, et qui définit ce qui relèverait du design parce que répondant, et non pas conduisant, à une fonction.
Conduire c’est choisir une direction, répondre c’est suivre. Serait-ce ainsi l’évacuation du point de vue du designer ?

Troisième affirmation : La stratégie du design :
Le design « centré-quelqu’un ou quelque chose » (usagers ou services).
De cette observation deux questions :
Première question : Serait-ce par le centrement, la trajectoire d’une réduction des rapports ?
Et encore: Serait-ce par la figure de l’usager la réduction de l’individu à une cible pré-déterminée ?

Quatrième affirmation : La reconnaissance du design :
Le design serait une projétation concrète.
Il y a là au fond la volonté d’une affirmation disciplinaire.
Serait-ce là, le rejet de la fiction et de toute autre forme d’écart ?

Voici donc quatre affirmations, alors il y en a certainement d’autres. Mais celles-ci sont exemplaires en ce qu’elles procèdent dans l’affirmative par « suppression, évacuation, réductions et rejet ». Mon hypothèse, c’est d’entendre ces affirmations comme des pensées de la négation, « sur » le design et non pas, « pour » le design.

Si je dis cela, ce n’est pas par provocation, c’est parce que mes activités de recherche m’ont amené au contraire à reconnaître : des singularités, des points de vue, des rapports, des écarts, comme autant de valeurs pour le design.

Et si, une affirmation m’a bien habité, c’est toujours celle de l’interrogation

Comme Gaetano Pesce l’annonçait en 1996 :

« Notre époque n’est plus celle des points d’exclamation, mais plutôt celle des points d’interrogation. En d’autres termes, nous ne vivons plus le temps des réponses, mais celui des questions. »

Gaetano Pesce

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Ironie

Extrait d’entretien avec Sébastien Broca enregistré le 31 octobre 2014.

C’est une notion qui a un peu mauvaise presse. On peut avoir l’impression que l’on en a assez de l’ironie, que le second degré est partout, que les hipsters ont fait de l’ironie une nouvelle manière d’être, et que s’en est trop.
Pourtant, je voudrais plutôt défendre l’ironie, et l’usage de l’ironie dans le travail de recherche, qui amène souvent une distance et un regard critique plutôt bienvenue, une absence de sérieux et un peu d’humour, dont on a besoin dans la recherche.
Quelqu’un comme Evgeny Morozov manie très bien l’ironie. Il est parfois très caustique, voire même un peu méchant. Mais cela donne parfois une certaine force, ou en tout cas un certain attrait à ces propos.
Et paradoxalement, je pense que l’ironie est un peu une attitude d’idéaliste.

L’ironie est une sorte d’idéalisme lucide, porté par des gens mus par de grandes espérances et idéaux.

La médiocrité qu’on leur propose n’est pas du tout à la hauteur de ce qu’ils seraient en droit d’attendre. Et du coup, ils sont ironiques et caustiques, pour ne pas laisser berner par une forme de médiocrité qui n’est pas du tout à la hauteur des grands idéaux qu’ils pourraient avoir par ailleurs.

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Jardins partagés

Extrait d’entretien avec Nadine Jouanen enregistré le 16 novembre 2014.

Le troisième millénaire doit nous voir tous jardiner.

Je pense que d’ici cinquante ans, on ne pourra vivre, voire survivre, que si l’on a, à minima, deux métiers. L’un qui sera ce qu’il est, et l’autre, qui sera de cultiver son jardin. Je ne vois pas comment l’on peut faire autrement.

Et là aussi cela implique la mise en œuvre de logiques de mise en commun, pour des raisons de force, d’économie et de soutien à des personnes plus âgées par exemple. Si je veux qu’une grand-mère qui ne peut pas cultiver son jardin puisse avoir des légumes, il faudra que je lui donne un peu de mon temps.

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Joie

Extrait d’entretien avec Mathieu Coste enregistré le 21 octobre 2014.

La joie va de pair avec la confiance. Si il n’y a pas un minimum de joie, de l’ordre de l’épanouissement personnel, d’intérêt non marchand, je ne vois pas comment l’on peut s’interroger sur ces questions là. Il vaut mieux faire des choses déjà bien documentées, liées à l’individualisme. C’est plus simple.

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Justice

Extrait d’entretien avec Nathalie Blanc enregistré le 17 mars 2018.

La question de la justice ou des inégalités est une question que tout à chacun se réapproprie d’une manière ou d’une autre, parce qu’on a le sentiment d’en être privé, ou traité de façon injuste en raison de notre genre, de notre couleur ou de diverses caractéristiques de nos identités.

Cette question de la justice est fortement liée à la problématique environnementale. Comment des populations qui sont dévalorisées vivent plutôt dans des espaces qui offrent de pauvres conditions de vie environnementales.

C’est une question que les associations et les collectifs se réapproprient grâce à des interventions à des échelles et selon des modalités diverses. Comment ces collectifs parviennent, ou non, à répondre à ces enjeux de manière un peu structurée et organisée, au-delà ou en deçà de l’État qui, aujourd’hui, est plutôt sur le retrait, et fait défaut à bien des endroits ?

Toutes ces questions forgent une sorte de panorama de justice, qui est celui de la justice entre-nous, mais aussi vis-à-vis d’un certain nombre d’autres êtres vivants.

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Juriste

Extrait d’entretien avec Olivier Jaspart enregistré le 28 mars 2019.

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Justice sociale

Extrait d’entretien avec Béatrice David enregistré le 5 février 2014.

C’est un terme souvent utilisé, et qui résume bien le positionnement politique et philosophique des communs.

Il faut être garant d’une certaine équité.

Cela consiste à se rendre compte des inégalités qui sont intrinsèques à certaines sociétés et à certains fonctionnements. On sait que, dans la société très libérale telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, les choses ne vont pas se faire naturellement dans l’intérêt de tous.

Il y a du rééquilibrage à faire. On constate de très nettes discriminations, des phénomènes d’appauvrissement et d’exclusion. La justice sociale consiste à contrebalancer cela.

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Légitimation

Extrait d’entretien avec Patrick Chenu enregistré le 15 mars 2015.

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Légitimité

Extrait d’entretien avec Gauthier Roussilhe enregistré le 9 septembre 2018.

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Liberté

Extrait d’entretien avec Étienne Hayem enregistré le 6 décembre 2013..

Les communs touchent à la notion de liberté. Si j’agis de manière contrainte et si je ne suis pas dans une liberté affirmée, alors je ne vais pas créer avec la même énergie que si je choisis et j’y vais.

On dit qu’on est dans une société où l’on n’a jamais eu autant de droits et de libertés. Je crois que la monnaie est une forme d’oppression et de domination.

Aujourd’hui, par exemple, nous devons payer des impôts. Nous ne sommes obligés de le faire, mais des sanctions existent si nous ne nous soumettons pas à la règle. Et, si demain, payer des impôts était facultatif ? Si cela était conseillé, recommandé mais pas obligatoire, que se passerait-il ? Qu’adviendrait-il si aujourd’hui l’on demandait, comme dans une économie du don, de payez les impôts par choix, par souhait ? Dans ce cas de figure, nous changeons complètement de registre en terme de rapport à la liberté. Nous ne sommes plus dans une contrainte, ou une fausse liberté parce que c’est le contrat social de l’état, etc. Cela changerait quoi dans l’énergie, si les gens étaient libres de donner leurs impôts, leurs contributions URSSAF, etc ?

Si je ne suis pas libre au départ, tout ce que je fais se situe dans une contrainte, ou dans la réduction d’une oppression. Je suis dans un espace de survie, ou dans une subsistance, mais qui n’est pas un état de liberté de l’être. Je ne suis pas dans une création artistique, une création de l’âme.

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Licences

Extrait d’entretien avec Bruno Carballa enregistré le 04 avril 2016.

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Licences à réciprocité

Extrait d’entretien avec Bruno Carballa enregistré le 04 avril 2016.

Extrait d’entretien avec Pierre-Carl Langlais enregistré le 22 septembre 2014.

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Lien

Extrait d’entretien avec Irene Favero enregistré le 10 septembre 2013.

La question du lien est centrale, et déplace l’attention portée sur le bien lui-même pour se concentrer sur tout ce qui tourne autour. Elle permet de dépasser la question de la propriété.

Il s’agit de passer de « l’avoir en biens communs » à « l’être en biens communs », et en cela, de dépasser une vision liée à l’objet pour investiguer quelque chose de plus vaste, l’humain.

Extrait d’entretien avec Maïa Dereva enregistré le 6 décembre 2017.

Extrait d’entretien avec Ophélie Deyrolle enregistré le 21 juillet 2018.

Si mes collaborateurs et moi avons entrepris le projet de réhabilitation de la Grande Halle à Colombelles, c’est pour recréer du lien social et culturel sur ce territoire très divisé, segmenté, où l’on constate de grosses fractures entre les populations et les quartiers. Recréer ce lien constitue la base de toute action.

Il s’agit de faire en sorte que les gens puissent se rencontrer, et que chacun se sente légitime à être là, à discuter sans barrières.

Faire du lien, c’est à la fois sortir d’un fonctionnement en silos et par catégorisation. Chacun doit pouvoir réaliser que son action ne se réduit pas à une case selon une certaine catégorisation, et qu’avant d’avoir une fonction nous sommes tous habitants d’un même territoire.

Vouloir faire du lien ne signifie pas que ce lien n’existe pas déjà. Nous nous positionnons en complémentarité, en étant vigilant à ne pas défaire des fonctionnements qui existent déjà.

Nous pensons que ce lien peut se construire par la culture, par des moments de rassemblement où chacun peut se projeter dans une oœuvre artistique qui décale le point de vue .

Par ailleurs, cette question du lien est importante pour moi à titre personnel. Nous avons répondu à un concours intitulé La Fabrique Aviva en 2017. C’est au moment de devoir pitcher le projet de la Grande Halle que j’ai pris conscience de mon attachement à faire du lien, à créer des passerelles entre des villages, des vallées, des personnes.
Cet attachement vient sans doute du fait que je trouve injuste que certains soient davantage considérés que d’autres, et que tout le monde a le droit de s’exprimer, d’être écouté,

Faire du lien, c’est permettre de se rendre compte que chacun a une place, revaloriser la place de chacun, mais aussi permettre à chacun d’entendre le point de vue des autres.

Je pense que le WIP joue un rôle sur le territoire, notamment dans sa capacité à créer des liens entre des réseaux, au-delà des liens entre les individus. Nous permettons à plusieurs réseaux de l’économie sociale et solidaire, de l’économie circulaire, de l’entrepreneuriat traditionnelle, de mieux se connaître et de se rencontrer. Pour autant, je suis consciente que cette transparence et cette ouverture peuvent être l’objet de récupérations. Il est important de s’assurer que ces synergies servent réellement à tous.

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Limite

Extrait d’entretien avec Gauthier Roussilhe enregistré le 9 septembre 2018.

Au cours de mon expérience professionnelle, j’ai observé l’absence quasi-complète de limites physiques au sein des processus de design.

Si je crée un grille-pain ou une bouilloire, l’énergie qui rend cet objet utile et actif est l’énergie électrique. Or l’énergie électrique n’est pas illimitée. La production énergétique, notamment en France, peut provenir de stocks de gaz, de minerais d’uranium, ou de métaux rares pour faire des éoliennes ou des panneaux solaires.

En tant que designer, pensant que l’énergie est illimitée, ma responsabilité va s’arrêter “à la prise” comme dit James Auger. Et je n’irai jamais au-delà, puisque l’énergie n’est pas ma responsabilité.

Penser la limite, c’est penser la limite des ressources que j’utilise pour créer l’objet, mais aussi pour faire fonctionner.

Actuellement, je fais travailler des designers d’interface et d’expérience à concevoir un site internet en privilégiant un budget énergétique plutôt qu’un budget monétaire. Le but de ce projet est d’arriver à faire un site web qui consomme 1,5 kilowatts/h. Par cette démarche, il s’agit de ré-intégrer la limite dans la pratique du design.

Évidemment, il existait des limites auparavant, mais ces limites ne concernaient pas les limites physiques des ressources. Nous définissions les limites au regard d’enjeux liés à l’approvisionnement et aux stocks, dans une conception illimitée de la ressource. Nous définissions des limites budgétaires, des limites techniques ou technologiques.

Mais les limites, par ce prisme, ne sont que des “suspends” qui ne vont pas réorienter la manière dont on conçoit les objets. Ces limites vont simplement suspendre une production, le temps que l’on débloque ces contraintes. On ne remet jamais en cause la pratique en tant que telle.

Historiquement, cela fait sens.

La pratique du design a toujours été fortement influencée par la pensée économique néoclassique, qui se détermine avec trois composantes majeures qui sont problématiques aujourd’hui.

D’une part, la ressource nous est “donnée”, selon l’héritage du 18ème siècle qui considère que la nature est un don fait à l’homme. Dans un modèle néoclassique, la ressource vaut zéro. Elle est sans valeur.

D’autre part, on pense l’humain, tel que l’a définit Adam Smith, comme un être rationnel maximisateur. Selon cette vision, l’homme est un être qui va rationaliser ses choix et ses échanges en vue de maximiser son bonheur.
Le designer est souvent centré sur l’humain, c’est-à-dire sur un persona qui, en réalité, est un fantasme et un concept abstrait. C’est la raison pour laquelle les designers fournissent des indicateurs, des tableaux de bord. En fournissant des chiffres à l’humain rationnel, les designers pensent que l’homme va changer son comportement pour s’y adapter. Pourtant, cela ne marche pas comme cela.
Mais car le design se pense à travers l’économie, on en est encore là.

Enfin, dans un modèle néoclassique, si il y a des externalités, c’est-à-dire des rejets liés aux modes de production (par exemple, la pollution), alors il y a une perte de valeur et le modèle ne fonctionnent plus. En effet, d’où puis-je tirer ma plus-value si j’ai une perte de valeur au moment de la transaction ?

Les limites en terme de ressources, les limites écologiques, géophysiques ne sont jamais prises en compte dans le design. Il est nécessaire de les réintégrer. Il est nécessaire de penser les limites dans le design.

Penser le design dans une Terre qui a des ressources et une énergie limitées demande de repenser complètement le design. Pour l’instant, c’est très compliqué, parce que cela signifie repenser le design hors du modèle économique néoclassique.

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Linéarité

Extrait d’entretien avec Martin Desinde enregistré le 31 août 2015.

Le libre et le travail collaboratif permettent d’établir une organisation communautaire alternative, proche des théories libertaires. Pas de domination, pas de hiérarchie, mais un travail partagé et autogéré, à contre courant de la verticalité de la société.

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Lutte

Extrait d’entretien avec Elliot Lepers enregistré le 25 mars 2015.

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Maison

Extrait d’entretien avec Patrick Chenu enregistré le 15 mars 2015.

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Manière

Extrait d’entretien avec Maxime Favard enregistré le 01 novembre 2018.

Manière a plusieurs origines, grecque d’abord avec manía (μανία) qui signifie folie. Manía ou Manea, c’est aussi la déesse gréco-romaine qui relève d’après le mythe, du multiple.
Plus communément, du latin manus, est associé au terme manière la main, et aussi par manuarius : la prise en main.
L’ancien français en avait d’ailleurs conservé la racine pour formaliser l’adjectif manier, synonyme autrefois d’une capacité : la capacité d’habileté. Dès lors, de l’Antiquité gréco-latine jusqu’au 14e siècle, manière concentrait le sens d’une habile folie et pouvait être entendu comme une pratique de l’écart.
Au 18ème siècle l’ouvrage Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers dirigé par Diderot et d’Alembert augmente la définition en associant aussi manière à « l’expression de la soumission aux usages ». Cette nouvelle définition relève d’un nouveau sens péjoratif. La manière est donc ce qui peut, aussi, manifester « une action de réduire à la dépendance, à l’obéissance forcée » envers des modèles

C’est le premier sens originel du mot manière qui m’intéresse. Celui qui nous permettrait de rapprocher le design de manières multiples (on pense à la mythologie) qui, loin de suivre et d’exécuter des tâches, pourrait se caractériser par une capacité d’ habile folie.

Il y aurait donc, non pas un modèle de manière de faire du design, mais bien des manières singulières de faire du design.

Cette pensée laisse une place importante à l’indéfinissable au profit de mises en tension interrogatives. Justement, la prochaine notion qu’il m’intéresse de déployer est interrogation, que j’oppose à l’affirmation.

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Manœuvre

Extrait d’entretien avec Claire Dehove enregistré le 17 janvier 2019.

La manœuvre présume un terrain d’action.

La manœuvre présume que, sur le terrain d’action, il y a des foules ou des individus qui, majoritairement, ne sont pas venus voir ou participer à une manœuvre.

Elle est donc sauvage.
La manœuvre est un processus qui n’est pas .

La manœuvre n’est pas un produit.
Elle n’est jamais le résultat d’un travail. Elle est ce travail lui-même.

La manœuvre n’est pas une œuvre d’art. Elle n’a qu’un lien théorique avec l’art dans sa définition.

Extrait de Notions de base sur la manœuvre d’ Alain Martin Richard

On est toujours dans un entre-deux, dans une ambivalence.
On est toujours dans quelque chose de non-fixée.

Je pense effectivement que la manœuvre est un changement de paradigme par rapport à la définition de l’art et à son statut habituel dans la société.

Claire Dehove

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Marchand

Extrait d’entretien avec Lionel Maurel enregistré le 25 juillet 2013.

Il s’agit de penser l’articulation entre les biens communs, l’économie et le marché.

La pensée des biens communs est souvent critiquée. Souvent les penseurs des biens communs sont accusés d’être des communistes, ou anarchistes, c’est-à-dire plus précisément des gens qui seraient contre la propriété, en référence à d’anciens modèles.
Il y a une différence entre être communiste et commoniste. Le communisme, historiquement, a débouché sur une forme d’appropriation totale par l’État.

Les gens qui se revendiquent du mouvement des biens communs ont un regard critique à la fois sur le marché et sur l’État.

L’État peut parfois être un allié pour les biens communs, comme il peut être dans d’autres cas une terrible menace, notamment lorsque celui-ci marque une volonté de contrôle des groupes sociaux.
Pour la dynamique des biens communs, le défi réside dans la capacité à se positionner entre les logiques du marché et les logiques étatiques. C’est pour cela que l’on dit souvent que les biens communs sont une sorte de troisième voie. Cette voie alternative se connecte avec des mouvements comme Les Indignés ou Occupy d’une certaine manière.

Il est nécessaire de creuser les liens entre les biens communs et le marché, et de rester attentif à la question des modèles économiques, afin de ne pas caricaturer le mouvement des communs et de ne pas le rejeter en tant que mouvement anti-propriété, logique qui a montré ses limites et ses dérives dans l’Histoire.

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Média

Extrait d’entretien avec Michel Perret enregistré le 15 mars 2015.

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Membrane

Extrait d’entretien avec Julien Lecaille enregistré le 10 décembre 2017.

La membrane est un terme que j’affectionne beaucoup, et qui me semble important pour la manière dont il faut penser les communs.

Pour commencer, je voudrais revenir sur la critique souvent formulée à propos de La tragédie des biens communs de Garrett Hardin (1). Ce que Garrett Hardin décrit comme étant un commun, dans son texte, est une pâture surexploitée car les gens vont trop l’utiliser. Or ce n’est pas un commun, au sens où on l’entend historiquement et de nos jours. C’est juste une pâture en accès libre.

Il ne faut pas confondre une ressource librement accessible et une ressource en commun qui doit bénéficier d’une forme de protection.

Pour qu’il y ait un commun, il faut une forme d’enveloppe autour de celui-ci. Cette enveloppe permet de ne pas faire tout et n’importe quoi avec le commun. Cela pose beaucoup de questions, notamment parce que les communs sont quand même quasiment en accès libre, notamment dans le domaine de la connaissance et de l’information.

Je pense que l’idée de membrane, terme inspiré de la biologie, est assez intéressant parce que, par définition, les communs doivent être vu comme des espaces qui laissent entrer et sortir un certain nombre de choses, et qui peuvent bloquer en entrer et en sortie un certain nombre de choses.

Il faut avoir un minimum de souveraineté sur la ressource pour pouvoir véritablement caractériser un commun.

Quand une communauté cherche à faire quelque chose avec ce commun, il faut que son pouvoir souverain se manifeste dans la gestion de cette membrane. Il faut qu’il puisse y avoir une forme de dynamique collective qui admette un certain nombre d’interactions avec l’environnement, et qui en refuse un certain nombre d’autres.

Cette histoire de membrane met en avant l’idée que si l’on veut penser des formes de ressources qui soient complètement protégées contre leur environnement et qui communiquent pas, qui soient des boîtes noires dont on ne sait pas ce qu’il se passe à l’intérieur, sans connaitre la nature des interaction et comment cela peut se connecter à l’environnement, alors nous ne sommes plus du tout dans des logiques de commun.

Si l’on veut penser le commun, il faut penser d’une part ce qui est de l’ordre d’un commoning au sein d’un espace où les gens peuvent se retrouver. D’autre part, il faut penser le commun dans son rapport à ce qui l’entoure, et comment celui-ci fait commun avec un certain nombre d’autres choses de proximité.

Pour cela, il faut vraiment cette idée que la membrane doit toujours rester perméable, et doit éviter de se refermer ou de se recroqueviller, même si c’est difficile.

La membrane doit faire un effort de perméabilité permanente pour ne pas perdre de vue la notion de commun.

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Méthodologie

Extrait d’entretien avec Sébastien Broca enregistré le 31 octobre 2014.

On m’a beaucoup reproché dans mon travail de thèse, de ne pas avoir une méthodologie assez claire. En sociologie on nous bassine avec des questions de méthodologie. Cela suffit les questions de méthodologie ! Parfois c’est une sorte de cache misère où les gens déploient des trésors d’ingéniosité pour tenter de prouver que c’est une méthodologie scientifique. Cela cache souvent du vide, voire de l’irrationalité.

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Modèles

Extrait d’entretien avec Émeline Brulé enregistré le 10 décembre 2013.

Je me considère comme une GenY. Je suis quelqu’un qui n’a plus un seul métier au sens strict, quelqu’un qui n’aura pas un parcours fixe et qui fait juste les choses comme les choses peuvent être faites. Pourquoi ? D’une part, parce que notre génération n’a pas vraiment le choix, et d’autre part parce que, pour la première fois, nous avons la possibilité de mettre en forme notre vie comme nous le voulons.

Nous ne sommes pas obligé de suivre un modèle. Nous pouvons les mélanger. Nous n’avons jamais eu autant de potentialités ouvertes.

Et le paradoxe est que nous ne savons pas vraiment quoi faire de cette liberté dans un contexte de fort chômage, où les jeunes ne trouvent plus de travail.

Je crois aux utopies locales. Chacun fera à sa façon. Nous mixerons les méthodes et les influences et nous verrons ce que cela donne. De nouveaux modèles sont à construire.

Certains textes féministes, à l’heure actuelle, interrogent ces modèles. On a beaucoup parlé de ce qu’était la féminité, la femme. On a dit aux filles de notre génération qu’elles pouvaient vraiment tout faire, et effectivement, elles peuvent tout faire. Un enfant toute seule, des études, un travail, ou les trois en même temps. Acheter une maison, etc. Je ne dis pas qu’il n’y a plus de discrimination, malgré la majorité du genre féminin en terme de nombre de têtes.
Mais en même temps, nous ne nous sommes pas du tout posé la question de la masculinité. Et cela n’est pas forcément évident, dans une société qui a été patriarcale pendant des centaines d’années, voire des millénaires. Dans nos sociétés, il y a de moins en moins de travaux dures physiquement. Qu’érige-t-on alors comme modèles ? Sommes-nous obligés d’ériger des modèles ? Doivent-ils être aussi binaires ? Jusque-là, le modèle dominant était celui de la femme à la maison et l’homme au travail. Maintenant, nous n’avons plus réellement de modèles, ou alors nous en avons des centaines.

Et de mon point de vue, nous sommes dans un monde beaucoup trop complexe pour ériger un modèle collectif. Étant donné la diversité des modèles possibles, la difficulté réside dans leur articulation.

Il faut les faire discuter entre eux. Mais je ne pense pas qu’il serait une bonne chose d’avoir de nouveau un seul modèle collectif. Chacun doit faire les choses à sa façon. Mais là, c’est probablement mon côté anarchiste qui parle.

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Modèle économique

Extrait d’entretien avec Anne-Sophie Novel enregistré le 5 septembre 2013.

Aujourd’hui, nous voyons bien que l’économie collaborative pose un certain nombres de questions et nous invite à réinventer tous les modèles, à en laisser tomber certains.

Le libre, l’open source et les biens communs sont la formulation de solutions qui se présentent à nous et qui nous invitent à tout revoir et tout réinventer. Cela pose fondamentalement la question des modèles économiques mais aussi des formes du politique et de la démocratie.

Michel Bauwens, notamment, porte cette pensée qui mérite qu’on s’y attarde aujourd’hui.

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Modèle d’organisation

Extrait d’entretien avec Sylvie Dalbin enregistré le 28 octobre 2013.

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Monopole

Extrait d’entretien avec Sarah Garcin enregistré le 16 novembre 2014..

Il faut éviter les situations de monopole, de sorte que chacun puisse choisir, en design notamment, les outils les plus adaptés.

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Mutualisation

Extrait d’entretien avec Marine Seemuller enregistré le 5 décembre 2014.

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Mutualisme

Extrait d’entretien avec Bruno Carballa enregistré le 04 avril 2016.

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Négociation

Extrait d’entretien avec Léa Eynaud enregistré le 14 novembre 2014.

Peut-être le commun n’est-il que l’agencement de compromis puisqu’ils impliquent la collectivité, et que nous ne sommes jamais tous pleinement d’accord ?

Les communs se pensent par-delà la notion de propriété et selon l’idée du faisceau de droits. Il s’agit de s’entendre sur les droits des uns et des autres, et leurs limites. Cela implique une négociation.

Nous sommes plusieurs et nous devons nous répartir les droits sur l’objet.

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Nomination

Extrait d’entretien avec Cyprien Tasset enregistré le 12 juillet 2018.

Ma recherche sur les intellectuels précaires et le précariat culturel a été vraiment sous-tendue par une interrogation sur le pouvoir de la nomination, ou son absence de pouvoir.

Dans la sociologie, les analyses critiques du monde social et la façon dont cela peut avoir des effets, l’acte de nommer – un groupe, une réalité sous-jacente en espérant que cet acte apporte un degré supérieur de réalité, et suscite de l’organisation, de la mobilisation – est une des grandes formes du geste critique.

Ce geste critique s’est beaucoup focalisé, il y a quelques années, sur ce groupe ou cette multitude de groupes latents, possibles, au bord de l’existence.
Et au cours de ma thèse, mon travail a largement consisté à explorer, tester, mettre à l’épreuve ce pouvoir de nomination.

Le biais que j’ai pris pour cela s’est incarné dans un processus d’interviews de gens qui pouvaient être désignés par cette nébuleuse de nomination de groupes possibles.

Il s’agissait de leur faire parler de leur vie, et de la façon dont ils se nommaient eux-même ou se rapportaient éventuellement à des collectifs. J’interrogeais les différents noms utilisés pour désigner le groupe auquel ils appartenaient, ou pas.

J’ai donc abouti, dans une partie des entretiens, à des exercices de bricolage à partir des nominations qui avaient transpiré dans la presse ou dans des livres, militants ou parfois sociologiques, et qui étaient intégrés à la réflexivité des gens interviewés.

À travers ces nominations, les interviewés désignaient leurs différents attachements, leurs différents points de fuite et possibilités, entre lesquels ils se sentaient écartelés et souvent en contradiction.

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Non-humain

Extrait d’entretien avec Julien Lecaille enregistré le 10 décembre 2017.

Mon grand choc avec Bruno Latour, c’est un livre qu’il a sorti dans les années 2000, qui s’appelle Politiques de la nature. L’auteur y parle de quelque chose qui est fondamentalement inconciliable, puisque la nature est quelque chose qui échappe à l’intention humaine, et que la nature ne peut pas être politique. Et pourtant, on souhaite faire des politiques de la nature. Comment ce fait-il ? Latour réinterroge alors un certain nombre de concepts. Il joue avec des catégories fondamentales de la pensée pour exprimer ce qu’il ressent. dal

Il y a quelque chose qui est profondément ancré dans le mouvement écologiste : c’est un mouvement de défense de la nature.

Le mouvement écologiste donc très fondamentalement un mouvement de protection de la ressource.

C’est le mouvement conservationniste, de protection contre la destruction des espèces, contre la surexploitation, la destruction, etc.

La notion de communs permet de réinterroger la question écologique en n’étant pas uniquement sur une logique défensive. S’il s’agit en effet d’affirmer qu’il faut défendre la ressource pour éviter sa disparition, néanmoins, la logique de préservation doit aussi intégrer les besoins humains, dans une certaine limite.

Il y a des gens qui ont envie de pêcher et de tuer des poissons pour les manger. Il y a des gens qui ont envie d’utiliser le bois de la forêt pour se chauffer ou en faire autre chose. Cette approche n’en demeure pas moins un peu utilitariste.

Il est possible d’aller plus loin avec la notion de ressource en considérant que ce dont on parle ce sont des êtres – les fameux non-humains de chez Bruno Latour – qui ont vocation à d’eux-même parler et faire partie du commun, en n’étant pas une matière inanimée sur laquelle on est dans une logique d’exploitation, mais en participant à la délibération latourienne au sein du commun, avec la difficulté que ces non-humains ont tout de même besoin d’interprètes humains, et qu’ils ont du mal à s’exprimer directement.

Bruno Latour reprend la citation des zadistes de Notre-Dame-des-Landes en disant « Nous ne défendons pas la nature, nous sommes nous-même la nature qui se défend ».
Si cela est très caractéristique de la pensée de Bruno Latour, il n’en demeure pas moins le besoin d’interprète.

Aussi, il semble intéressant qu’il puisse y avoir dans le commun une extension de la notion de communauté à des questions de non-humain. Cela va nécessiter un certain nombre de glissements et d’acceptation du droit, d’un droit ontologique de ces choses-là.

Après, il me semble que la difficulté résidera dans la tension sur la ressource. Au final, il s’agit tout de même d’humains qui vont essayer de survivre. Si à un moment, la tension est forte, ce qui risque d’être la cas dans une logique d’effondrement, malheureusement les non-humains risquent de passer à la trappe, j’en ai un peu peur.

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Normativité

Extrait d’entretien avec Sylvie Dalbin enregistré le 28 octobre 2013.

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Œuvre

Extrait d’entretien avec Claire Dehove enregistré le 17 janvier 2019.

Il se trouve que, parallèlement au projet de l’Ambassade des Communs, j’ai été sollicitée par Les périphériques vous parlent pour participer à la création de l’Université du Bien Commun en France.
Cette Université du Bien commun a été montée notamment par Riccardo Petrella à Milan, Bruxelles, Barcelone

Nous nous sommes retrouvé à une trentaine de personnes de tous horizons confondus, dont beaucoup de militants associatifs comme le Collectif Roosevelt ou encore le Mouvement Utopia, en vue de réfléchir sur comment faire une université populaire autour de la question des biens communs, notamment mondiaux.

Ce projet a été évidemment déterminant pour continuer la réflexion autour du projet Ambassade des communs.
Tout allait très vite sur l’Ambassade des communs mais restait en même temps très circonscrit au milieu artistique et universitaire de la Maison des Arts de Bordeaux.

Or, je me suis trouvée embarquée par l’Université du Bien Commun dans une réflexion beaucoup plus large, qui embrassait les questions du partage des ressources naturelles, de l’eau, de l’air, les enjeux de mode de gouvernances des communs ou encore de lutte contre l’idéologie propriétaire.

Ces questions ont été mise en chantier à travers des sessions de rencontre et de travail au 100ECS une fois par mois, les samedis après midi. Là, j’ai rencontré des personnes comme Marie Cornu, juriste et chercheuse au CNRS, et qui a coordonné le Dictionnaire des biens communs.

Je n’avais pratiquement aucune notion juridique, et j’ai parlé tout à l’heure du désarroi que j’ai eu devant le fait de signer un contrat dans le cadre du projet des Nouveaux Commanditaires.
Cette situation peut paraître une petite chose, toute simple. Cependant, lorsque en tant qu’artiste, on abandonne le copyright pour le copyleft ou les Creative Commons, cela a des incidences économiques. On ne touche plus de droits d’auteur en tant que tel. Moi, je ne vends aucune œuvre et qui suis rétribuée sous forme d’honoraires pour l’élaboration des dispositifs, les workshops et ou les films. Dans ce cas, la licence Creative Commons permet à ces travaux d’être repris, diffusés, et permet une certaine traçabilité, ce qui est important

Au travers ces sessions de l’Université du Bien Commun, j’ai eu l’occasion de pouvoir aborder les questions du droit opposable, du droit souple, et j’ai pu comprendre comment tout cela fonctionnait. J’ai également rencontré Violaine Hacker, juriste qui travaille au Common Good forum

C’est comme cela, au fond, que quand Contexts m’a invité dans le cadre du projet Nouveaux Commanditaires, j’ai pu inviter ces personnes à débattre de toutes ces questions, en prenant l’Ambassade des Communs comme matrice, d’une certaine manière.

Peut-on changer de paradigmes au niveau de la création artistique, au niveau de la production et du Droit associé aux œuvres ?  Ce sont des questions que j’ai souhaité soulever à partir de ce petit exemple que constitue l’Ambassade des communs.

Cela m’a donné l’idée d’inviter les responsables des Nouveaux Commanditaires à Paris, dont Pierre Marsaa, Mari Linnman, Victoire Dubruel à venir assister à ces sessions de l’Ambassade des Communs, parce que j’ai tout de suite eu l’intuition que le protocole Nouveaux commanditaires pouvait vraiment pousser davantage ses actions en s’aidant d’une pensée et des expériences des biens communs.

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Open Source

Extrait d’entretien avec Thomas Landrain enregistré le 14 août 2013.

L’open source et l’open acces sont intimement liés au concept de biens communs.

Que cela soit des données virtuelles, du matériel, ou une connaissance technique en biologie, l’accès pour tous au savoir, à la technologie et à son mode de fonctionnement conditionne la construction de communs.

Extrait d’entretien avec Jennifer Bonn enregistré le 18 novembre 2013.

Je suis heureuse de voir que la culture open source commence à déborder partout. On commence à voir, maintenant, le résultat de cette autre manière de travailler ensemble, qui se met en place à des endroits très divers de la société.
L’open source correspond pour moi à un questionnement d’auteur. Cela vient d’une expérience personnelle. J’ai fait les Beaux-Arts. J’y ai été marquée par un discours je ne comprenais pas. J’y ai observé une sorte de culte de l’artiste. Il était plus important de soigner sa personne que de soigner l’œuvre que l’on produisait. J’ai toujours voulu communiquer par ce que je produisais. Le fait d’avoir à soigner une image ou un personnage m’agaçait, tout comme le fait que la signature de l’œuvre pouvait avoir une valeur plus grande que la valeur de l’œuvre elle-même. Ce sont des questionnements qui sont venus assez naturellement, en réaction milieu de l’art. J’ai toujours senti que cela ne me correspondait pas.
J’ai été sensibilisée à l’open source parce que j’avais un frère informaticien. J’ai eu accès à ces notions, même si je n’en connaissais pas forcément toutes les nuances ou les particularités.

Il ressortait des pratiques open source une idée de justice qui m’apparaissait comme une évidence. Il est plus intéressant de partager les informations et de voir ce que l’on peut créer de nouveau, plutôt que de protéger les informations et en interdire l’accès. Interdire l’accès à l’information équivaut à fermer les écoles.

De quel droit peut-on faire cela ? L’open source a vraiment permis de questionner la question de l’accès à l’information, appuyé par une évolution du domaine juridique. Mettre une œuvre sous licence ouverte, comme manifeste d’une opposition au copyright, c’est une démarche artistique. C’est un acte qui change le regard des gens sur le système dans lequel ils vivent. C’est aussi le début d’une dissolution des frontières déjà en marche depuis longtemps, renforcée par internet et la une mise en réseau des défenseurs de ces libertés. Il y a un certain nombre de circulations qui sont rendues possibles, et ce réseautage se prolonge dans des aspects très pratiques de nos vies, sur des principes d’entraide et d’échange. Une économie alternative se met en place. Je trouve cela intéressant.

Extrait d’entretien avec Aurélien Marty enregistré le 16 février 2015.

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Outil

Extrait d’entretien avec Frédéric Sultan enregistré le 17 juillet 2013.

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Ouverture

Extrait d’entretien avec Louis-David Benyayer enregistré le 11 octobre 2013.

La notion de communs sous-entend l’ouverture, c’est-à-dire la prise en compte de plusieurs dimensions et plusieurs réalités.

Par ouverture, il s’agit aussi de mobiliser au-delà des communautés qui se rencontrent habituellement.

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Partage

Extrait d’entretien avec Yann Heurtaux enregistré le 11 août 2013.

Je vis dans un espace de coworking, je participe à de multiples projets de cocréation, soit pour du business ou simplement pour le plaisir. On construit des choses à plusieurs, on partage des ressources. […]

Le partage est quelque chose qui se vit. C’est pourquoi il a été pour moi assez déterminant de passer de la posture de « sympathisant philosophique » à celle de quelqu’un qui fait.

Extrait d’entretien avec Lionel Maurel enregistré le 25 juillet 2013.

Partage, ou mise en partage, est à mon avis un point essentiel dans le processus construction des communs. Il n’y a bien commun qu’à partir du moment où l’on est dans une démarche de mise en partage de quelque chose, ou de gestion partagée d’une ressource.
Dans la réflexion des biens communs actuellement, c’est aussi un point compliqué, car la notion de partage est beaucoup galvaudée. Elle est un peu partout. On parle par exemple de la sharing economy. On a un peu tendance à voir du partage partout. Par exemple, les gens qui font du CouchSurfing sur Airbnb se revendiquent comme étant dans l’économie du partage, ce qui soulève des débats.

Au sein du mouvement sur les biens communs, il y a toute une réflexion pour essayer de rendre plus stricte ce qu’est la définition d’un partage, pour éviter justement que celle-ci soit récupérée.

La question de la récupération est une sujet important lorsque l’on parle des communs, au même titre que la notion d’écologie, qui a subit, à un moment, ce même phénomène. Les notions de communs et de partage peuvent être très facilement récupérables. On entend parfois les politiques parler de biens communs, et cela est dangereux. C’est pourquoi le travail sur les mots est très important.
Le mot partage a aussi une valeur marketing très forte. Lorsque l’on voit, par exemple, Coca Cola qui fait toute sa campagne autour du slogan Partage un coke avec ton ami, on se rend compte qu’il y a une vigilance particulière à avoir sur ce mot.
C’est un mot dont on a terriblement besoin, notamment dans le champ de la propriété intellectuelle dans lequel j’interviens.

La notion de partage permet notamment, dans le champ de la propriété intellectuelle, de contrer les accusations de piratage. Le mot partage est très important pour montrer qu’il y a une autre façon de penser les choses.

Donc c’est un mot qui mérite vraiment que l’on s’y attarde.

Extrait d’entretien avec Frank Adebiaye enregistré le 19 septembre 2013.

Le partage, cela veut dire quoi ? Cela veut dire avoir une famille plus importante, avoir plus d’amis, avoir une communauté.

Le terme de partage fait résonance avec celui de sociabilité.

Pourquoi les gens, maintenant, accordent-ils plus d’importance à leur couple ou à leur vie personnelle qu’à leur travail ? Parce que la promesse de sociabilité et partage leur paraît beaucoup plus authentique dans le cadre de leur vie personnelle que dans le cadre du théâtre des opérations qu’est l’entreprise moderne. Aristote disait L’Homme est un animal social. Chacun a son tempérament, mais le partage reste une nécessité.

Le partage est notre logiciel commun, notre condition humaine.

Nous parlons trop de choses qui sont extérieures à nous, c’est-à-dire qui ne nous sommes pas consubstantielles.

« L’homme est la mesure de toute chose », disait Protagoras.

Il est question de notre humanité. Si nous ne pouvons pas décider pour la Nature, en ce qui concerne notre propre condition, nous avons le choix. Alors peut-être faudrait-il que nous arrêtions de nous maltraiter nous-même ? Et, en cela, il faut prendre conscience que nous avons besoin de partage, en prenant en compte le temps, comme point cardinal. Il faut aller à l’essentiel. Nous n’avons pas la capacité d’être exhaustifs.

Extrait d’entretien avec Nathan Stern enregistré le 15 octobre 2013.

Si le bien est commun, alors le bien renvoie à une notion de propriété dès lors que ce bien est partagé. C’est la propriété de ce bien qui est partagée. Et ce qui est intéressant, c’est que c’est autour du bien lui-même, potentiellement, que le partage se constitue. C’est parce que l’on partage un bien que l’on va être en communauté. Il y a un certain nombre de biens précieux autour desquels on va pouvoir se réunir, parce que chacun de nous est dépendant de ce bien, et que l’on doit tous sécuriser notre accès à ce bien. C’est pourquoi la notion de partage me semble se situer au cœur de la notion de biens communs.

Qui dit partage dit apprentissage de la vie en commun.
Puisque si l’on use, les uns et les autres, d’un même ressource, on va devoir apprendre à la traiter avec les mêmes égards. Que ce soit un appartement en collocation, l’air de l’atmosphère ou la biodiversité, on doit s’accorder les uns et les autres sur l’usage que l’on doit faire de cette ressource, pour nous sentir et être en sécurité les uns avec les autres.

Extrait d’entretien avec Étienne Hayem enregistré le 6 décembre 2013.

Le partage est une valeur essentielle pour moi. Il y a quelques années, j’ai crée un groupe de musique electro sur Faceboook. Le partage est l’essence du projet.
Au sein de cette plateforme, chacun vient pour partager quelque chose, un MP3, des vidéos trouvées sur Youtube, etc… Le groupe est devenu dynamique très rapidement, mu par cette démarche de mutualisation. On était dans un espèce de Vortex. Au début, le groupe était constitué de trois personnes, puis s’est élargi progressivement. Nous sommes 7000 à ce jour. Cette plateforme est comme un puits qui ne se vide jamais. On copie et l’on partage des biens informationnels non rivaux. C’est le principe même du partage de la connaissance rendu possible grâce à internet.
Nous faisions de soirée, nous avions un lieu commun. Ces soirées étaient comme une aura, nous donnaient de la visibilité, et nous ont permis de gagner de l’argent. Cet argent, si nous le gagnons aujourd’hui, c’est parce que la communauté vient, consomme et participe aux soirées.
À partir de ce moment s’est donc clairement posée la question de la redistribution de ces gains et de ses modalités, dans une logique de partage continue.
Pérenniser cette logique de partage signifiait pour moi aller au-delà du partage de la musique. En aucun cas il ne s’agissait pour moi de dire : « venez sur ma plateforme et ensuite moi j’actualise, j’engrange et je monétise. » L’enjeu était pour moi de partager l’argent ensemble. Nous construisons, produisons ensemble et par conséquent nous partageons les richesses produites entre tous.
C’est pourquoi, là encore, il a fallu définir un système de gouvernance pour convenir des modalités de ce partage, et garantir une transparence. Garantir la transparence permet à chacun, de l’extérieur, de juger du système de gouvernance et permet une implication consciente de chacun. Elle permet aussi à chacun de ses membres de s’exprimer et d’agir sur le système de gouvernance en place.

Il est fondamental de connaître et de comprendre le fonctionnement des structures pour s’y impliquer.

Dans notre exemple, pour notre groupe de musique électro, l’idée a été de créer des compilations pour les jeunes talents et de redistribuer les gains à la collectivité.
En créant le groupe, j’ai donné en quelque sorte une intention et une vision. Assez rapidement, de premiers contributeurs ont commencé à amener de la musique de Berlin, les derniers trucs sortis de je ne sais où. Il y avait aussi mes copains qui prenaient en charge le nettoyage des contenus, essayaient de trier et de supprimer les pubs. Ensemble nous avons donc créé une espèce de filtre de première qualité. Autour de ce noyau, des contributeurs, à l’image de fourmis, commentent, likent, etc… Cela fait remonter le flux.
Au final, en ayant donné un clic et une intention, je me retrouve avec une radio de qualité parce qu’il y a toute une séquence de production de différents travailleurs qui filtrent, améliorent, écoutent, et qui donnent de l’attention.
C’est cela l’économie de l’attention, que l’on retrouve chez Google, Facebook, et au sein de plein d’autres plateformes.
Cette initiative et cette aventure a donc été pour moi, avant toute chose, une expérience d’un partage équitable des ressources nées de ce que j’avais planté.

Extrait d’entretien avec Béatrice David enregistré le 5 février 2014.

Partage et accessibilité. C’est aussi un des fondements des communs, et notamment en ce qui concerne les outils numériques et le domaine du libre. Cela consiste à dire qu’il y a certaines connaissances, certains savoirs, certains acquis qui doivent être à disposition de tous, pour les utiliser mais aussi pour se les approprier.
Dans le domaine du numérique, il s’agit d’une part de faire en sorte que tout le monde puisse utiliser des outils sans être, à un moment donné, contraint par un acteur commercial susceptible d’en limiter l’accès. Et d’autre part, il s’agit également de permettre à ces outils d’être enrichis, améliorés, par toute l’intelligence collective.
On est vraiment dans l’articulation d’un espèce de service universel. Ce service universel, si il est ouvert, permet que certains se ressaisissent de briques déjà réalisées, d’un bout de code ou même de l’idée seulement, pour le retravailler et proposer des améliorations qui répondront à de nouveaux besoins plus spécifiques.

Le libre est une articulation. C’est internet vu comme un service universel.

Extrait d’entretien avec Sébastien Broca enregistré le 31 octobre 2014.

La notion de partage me semble problématique. D’une part, il me semble étrange d’employer le terme partage lorsque l’on parle de biens non rivaux. La notion de partage me paraît légitime lorsque l’on parle de ressources finies. C’est bien parce qu’il n’y en a pas pour tout le monde qu’il faut les partager. En revanche, lorsqu’il s’agit de ressources numériques, la notion de partage est inexacte car ces ressources sont abondantes et n’impliquent pas un renoncement pour donner la ressource à autrui. C’est pourquoi le terme de partage me semble un peu trompeur de ce point de vue là.
Par ailleurs, j’identifie un autre risque dans ce terme, et qui concerne tout ce que l’on entend depuis quelques années autour de l’économie du partage. On commence à voir que ces modèles posent aussi question. On dit notamment qu’ils permettent d’enlever des intermédiaires alors qu’en vérité ils en recréent. Prenons pour exemple Airbnb, Uber et les autres. Ils nous interrogent aussi sur les formes de travail précaires qu’ils engendrent, sans protection sociale, avec très peu d’encadrement législatif pour l’instant, etc.
Se posent donc tous ces problèmes de l’économie du partage, et ce qui m’énerve notamment, c’est le choix des termes liés à cette économie, moralisateurs et connotés très positivement. Parage, altruisme, générosité, collaboration. Évidemment tout le monde milite pour ces choses-là.

Mais parfois, tout ce discours autour de la générosité et du partage empêche de voir que la réalité est un peu moins rose que tout ce que ces termes ne laissent paraitre.

Extrait d’entretien avec Sarah Garcin enregistré le 16 novembre 2014..

Le partage de la connaissance me semble être une clé qui commence à émerger chez tout le monde.

Nous avons tous des choses à donner à l’autre.

Chacun est nourri d’expériences personnelles qui sont toutes différentes, même si l’on fait la même chose, les mêmes métiers, les même études.

Nous avons souvent tendance à garder les choses pour nous, parce que c’est la manière dont on a appris à travailler. C’est la manière dont nous avons été éduqué.

Comment pourrait-on, aujourd’hui, trouver des moyens de davantage partager ce que l’on sait ? Comment développer des moyens pour davantage documenter ce que l’on fait, de sorte que tout le monde ait accès à nos connaissances partagées ?

Extrait d’entretien avec Aurélien Marty enregistré le 16 février 2015.

Extrait d’entretien avec Alexandre Guttmann enregistré le 12 avril 2018.

Du fait des enclosures de la connaissance liées à la propriété privée, l’accès à la connaissance, dans notre système actuel, n’est pas égale pour tous.

Je m’intéresse aux mécanismes ouverts d’accès à la connaissance, qui permettent la réutilisation, la modification des contenus gérés au sein de systèmes de gouvernance horizontaux.

Je mets en pratique cette dynamique de partage de connaissances au sein de mon projet de thèse en contribuant au projet Remix The Commons et en particulier à l’Atlas des Chartes des communs urbains, qui recense, documente et met en relation, par le web sémantique, les expériences de communs urbains. C’est une manière de partager des savoirs.

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Partenariats Public-Communs

Extrait d’entretien avec Anne-Sophie Olmos enregistré le 25 juillet 2017.

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Pauvreté

Extrait d’entretien avec Thibault Van Craenenbroeck enregistré le 18 novembre 2013.

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Pérennité

Extrait d’entretien avec Raphaël Bastide enregistré le 27 octobre 2014

J’ai l’impression que l’open source est d’abord une manière d’avoir des outils qui sont pérennes. Les licences libres assurent un suivi dans le temps.

Le travail collaboratif autour des outils et des ressources libres permet d’être asynchrone.

Et cela, je trouve que c’est très intéressant.

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Personne

Extrait d’entretien avec Violaine Hacker enregistré le 20 octobre 2014.

À propos des méthodes d’analyse des communs, je m’appuierais sur Emmanuel Mounier ou d’Aristote, dont le travail porte sur les personnes, leur épanouissement dans les communautés, et le rôle qu’elles vont se donner.

Il est question de vertu au sens de la prise en compte de la personne, de ses désirs, et des valeurs qui vont permettre de mener des projets dans le temps.

Cet angle de réflexion permet une vision des communs dynamique, spatiale et prend en compte les contradictions et la diversité.

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Pionnier

Extrait d’entretien avec Olivier Jaspart enregistré le 28 mars 2019.

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Plateforme

Extrait d’entretien avec Armel Le Coz enregistré le 25 janvier 2015.

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Plateformisation

Extrait d’entretien avec Michel Coudroy enregistré le 15 mars 2018.

Il me semble qu’un des enjeux importants aujourd’hui se cristallise dans bataille autour de ce que l’on appelle la plateformisation des services.

Dans un langage plus commun, on parle d’uberisation. C’est-à-dire l’idée que, parmi les possibilités ouvertes par les outils de coordination numérique, il existe la possibilité de mettre en relation directe, d’une part des gens qui produisent le même service, et d’autre part des utilisateurs de ces services.

Ce mécanisme est intéressant parce que celui-ci permet de beaucoup mieux utiliser des ressources de toute nature, comme le temps ou les compétences disponibles. Cela peut permettre d’améliorer le confort de chacun par des échanges de services non monétaires.
Il s’agit de mieux vivre en utilisant mieux les outils matériels et les compétences de chacun, tout en créant du lien. C’est une impossibilité de coordination productrice de bien vivre, qui ne coûte pas cher, et qui au contraire constitue un économie de la ressource dans tous les sens du terme.
Cette idée de plateformiser des services, grâce à ces possibilités de mise en relation directe, est très intéressante.

Mais nous vivons dans un monde où les idées doivent être lucratives, et où il y a eu, par ailleurs, des excès de création de liquidités – comme on dit en économie. Ces liquidités sont bien plus importantes que les richesses matérielles de plus en plus fragiles. C’est pourquoi, autour de toutes ces innovations, gravitent un tas de chasseurs de têtes, ou de business angels.

Alors qu’émergent ces plateformes et outils numériques, ce sont les plus fédérateurs qui gagnent tout.

Le gagnant prend tout.

Ce qui a été compris par l’économie financière et privée, c’est que l’on pouvait faire, sur cette base, soit de l’économie de l’échange gratuit – mais cela ne l’intéresse pas – soit au contraire des startups devenant les endroits par lesquelles tous les autres se coordonnent.
Il n’y a finalement qu’un dispositif un peu virtuel à s’approprier pour percevoir des royalties – c’est-à-dire une rente de situation – qui aujourd’hui, dans les perspectives de croissance, sont parmi les plus prometteuses.

C’est évidemment un modèle qui est né autour des services à la mobilité comme Uber, des services de logement et autres. Cependant, quand on réfléchit un peu, on se rend compte que tous les producteurs et les artisans pourraient s’organiser sur ce modèle.

La question consiste donc à se demander si la production et la consommation de demain utiliseront ces possibilités de mise en relation par plateformes au service des grands groupes, dans la continuité des logiques mises en place par les GAFAM qui, à partir de la propriété des outils numériques, ont créé une économie qui utilise non seulement la contribution de chacun mais aussi la vente des données.

Il existe pourtant un ensemble de domaines où l’on pourrait concevoir des possibilités de mise en relation de proximité, qui ne demanderaient pas de rentabilité même et qui faciliteraient tout autant la vie, voire d’avantage.

Ces plateformes utilisent des travailleurs qui ne sont même plus salariés, qui ont perdu leur statut. Il y a beaucoup à faire en terme d’encadrement de ces nouveaux phénomènes.

En ce sens, il paraît intéressant de repenser la question des échelles et de prendre au sérieux les propositions municipalistes. À l’échelle d’une commune, qui est une échelle résiliente, peut se créer un ensemble de solutions, s’articulant sur des activités rémunérées durables et respectueuses de la ressource.

Tout ce qui se réfléchit à très grande échelle n’a pas un très grand avenir. Il faut tout repenser à l’échelle de la commune ou de la municipalité.

C’est l’une des tâches, me semble-t-il, des activistes des communs aujourd’hui, que de penser le mieux vivre à une échelle locale, municipale par exemple, donnant des solutions concrètes à chacun.

Ce phénomène de plateformisation est un enjeu important, mais n’est pas toujours perçu comme tel. Il y a à fois de l’éducation populaire à faire, et puis de la mise en œuvre.

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Poïétique

Extrait d’entretien avec Maxime Favard enregistré le 01 novembre 2018.

Dès ses origines, la poïetique fait référence à la création. On pense à la poïesis de Platon dans Le banquet : la poïesis c’est ce qui transpose le non-être__à l’être. L’enjeu de cette disposition __c’est qu’elle fait naître__ quelque chose).

Plus deux millénaires plus tard, dans les années 1990, René Passeron, remobilisant la figure théorique de la poïetique, distingue clairement la poïetique de l’esthétique. Cette dichotomie exprime une différence fondamentale.

L’esthétique est pour Passeron tout l’univers, tout l’univers que nous réceptionnons__ à partir des sens ou encore du langage. L’esthétique s’intéresse donc à ce qui, par essence, est___là (en philosophie on parlerait de da-zain, qui en allemand signifie être là).

En revanche, la poïétique n’étudie, selon Passeron, que la seule conduite créatrice, passant de la philosophie de la sensibilité à celle de l’action.

De la sensibilité à l’action, il s’agit par la poïétique de passer de l’intérêt de l’étude d’un fini à l’intérêt de l’objet en train de naître.

Si le terme poïétique fait bondir plus d’une personne, je voudrais juste rappeler que László Moholy Nagy, dans un ouvrage qu’il a écrit en 1929, intitulé Du matériau à l’architecture, tenait aussi du poïétique en ce qu’il considérait la création : non pas à partir d’autres discours sur le design, non pas à partir d’autres disciplines comme la philosophie, la sociologie, l’anthropologie ou encore la science.
Non pas du tout, Moholy Nagy théorisait la création par ce qui en détermine véritablement sa nature : c’est-à-dire ses pratiques et ses formes : structure, matériau, volume, texture, surface.

J’appellerais donc poïétique du design une démarche de recherche qui interrogerait notre monde, en théorisant ce à quoi le design (comme projet) a de naissant par la question des pratiques et des formes. À contrario, l’esthétique du design quant à elle, se positionnerait du côté de la réception en théorisant le design (comme produit) par la question des usages et des apparences.

Je viens d’évoquer deux termes comme ça, l’air de rien : pro-jet et pro-duit. Deux termes qui m’amènent à la 2ème notion, qui est un préfixe, pro- !

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Politique

Extrait d’entretien avec Camille Louis enregistré le 18 novembre 2013.

Il s’agit de considérer le politique autrement que comme la politique des politiciens, et de revenir à ce qu’est le politique, c’est-à-dire pólis, l’être ensemble, l’exister ensemble, l’habiter en commun.

La réflexion sur le politique renvoie à la notion de commun et à une interrogation sur ce qui est convoqué à l’intérieur.

Ne pas interroger le commun avec le politique, c’est sous estimer la valeur du commun. C’est considérer le commun comme une chose utopique, ou comme un type de pratiques alternatives de discussion ensemble qui serait un espèce de palliatif de l’ordre du social contre le politique.

L’enjeu réside précisément dans la réappropriation d’un mode d’existence politique en commun, au sein duquel les individus ont un droit de regard sur la façon dont ils votent, dont ils sont représentés, etc. Il ne s’agit pas qu’une nouvelle force communiste vienne s’emparer de la politique pour faire un État.

Il s’agit simplement de considérer la force de l’être en commun comme une mise en capacité permettant à chaque singularité de se rende consciente, à nouveau, des structures dans lesquelles elle existe.

Il s’agit d’interroger les modalités de notre implication politique dans la perspective d’un mode d’être quotidien.

Quelque soit l’endroit où tu vis, tout est politique et rien ne s’y arrête.

Même en faisant comme si cela n’existait pas, tu es de fait, dedans. Savoir que cela existe, et savoir comment tu gères et tu mesures ton rapport avec le politique, c’est encore une fois, une émancipation. Ce n’est pas quelque chose de l’ordre de la libération mais c’est être conscient des structures dans lesquelles tu es pris. C’est savoir que tu peux les tordre de l’intérieur.

Réinterroger le politique à partir du commun, c’est une des façons de pallier à cette illusion de la libération.

Extrait d’entretien avec Armel Le Coz enregistré le 25 janvier 2015.

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Politiques du commoning

Extrait d’entretien avec Bruno Carballa enregistré le 04 avril 2016.

Politiques du commoning est un terme que je soumets pour cette interview. Je traduirais d’abord le terme anglais commoning par l’idée de « faire du commun ».

Je pense que la prochaine étape pour les communs, pour les chercheurs de manière très interdisciplinaires (économistes, juristes, etc) mais aussi pour les activistes, sera de penser aux politiques du commoning. Il s’agira d’interroger le rôle de l’État dans la protection et le développement des communs.

Mon opinion est que l’État est un allier indispensable pour les communs. Par exemple, dans ma proposition sur les données, sans un État capable de prendre en charge les nouvelles règles sur la propriété intellectuelle, en collaborant avec les communs, il sera impossible d’avancer.
L’État a un rôle majeur à jouer avec les communs. Ce n’est pas parce que les communs impliquent une communauté engagée qu’ils ne passent pas par l’État.

L’État ne doit pas juste laisser la place aux communs, mais faire des communs un allier.

Il faut repenser là où l’État intervient dans l’économie, à la fois en laissant la place aux citoyens, mais aussi en les appuyant en terme de ressources, d’infrastructures et en faisant des politiques publiques adaptées.

Un champ de recherche intéressant, dans tous les domaines, serait de penser les nouvelles compétences dont l’État aurait besoin.

Plus précisément, et d’un point de vue pratique, si l’on veut voir demain les communs prendre un rôle hégémonique au sein d’un processus historique, il faut que l’État construise une bureaucratie consciente de la question des communs et capable de la distinguer des questions de politiques publiques.

Un des grand défi politique et académique réside donc dans notre capacité à penser comment un État peut se donner les moyens de développer les communs en repensant son rôle. D’un point de vue d’économiste, cela impliquerait que ces politiques publiques du commoning échapperaient à la politique de la concurrence.

Penser des politiques publiques du commoning ouvrirait un nouveau cap, au-delà de la politique de la concurrence perçue comme unique manière de produire des biens avec efficience et au bénéfice du consommateur.

En tout cas, tout ce qui relève des communs pourrait facilement être anti-concurrentiel. Si l’on veut voir l’État actif pour les communs, il faut véritablement révolutionner la conception que l’on a de la politique de la concurrence et lui faire une place à côté de cette politique publique du commoning, sans que celles-ci ne rentrent en conflit.

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Pouvoir

Extrait d’entretien avec Bruno Carballa enregistré le 04 avril 2016.

La question centrale de ma thèse est celle du pouvoir. Si ma recherche concerne plus précisément le champ de l’économie, de la concurrence et du pouvoir de marché, je pense qu’elle interroge la question du pouvoir en général.
Le pouvoir de marché est le pouvoir qu’une entreprise a sur une autre entreprise, en fixant des conditions, des prix, ou des quantités à produire, et en influençant d’une façon ou d’une autre son comportement.

Les communs sont une forme de lutte contre le pouvoir de marché.

On voit que les plateformes qui ont accès à une ressource comme les données en grande quantité ont un pouvoir de marché important, justement, du fait qu’elles sont les seules à détenir cette grande quantité de données.

Mon approche par les communs a pour objectif de détruire ou de diminuer fortement le marché ou plus précisément les entreprises privatistes qui fonctionnement sur une logique de pure concurrence.

Les communs en général amènent la potentialité de repenser la notion de pouvoir.

Évidemment, les communs n’éliminent pas le pouvoir comme forme de gestion de société, mais peuvent permettre de le redistribuer dans les communautés.

Les communs permettent d’envisager un pouvoir plus décentralisé, engagé et conscient.

C’est pour cela que les communs intéressent également beaucoup les politologues.

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Pouvoir d’agir

Extrait d’entretien avec Charlotte Rizzo enregistré le 29 novembre 2014.

Extrait d’entretien avec Guillaume Coti enregistré le 25 mai 2016.

Cette expression entend traduire un seul mot, empowerment, est une traduction un peu bancale et difficile à comprendre par rapport à la clarté du terme anglo-saxon.
Ce terme me semble très intéressant dans la mesure où il décrit à la fois un processus et un état.
D’une part, ce processus d’acquisition et de renforcement de capacité et d’autre part, l’état dans lequel nous allons être en mesure de l’exercer.
Ce terme permet d’exprimer assez bien ce cheminement du personnel à l’interpersonnel jusqu’à l’organisationnel politique.
Et vraiment, cela débute par ce besoin d’avoir confiance en soi et en sa propre légitimité, de se sentir capable. Et nous avons besoin de cela pour pouvoir agir sur ce qui important pour nous, modifier et transformer des choses.
Cela se fait à la fois personnellement dans son parcours mais aussi dans l’interaction avec les autres, et dans l’interpersonnel.
Si j’ai peu confiance en moi, mais que je m’implique dans un collectif qui obtient une victoire, alors je me renforce personnellement en me disant que j’ai participé à cette victoire-là. Et peut-être que c’est moi qui emmènerai un collectif à un autre moment. Il a toujours ces allers-retours entre individu et société, individu et collectif, et ces deux chemins d’émancipation sont pour moi complètement liés.

Le pouvoir d’agir, pourquoi ? Pour arriver progressivement à une société plus juste, dans laquelle les intérêts des uns et des autres sont représentés pour la construction d’un bien commun.

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Précariat

Extrait d’entretien avec Cyprien Tasset enregistré le 12 juillet 2018.

Par le mot précariat, j’adresse plus largement toute la famille lexicale comprenant les termes précaire, précariat, précarité, etc.

Je suis en train de préparer sous ce titre un numéro de la revue belge Émulations avec comme complices Adrien Mazière-Vaysse sociologue des mouvements sociaux de précaires et Giulia Mensitieri, sociologue du travail dans la mode.
Ces auteurs, par leurs travaux, couvrent le spectre des luttes sociales de précaires des milieux de travail populaires jusqu’à l’absence ou quasi-absence de luttes, avec des rapports au travail passionnés qui sont du coup très peu propices à une organisation collective dans un secteur créatif.

La façon dont nous travaillons cette idée de précariat est liée à un volet de mon travail, bien qu’Adrien Mazière-Vaysse et Giulia Mensitieri aient aussi fait ce genre de démarches à leur façon et par leur propre voie dans leurs travaux.

Il s’agit de s’interroger sur ce que signifient les notions précaire, précariat, précarité, leurs origines et leurs transformations.

Pour ma part, j’ai particulièrement travaillé sur la genèse de cette famille lexicale en France. Cela m’a conduit à lire de nombreux documents syndicaux, journalistiques, politiques ainsi que des expertises publiques et de sociologie datant des années 70 et du début des années 80.

C’est à cette période, dans les années 70 et au début des années 80, que l’on commence à utiliser les mots précaire, précariat, précarité pour dire la question sociale.

Il m’a semblé, en reprenant des travaux de Jean Claude Barbier ou de Patrick Cingolani que ces mots étaient investis par différents modes de problématisation, qui s’étaient mis en place dès ce moment là.
Il s‘agissait donc de prendre ces mots comme un analyseur de l’éclatement des horizons de pensées critiques au moment où la société salariale entre en crise.

  • Une première matrice critique est plutôt assise sur le droit du travail, plutôt proche du syndicalisme.
  • Une seconde insiste sur l’émergence de nouvelles formes de pauvreté, aux limites de la détection des mécanismes de protection sociale.
  • Dans une aire plus radicale, on voit également émerger une matrice critique influencée par les opéraïstes et par le mouvement autonome italien des années 70, qui réfléchit à la précarité et aux précaires comme un nouveau sujet social porteur de la révolte contre le capitalisme. Cette nouvelle classe est elle-même porteuse d’un potentiel de dépassement à travers ses formes de mobilité et de coopération.
  • Enfin, une quatrième matrice critique est tournée vers la désertion que vers la lutte. Le mot précarité et l’adjectif précaires sont interchangeables avec ceux de marginaux ou marginalisme, qui désignent des modes de vie qui essayent de se mettre en retrait de la pleine intégration dans le salariat et la société industrielle. C’est un type de critique qui s’articule davantage à l’écologie, vers laquelle je dérive moi-même dans mon travail actuel.

Sur les mots de la précarité, ce qui est intéressant est la manière dont ils sont en train d’être retravaillés au cours de ces dernières années. Il est intéressant de se déplacer par rapport à des références françaises qui sont utilisées à l’étranger.

Les usages étrangers qui sont faits des notions de précaire, précariat, précarité introduisent des glissements, des nouveautés, des variations.

Une idée, que nous avons dans le cadre de la préparation du numéro de la revue Émulations avec Adrien Mazière-Vaysse et Giulia Mensitieri est qu’au fond, une façon de caractériser le sens de ce glissement serait de dire que la notion de précarité pose de plus en plus la question de la subsistance et des différentes façons d’inventer des subsistances.

Un point de fuite de la précarité en sociologie et en anthropologie se dessine dans des ethnographies de subsistances expérimentales dans un monde en bouleversement.
Le livre d’ Anna Lowenhaupt Tsing Le champignon de la fin du monde. Sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme
incarne bien cette direction .

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Pro-

Extrait d’entretien avec Maxime Favard enregistré le 01 novembre 2018.

La racine gréco-latine du préfixe pro- se définit comme avant, devant. pro- indique une antériorité, qu’elle soit de l’ordre du temporel comme du spatial. Mais encore pro- se comprend comme l’idée qu’une chose (ou une personne) est favorable à une autre. On retrouve un peu cette idée avec la poïesis qui, on l’a vu tout à l’heure, fait passer du non-être à l’être, pro- est ce qui fait naître.

Par le pro-jet, le designer pratique une mise en action qui fait naître le mouvement dans l’industrie, une industrie qui elle-même fait naître des objets. Mais de la dynamique des pro-jections du designer aux pro-ductions de l’industrie, c’est aussi à une pro-fusion d’objets que le monde se confronte.

On assiste aujourd’hui à une exploitation déraisonnée des ressources naturelles, à des destructions d’écosystèmes et des pollutions à l’échelle cosmique, constituées de débris spatiaux qui gravitent autour de la Terre.

Pour Andrea Branzi, il y aurait une diversité 4 fois supérieure d’objets que d’organismes vivants dans le monde et cela ne cesse de croître en s’accélérant.

Je voudrais poser une problématique aux designers. Comment peut-on pratiquer cette mise en action qui fait naître sans que ce mouvement ne cause davantage de déséquilibres ?

Pour s’aventurer dans cette voie, il faut être à la fois un peu fou et habile. Je parlerais donc (pour ce qui est de la troisième notion) d’une capacité des designers à associer ces deux caractères (de folie et d’habileté) en la notion de manières.

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Processus

Extrait d’entretien avec Jennifer Bonn enregistré le 18 novembre 2013.

Le commun est associé à l’idée de quelque chose de non figé, d’un non objet, et de l’idée que le faire est plus important que le qui fait.

Ce détachement de la personne en faveur de la communauté permet de sortir d’une vision figée de ce qu’est la vie, que constituent nos activités.

C’est un mouvement, ce n’est pas fixe. Les choses sont en train de changer. C’est ce que l’on fait qui compte, plus que nos propres personnes ou l’image que l’on peut développer autour de nos identités personnelles.

Il y a un transfert d’attention sur ce qui est fait plutôt que sur les personnes qui font.

Extrait d’entretien avec Léa Eynaud enregistré le 14 novembre 2014.

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Processus démocratique

Extrait d’entretien avec Benjamin Coriat enregistré le 17 juin 2015.

Dans le bien privé, en principe, le détenteur du droit de propriété est autocrate. Mais celui ne peut pour autant s’abstraire des responsabilités liées aux servitudes qui peuvent entourer son bien.

Par exemple, je peux être propriétaire d’un poids de 5kg, et pour autant, je n’ai pas le droit de le jeter par la fenêtre parce que je vais tuer quelqu’un.

C’est très important, parce que cela signifie que toute la pensée sur la propriété privée exclusive est très largement mythologique. Même sur la propriété exclusive, il y a toutes sortes de restrictions, parce que l’on vit en collectivité, et que fort heureusement, les citoyens ont des droits.

J’ai intitulé mon livre Le retour des communs. La crise de l’idéologie propriétaire. parce que je soutiens l’argument que nous vivons dans une époque où précisément, nous nous rendons compte que nous avons fabriqué autour de l’idéologie de la propriété exclusive des tonnes de mythes.

C’est cette mythologie de la propriété privé qui garantit sa propre efficacité.
En fait, le roi est nu.

Ce qu’apportent les communs, c’est de mettre fin à la dictature.

Bien qu’elle soit encadrée par des textes, la gestion des biens, publics ou privés, donne lieu à toute sorte de débordements. Ce que peuvent permettre les communs, précisément parce qu’il y a des commoners, c’est-à-dire des collectifs d’acteurs qui gèrent les biens communs, ce sont des processus de décisions dans lesquels, à chaque étape et à chaque moment, il est possible de tenir compte de l’intérêt des uns et des autres, et surtout, de garantir la qualité de la ressource et sa préservation, voire même, quand il s’agit de communs informationnels, son enrichissement.

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Professionnalisme

Extrait d’entretien avec Vincent Calame enregistré le 5 septembre 2013.

Un des enjeux de la communauté du logiciel libre est de monter que le libre n’est pas une solution au rabais. Dans le cas du logiciel libre, on en a fait la preuve en ce qui concerne tout ce qui est serveur. 50 % des serveurs du monde tourne avec Apache, qui est du logiciel libre. Tout ce qui concerne les réseaux également.

Mais en ce qui concerne les logiciels et applications grand public, on doit faire face à des idées reçues. La gratuité est presque suspecte.

Alors que les biens communs ne sont pas un pis aller. Le libre est un moyen de concevoir des outils de niveau professionnel voire supérieur à ce qu’une structure classique pourrait obtenir.

Il y a donc un enjeu à démontrer que le libre est aussi un mode d’agir efficace.

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Programme

Extrait d’entretien avec Anthony Masure enregistré le 7 juin 2015.

Au commencement de ma thèse, je souhaitais travailler sur les interfaces de lecture et d’écriture, et sur la façon dont celles-ci orientent des manières de lire ou d’écrire le texte, avec pourquoi pas des permutations de position entre l’auteur et le lecteur. Mais j’ai été assez vite bloqué dans ce thème parce qu’il y avait finalement trop d’informations à traiter.

En étudiant iBooks , mon attention s’est alors portée sur la façon dont les interfaces orientent la façon de lire.

Par extension et étant donné mes enseignements en tant que professeur, je suis arrivé assez vite à étudier en quoi les logiciels de création graphique et les programmes façonnent, orientent, conditionnent, ou encore ouvrent – dans le meilleur des cas – la façon dont les designers travaillent.

Tous les designers travaillent avec des logiciels de création. Pourtant, bien peu connaissent leur histoire et leurs implications ergonomiques externes.

J’ai alors découvert Lev Manovich et tout le champ des Software Studies, qui ouvraient de perspectives de recherche stimulantes.

J’ai donc associé ces enjeux de recherche en cultures numériques avec des lectures en philosophie et des auteurs comme Jacques Derrida, Hannah Arendt, ou même avec de la poésie en mobilisant par exemple Yves Bonnefoy, ou encore avec des auteurs en sciences humaines et sociales. Il s’agissait d’aller chercher et d’articuler des textes  – parfois beaucoup plus anciens, comme Walter Benjamin, ou encore contemporains, comme Bernard Stiegler – pour les mettre en rapport et comprendre des choses qui auraient été mal formulées dans le vocabulaire de la création des logiciels et des programmes numériques.

Le mot programme est assez intéressant parce que, historiquement, il n’est pas directement lié aux programmes informatiques. D’ailleurs, dans le titre de ma thèse, je parle de design des programmes. Cette méthode permettait finalement d’articuler la notion de programmes numériques – que tout le monde croit connaître – avec la notion de programme, et par derrière la notion de projet, qui est centrale. Assez vite, lorsque l’on parle de design, on parle de culture du projet. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Le pro-gramme signifie avant la lettre. Le mot programme change de sens à la révolution française pour être, non plus un écrit qui annonce un événement, mais quelque chose qui s’anticipe et qui devient une prévision par rapport à une action.

On pense au programme politique, par exemple : le candidat s’engage sur un certain nombre de tâches, qu’il va respecter ou non.

Dans le design, cette question se pose immédiatement dans les logiciels, au sens où il s’agit – dans beaucoup de cas – d’anticiper le résultat final. Le logiciel est compris comme un assistant docile qui va permettre d’améliorer la productivité.

C’est par cette approche que beaucoup de logiciels sont vendus, via les campagnes marketing.

Est-ce que le design a intrinsèquement, uniquement ou principalement, à voir avec la notion de projet ?

Dans ma thèse, j’appréhende cette problématique en mobilisant Platon pour étudier à nouveau frais cette notion de projet. Finalement, lorsque l’on travaille avec un logiciel, s’agit de projection ou d’autre chose ?

J’emploie également le terme d’appareil. Ne s’agit-il pas d’un travail commun, au sens où l’on ne serait pas dans une situation de maîtrise totale devant un ordinateur ?

Beaucoup de gens parlent des ordinateurs comme des outils. Je m’oppose à cette notion d’outil pour qualifier les logiciels.

Ce n’est pas un marteau. Un programme ne prolonge pas la main.

Lorsque l’on utilise un logiciel, quelque chose se passe qui n’est pas totalement maîtrisable. Cette absence de maîtrise est à la fois un problème et une chance.

Il s’agit bien d’un travail à deux, où quelque chose se passe entre entre l’homme et la machine, qui produit une symbiose imprévue.
Cette dimension d’imprévu dans l’utilisation des logiciels ouvre la création numérique a bien autre chose que de l’outillage. Une signification nouvelle surgit de cette interface homme-machine

Finalement le design des programmes serait non plus un design du pro-, de ce qui vient avant, de la prévision, mais quelque chose qui aurait pour but de faire advenir des productions imprévues, un caractère d’imprévisibilité, une marge d’indétermination (Gilbert Simondon).

Gilbert Simondon avait analysé cela dans les machines outils dans les années 50-60, et parle aussi de machines ouvertes. C’est très étonnant car ses textes ne datent absolument pas de l’époque du numérique.

C’est ce type de démarches qu’il faut soutenir et financer. Comment ? Cette question inquiète beaucoup de personnes. Moi, cela ne m’inquiète pas car le libre a des économies plurielles, qui sont d’ailleurs intéressantes à étudier.

Les démarches inventives et la création de logiciels à priori expérimentaux et ouverts, qui ne rentrent pas dans des modèles économiques conventionnels, ne sont pas pour autant condamnées. Et le but du design n’est pas de gagner de l’argent.

Je me bats contre une conception du design qui aurait pour finalité la rentabilité et le profit. Cela me paraît une vision très pauvre et limitée du design.

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Propriété

Extrait d’entretien avec Armel Le Coz enregistré le 25 janvier 2015.

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Protocole

Extrait d’entretien avec Claire Dehove enregistré le 17 janvier 2019.

Sur la question de la traçabilité, par exemple de l’Ambassade des Communs.
Qui est à l’origine de quoi ? Il est très difficile de le définir

Le fait de créer des institutions ou des contre-institutions fictives comme des Ambassades permet aussi de se caler sur une sorte d’administration et une dimension protocolaire.

L’Ambassade à ses tampons, ses formulaires et à sa charte. À chaque fois, la charte est une manière de fixer une gouvernance commune approuvée par tous ceux qui vont contribuer au projet. Pour rentrer au sein de l’Ambassade, il y a une première charte qui a été élaborée avec les commanditaires.

Par ailleurs, à l’issue de la phase de délégation, nous avons pensé qu’il fallait établir une seconde charte : une charte de délégation. Celle-ci notifie, par exemple, qu’à chaque soirée doit être mis en place le bureau de l’Ambassade, avec son classeur de fiches d’engagement, etc.

Ces chartes contiennent toute une série de décisions communes, que l’on estime ne pas devoir se diluer et se perdre, faute de quoi le projet pourrait se déliter.

Non pas que nous ayons peur du délitement ou du chaos, mais il nous semble important que dans une communauté, un certain nombre de règles communes soient fixées, à minima, et que l’on s’y tienne.

Les chartes et la Constitution des anarchives sont des protocoles important à déterminer.

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Protoforme

Extrait d’entretien avec Gwenaëlle Bertrand enregistré le 01 novembre 2018.

J’emprunte le terme protoformes à Alessandro Mendini, qui en 1974 prend un peu de recul sur son travail éditorial au sein du magazine d’architecture Casabella en tentant d’expliquer pourquoi, depuis plusieurs années, il conçoit des artefacts qui ne sont pas destinés à leurs fonctions pratiques d’usage. Il explique, par exemple, pourquoi la chaise qu’il conçoit ne sert pas à s’asseoir, mais à représenter les usages, les rituels, les rapports possibles avec cette chaise, et ce que cela implique en terme de transformation de nos modes de vie.

Plus qu’une forme, Alessandro Mendini conçoit une protoforme.

J’ai gardé à l’esprit cette idée que le designer pouvait s’extraire de la réponse à une commande, et s’extraire de la forme pour produire des protoformes. Il s’agit de s’interroger sur la manière dont le designer peut concevoir des formes d’appropriation critiques des territoires. Ces formes tendent à faire émerger une pensée davantage qu’elles ne répondent à une commande par l’utilité première des usages.

De nombreux architectes et designers s’attachent à développer une autre appréhension du monde par les moyens des protoformes : Urban Re-Identification Grid présentée par les architectes britaniques Alison Smithson (1928-1993) et Peter Smithson (1923-2003), Agronica et l’urbanisation faible d’Andrea Branzi dans le cadre du centre de recherche de la Domus Academy, ou encore les travaux d’Anthony Dunne et Fiona Raby.

J’ai conscience aussi que les communs que ces designers mettent à l’épreuve se font à travers leur propre singularité, leur propre modes de représentation. Mais je pense qu’il existe un croisement entre ces territoires fictifs et une anthologie de l’action qui participe des communs

Finalement, je me demande, et c’est ce sur quoi je travaille en ce moment, si l’on a nécessairement besoin de co-créer pour faire commun.

Je pense aussi à Gilbert Simondon , qui parlait dunités transductives. Gilbert Simondon expliquait que l’humain est en capacité de se déphaser par rapport à lui-même, de se déborder, se dérober de lui-même pour se constituer.

C’est le rapport à l’altérité qui fait l’identité, c’est-à-dire que nous sommes parce que les autres se sont également constitués. La conception m’amène à penser que la singularité est porteuse de ces communs.

Dans l’histoire de l’architecture et du design, depuis quelques années, les protoformes concernent moins ce qui est constitutif d’un espace, qu’il soit extérieur ou intérieur, que ce qui est de l’ordre de la prothèse, et de ce qui peut relever du corps.

Réfléchir au(x) commun(s), c’est certainement aussi penser une conception infra-politique du corps et de l’être. C’est-à-dire se demander comment notre propre expérience intrinsèque peut devenir un objet de réflexion collective.

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Provisoire

Extrait d’entretien avec Gwenaëlle Bertrand enregistré le 01 novembre 2018.

La première notion que j’aimerais discuter est celle de provisoire. Il ne s’agit pas seulement de provisoire comme caractère palliatif, mais bien de ce provisoire qui requiert une habileté à prévoir, à pourvoir, à l’intérieur même d’une situation d’urgence.

Certains exemples majeurs de désobéissance civile relèvent, selon moi, de ces actes provisoires.

Je pense notamment l’ouvrage d’Ernesto Oroza, Rikimbili. Une étude sur la désobéissance technologique et quelques formes de réinvention, qui met à jour les productions cubaines au regard des difficultés sociales, économiques et politiques rencontrées par le pays. Cuba est passé de l’influence des États-Unis à celle de l’URSS du point de vue de la culture vivrière. L’auteur Ernesto Oroza, par ailleurs artiste et designer, raconte qu’en premier lieu les cubains ont tenté de faire perdurer les objets américains. Mais finalement, une fois que les pièces mécaniques techniques, technologiques furent épuisées, un fait nouveau est apparu dans cette activité vitale de réparation : l’hybridation des pièces américaines récentes avec des produits
soviétiques.

Ernesto Oroza témoigne de la singularité de cette industrie cubaine. Pour réparer convenablement leurs produits, les cubains ont dû créer leurs propres machines, uniques, particulières, adaptables et d’ailleurs souvent familiales.

Faute de moyens mais aussi d’accessibilité à un certain marché, des citoyens ont appris à contrer l’obsolescence programmée.

Ce qui n’était alors qu’un moyen provisoire de résistance est devenu, avec le temps, une méthode de gouvernance. C’est cette dimension qui m’intéresse dans la notion de provisoire.

De la nécessité d’agir peut naître une forme d’émancipation des individus à l’échelle d’une société, où chacun reste en capacité d’exister avec l’autre et de déterminer, peut-être, de nouveaux communs.

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Puissance publique

Extrait d’entretien avec Valérie Peugeot enregistré le 09 juillet 2013.

Il y a un travail à mener sur les rapports aux pouvoirs publics, parce qu’il y a un certain nombre de biens communs pour lesquels on sait que, les communautés auto-organisées seules, ne peuvent suffire à les défendre.

Je pense à l’eau, par exemple. On peut considérer que c’est un bien commun global. C’est une ressource rare à l’échelle de la planète. La communauté humaine a besoin de prendre en main cette ressource et de la protéger. Mais si l’on ne s’appuie pas sur des instruments qui s’appellent les services publics, on n’y arrivera pas.

Extrait d’entretien avec Anne-Sophie Olmos enregistré le 25 juillet 2017.

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Qualité

Extrait d’entretien avec Raphaël Bastide enregistré le 27 octobre 2014.

Je me suis rendu compte que le libre questionnait systématiquement cette question de qualité. Il n’y a pour moi pas qu’une seule qualité.

Je me rends surtout compte de cela dans un contexte typographique. C’est à dire qu’en utilisant, produisant et analysant ce qu’est la typographie libre, je me suis rendu compte que, de la même manière qu’il n’y avait pas qu’un seul profil de designer, il n’y avait pas qu’une seule notion de qualité. La notion même de licence permet d’après moi de contribuer à la qualité d’une fonte quelque soit sa qualité graphique.

Je suis intéressé par la redéfinition de la qualité, ou à l’ajout d’une ou plusieurs strates à la notion de qualité.

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Recherche

Extrait d’entretien avec Raphaël Bastide enregistré le 27 octobre 2014.

Étant donné que l’on peut transmettre des idées ou des envies, je pense que l’on peut considérer la motivation comme un commun.

Dans le contexte leurs parcours, les étudiants en Art, en Design, sont très ouverts à de nouvelles choses. Je pense qu’il faut profiter de ces moments là, et c’est pour cela que je m’intéresse vraiment à la formation et à l’enseignement. Il faut savoir se saisir de ces moments pour offrir un maximum d’alternatives, au sens très large, et de richesses théorique et technologique. Bien sûr, le logiciel libre est un moyen d’offrir cette richesse là. Mais il est aussi du rôle des professeurs de se remettre perpétuellement en question et de ne plus venir en tant qu’auteur accompli, mais plutôt en tant qu’ancien étudiant. Il serait intéressant de voir si le professeur en tant que maître – au sens maîtrisant une technique – a toujours sa place dans une école d’Art. Je pense que c’est surtout des profils de co-chercheurs, de gens qui apprennent davantage à chercher qu’à trouver, dont l’école a besoin. Il faut apprendre aux étudiants à se situer dans la transversalité plutôt que d’approfondir un sujet avec un mentor. Je pense qu’il est important d’offrir cette richesse, que je considère comme un « commun », au sens où je l’ai compris.

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Réciprocité

Extrait d’entretien avec Laura Aufrère enregistré le 2 juin 2018.

La réciprocité, à travers une lecture par les communs et par l’économie solidaire, est un des termes qui exprime le mieux le fait de reconnaître l’autre dans sa dignité et de reconnaître chez l’autre la partie humaine que l’on partage.

L’idée de réciprocité va plus loin que l’idée d’échange. Car au fond, il s’agit de dépasser l’idée d’un échange, qui est quelque chose de formel, pour le penser dans la construction d’une égalité et d’une dignité réciproque.

Au fond, je crois que l’on cherche cela au quotidien, mais que l’on a une tendance à le gommer au travers des grilles de lecture qui sont extrêmement utilitaristes.

On cherche toujours une raison à l’échange, et qui dépasse l’échange lui-même.
Parfois, on a juste besoin d’échanger. Et au fond, la réciprocité, pour moi, c’est ce mécanisme là : on échange, et on est ensemble, parce que l’on ne peut pas faire autrement.

Il y a une dimension profondément collective dans la dimension individuelle, et la
réciprocité exprime cela. On ne serait pas capable d’échanger sous un mode de réciprocité si l’on n’était pas porteur, dans notre identité, d’une identité collective qui se reconfigure à travers ces mécanismes de solidarité.

Et je crois que le commun est porteur de cela.

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Règle

Extrait d’entretien avec Benjamin Coriat enregistré le 17 juin 2015.

Ce qui caractérise les communs tangibles est que la ressource est épuisable. C’est pourquoi les règles, le faisceau de droits et les processus de décision qui les entourent doivent viser, pour l’essentiel, la préservation de la ressource. Les règles seront des règles de prélèvements afin que l’on s’assure de ne pas détruire la ressource. Si jamais l’on s’aperçoit que les règles de prélèvement conduisent à un épuisement de la ressource, alors ces règles seront modifiées.

En revanche, les communs intangibles sont basés sur l’information, c’est-à-dire sur des biens non rivaux que l’on peut exploiter autant que l’on veut. C’est pourquoi les règles qui encadrent ces communs seront tournées vers l’enrichissement de la base. Pour ne pas gâcher la qualité du commun, en mettant en son sein des informations fausses qui rendraient suspect le bénéfice du commun, il faut qu’il y ait des gardiens garantissant la confiance et la fiabilité vis-à-vis des usagers.

En synthèse, l’enjeu des communs tangibles réside dans les règles de prélèvement, alors que que l’enjeu des communs informationnels repose sur les règles d’addition qui garantiront la ressource et son enrichissement à terme.

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Réinvention

On évolue vite, on est tout le temps en train de se réadapter, de se chercher. C’est une dynamique de recherche-action intéressante, que l’on a réussi à préserver malgré la croissance.

Il faut continuer à préserver cette dynamique de réinvention tant que l’on continue à exister.

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Réplicabilité

Extrait d’entretien avec Jennifer Bonn enregistré le 18 novembre 2013.

Extrait d’entretien avec Charlotte Rizzo enregistré le 29 novembre 2014.

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Républicain

Extrait d’entretien avec Olivier Jaspart enregistré le 28 mars 2019.

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Réseau

Extrait d’entretien avec Jennifer Bonn enregistré le 18 novembre 2013.

La puissance politique aujourd’hui n’est pas une force rassemblée mais une connexion entre différents réseaux très éclatés qui se déploient à l’échelle internationale.

Le tissage de ce réseau fait la force des minorités, qui restent des minorités mais qui y trouvent une puissance de par ces liens. On observe une sorte d’éclatement du pouvoir, rendu possible par les réseaux, c’est-à-dire par le biais d’internet et par ses échos très concrets au sein des organisations sociales.

Extrait d’entretien avec Émeline Brulé enregistré le 10 décembre 2013.

Internet est selon moi notre premier commun. C’est un espace où tout est faisable en très peu de temps. Nos potentiels sont effectivement augmentés, en terme de rencontre, d’accès à l’information. Internet permet de maintenir divers foyers.

Pour ma part, j’ai un usage des réseaux sociaux élaboré pour lier les gens issus des différentes villes où j’ai habité et faire en sorte que, même si je n’ai pas eu le temps de prendre des nouvelles ou d’en donner, tout le monde ait accès la publication d’une trame narrative principale.

Internet et les réseaux posent la problématique de la narration des communs et d’une vision du monde qui soit commune.

En écho au sujet de l’Utopie, se pose là cette question de la construction des mythes communs. Construire une vision du monde qui soit commune est très difficile parce que, si l’on fait un manifeste ou une loi, on se range à l’avis de la majorité. Ce n’est pas l’avis du peuple mais l’avis de la majorité, et ce n’est pas pareil. Comment fait-on le lien entre les deux ?
Comment construit-on un projet en commun ? Comment construit-on une société ? Ces questions se posent à toutes les échelles, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen à tout autre manifeste. Bien que ces textes ne fassent pas l’unanimité, ils sont posés, gravés dans la pierre, et on ne peut plus y échapper.
Mais cependant, peut-on toujours tout faire par compromis ? Qu’a-t-on le droit d’imposer ? Comment construit-on une société qui soit la plus en adéquation possible avec le maximum de personnes ? Que veut-on pour notre société ?

Si je prends l’exemple de La Manif pour tous, je m’interroge. Si cela est représentatif de notre société, alors je n’ai pas particulièrement envie d’en faire partie.
Comment dialogue-t-on ? Si les deux camps se braquent et ne se parlent plus, cela ne marche pas non plus. Se pose alors la question de la place publique, la question du débat.

Dans Filter Bubble, Eli Pariser décrit un internet personnalisé, qui ne nous permettrait plus la confrontation avec d’autres points de vue que le notre de par un fonctionnement en silo. Il décrit un web au travers duquel on saurait toujours exactement sur quel site on navigue, sans risque de tomber, par sérendipité, sur des contenus qui ne seraient pas de notre bord.
Si je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce qui est dit dans ce livre, je trouve cependant son questionnement intéressant. Un autre exemple éloquent de ce web de la recommandation est le cas des États-Unis, où 75 % des gens accèdent aux sites d’information par le biais de Facebook. De la même manière, je crois qu’il existe des sites de rencontre avec un système sélectif par parti politique, et qui empêcherait les mélanges. Cela me fait un peu peur. Si l’on veut pouvoir construire une société en se confrontant à d’autres points de vue, par la discussion et en faisant des compromis, il est important de rester vigilants sur ces questions.

Extrait d’entretien avec Maïa Dereva enregistré le 6 décembre 2017.

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Résilience

Extrait d’entretien avec Lionel Maurel enregistré le 25 juillet 2013.

La crise économique, étant donné le niveau qu’elle a pu atteindre dans certains pays, a poussé les gens à des phénomènes de résilience.

On a observé une telle perte de confiance dans le système tel qu’il est construit, que beaucoup ont émis l’hypothèse qu’il faudra peut-être un jour se raccrocher à un système différent. On a déjà vu, historiquement, des grands effondrements d’empire où la monnaie à jouer un rôle important. Quand on perd confiance dans la monnaie d’un système, en général, celui-ci s’effondre très rapidement.

Le fait de voir de plus en plus de gens s’intéresser aux monnaies numériques, aux monnaies locales, ou au revenu de base, création monétaire au profit des individus, traduit l’ampleur de la crise économique.

Ce qui pousse également ce mouvement en avant, c’est la perte de contrôle des États. Ceci est beaucoup lié aussi au numérique quelque part. Les États ont de plus en plus de mal à exercer leurs compétences souveraines. Des formes décentralisées en peer-to-peer permettent de réaliser des choses sur lesquels les États n’ont plus de contrôle. Bitcoin est l’exemple même de quelque chose qui a émergé sans que les États n’aient pu le réguler au départ. Maintenant, les États essaient de reprendre le contrôle, mais à la base, ils n’ont pu empêcher que cela se lance.

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Réversibilité

Extrait d’entretien avec Sophie Ricard enregistré le 24 juin 2017.

La question de la réversibilité de l’ architecture est une notion très forte. Elle vient, je pense, après la question du rapport à l’autre et de la confiance, d’où naît l’hospitalité.

Part la question de la réversibilité de l’architecture, il s’agit d’interroger comment nous parvenons à dépasser notre confort.
Il s’agit de prendre conscience du confort dont nous héritons, et de se réapproprier l’idée que nous sommes tous capables de construire nos villes.

Nous nous sommes desappropriés ce champ, et c’est dramatique.

Nous faisons tous espace public. Nous faisons tous nos villes.
La ville n’existe que parce que nous la vivons, parce que nous nous l’approprions, nous la possèdons, nous la construisons. La ville est vécue.

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Richesse

Extrait d’entretien avec Mathieu Coste enregistré le 21 octobre 2014.

Les communs trouvent des conditions de développement les meilleures possibles dans un monde d’abondance.

Dans un monde de rareté, l’intérêt individuel et la peur de chacun de ne pas avoir une partie de la ressource empêche la pensée même du bien commun.

Il s’agit de réinterroger les critères de richesse de la société dans laquelle on vit.

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Risque climatique

Extrait d’entretien avec Gauthier Roussilhe enregistré le 9 septembre 2018.

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Ruralité

Extrait d’entretien avec Gauthier Roussilhe enregistré le 9 septembre 2018.

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Savoirs situés

Extrait d’entretien avec Cyria Emelianoff enregistré le 17 mars 2018.

Je tiens à l’écologie située, aux savoirs situés.

Nos savoirs, qui se vendent dans un monde très compétitif (la Recherche est un monde très compétitif) perdent le lien avec des contextes écologiques, géographiques, historiques.

De par nos terrains, nos expériences de recherche, on a souvent vu que les politiques échouent parce qu’elles ne se créent pas sur des savoirs situés (placed-based knowledge) qui permettent de diagnostiquer les choses autrement.

Par exemple, en terme de justice environnementale, il y a eu beaucoup de déni par rapport aux dégâts des pollutions sur les êtres humains, sur leur santé.

Lorsque l’on associe des populations au diagnostic de leur propre situation, peuvent effectivement émerger des situations de justice environnementale, mais aussi des luttes et des combats pour faire reconnaître des phénomènes invisibilisés pas les méthodes scientifiques classiques, puisque les statistiques lissent, noient et ils font disparaître un certain nombre de problèmes.

Le savoir situé est un savoir qui est adapté à un lieu, un environnement, une époque et qui s’articule avec d’autres savoirs en présence dans le même lieu. Cette forme de savoir peut être à même de repenser le mode d’habiter la terre à de multiples échelles.

Une rupture épistémologique d’une grande ampleur pourrait advenir si l’on sortait de cette injonction à l’universalité d’un savoir qui doit s’exprimer en langue anglo saxonne, qui doit se confronter et être compétitif par rapport à d’autres productions de revues.

Dans le cadre de ce séminaire d’écologie pirate, nous abordons ces savoirs situés avec un cas très concret, localisé et circonscrit à la Ferme de la Mhotte.
Ici, lorsque nous allons faire des enquêtes, nous déterrons des savoirs pour les faire émerger. Ils sont là mais personne les voit, sauf les gens qui, localement, savent qu’il existe certains combats, certaines pratiques.

Les savoirs situés constituent une masse manquante dans dans la connaissance. Pourtant, ceux-ci sont très précieux car ils nous montrent qu’il est possible d’accéder à une connaissance de la nature et des autres par une diversité d’autres canaux.

La recherche pourrait se pluraliser, au-delà de la transdisciplinarité. J’ai parlé d’extra-disciplinarité. Il s’agit de sortir pour effectivement aller collecter, cueillir, reconnaître ces savoirs.

À la Ferme de la Mhotte par exemple, nous avons interviewé un éleveur qui a développé tout un savoir sur l’immunité de ses vaches et sur le principe de cohabitation avec le parasite. Depuis, cet éleveur a rejoint le laboratoire d’écologie pirate, vient à toutes les réunions et prend part aux actions, y compris à nos arbitrages sur le site internet

Passé du statut d’enquêté au statut de membre du collectif, cet éleveur a trouvé dans le laboratoire pirate un espace de reconnaissance. Nous avons reconnu l’importance et la justesse de son témoignage.

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Sensible

Extrait d’entretien avec Pauline Cescau enregistré le 22 juillet 2018.

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Sérendipité

Extrait d’entretien avec Marine Seemuller enregistré le 5 décembre 2014.

Comment un lieu peut-il accueillir les activités les plus animées et les plus ouvertes sur l’espace public ?

D’un point de vue architectural, il s’agit de créer du lien, de la rencontre là où on ne l’attend pas, de la sérendipité.

Comment les espaces publics, de part leur localisation, leur taille et leur programmation, sont-ils à même d’accueillir les différents usagers ? Comment, quand j’aménage un parc, j’accueille aussi bien les étudiants du campus que les enfants qui sortent de l’école et qui vont jouer avant de rentrer faire leurs devoirs ? Ce sont ces rencontres-là qui sont à prévoir, tout en ayant en tête que l’on ne peut pas tout mixer non plus. Il faut équilibrer cette mixité.

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Service écosystémique

Extrait d’entretien avec Alexandre Guttmann enregistré le 12 avril 2018.

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Service public

Extrait d’entretien avec Olivier Jaspart enregistré le 28 mars 2019.

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Similitude

Extrait d’entretien avec Nathan Stern enregistré le 15 octobre 2013.

J’ai l’impression que l’on ne peut pas envisager la notion de biens communs sans se douter que l’on a des choses en commun. Si nous sommes en capacité de partager un bien, c’est parce que nous avons des similitudes les uns avec les autres. Nous sommes surtout sensibles à nos différences, à notre individualité, notre singularité, et à ce qui fait que chacun de nous est irréductible. Irréductiblement seul, isolé ou différent des autres.

Je pense que si il y a combat pour la reconnaissance des biens communs, il y a combat pour la reconnaissance de notre similitude.

Il faut se rappeler que nous sommes semblables à plein d’égards. Nous avons en commun des besoins, des attentes et des aspirations.

Si un bien commun est possible, c’est parce que nous sommes, pour l’essentiel, très semblables les uns aux autres.
Et cette similitude est quelque chose que l’on dénie beaucoup.

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Singularité

Extrait d’entretien avec Camille Louis enregistré le 18 novembre 2013.

Il s’agit d’interroger les notions commun/singularité et individu/société.

Commun/singularité implique l’idée d’une construction organique ou dynamique des existences singulières. C’est parce qu’il y a existences singulières que se construisent rencontre et création de communs.

Alors que les notions individu/société sont des concepts nés d’une construction qui est, selon moi, datée. À un moment, on a parlé de société avec à l’intérieur des individus pensés comme des atomes. Et à partir de là, on a pensé les relations sociales comme des relations de points à points. Alors que le rapport d’une singularité à un commun, c’est la phrase et son exemplification, pour reprendre Giorgio Agamben.

Une phrase peut être la même phrase pour tous. Mais à chaque appropriation de cette phrase par un individu, celle-ci devient l’exemplification d’une phrase commune. Cette phrase fait alors apparaitre le commun, parce que je la comprend, et en même temps une singularité, parce que celle-ci est dite avec une certaine voix et un certain corps. C’est toujours la relation entre les deux qui fait que et singulier et commun existent. C’est un rapport dynamique.

Alors que dans les notions société/individu renvoie à la société civile et au contrat social, qui sont des idées, des illusions et des mythes.
De la même manière, nous avons créé un mythe qui s’appelle l’état de nature, une fiction que l’on prendrait pour notre réalité, et qui consisterait à dire que l’homme est d’abord seul. L’homme est seul et l’homme est un loup pour l’homme. Isolé, selon son grand plaisir narcissique, et de fait dans une relation conflictuel à l’autre. Pourquoi ? C’est une invention comme une autre.
De même, Platon invente le mythe de la caverne, proposant un monde des illusions avant d’atteindre la vérité.
Ces constructions philosophiques nous font croire en une certaine configuration du réel. Ces configurations sont multiples et non véridiques.

C’est pourquoi, il est extrêmement important pour moi de revenir à cet équilibre et cette vision dynamique qu’impliquent les notions de singulier et de commun.

Cette interrelation et cette nécessité permanente du singulier et du commun permettent de sortir de tout ce qui relève de constructions. Individu, Société, État. Des choses que l’on prend pour le réel, et qui sont à déconstruire.

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Solidarité

Extrait d’entretien avec Laura Aufrère enregistré le 2 juin 2018.

Alain Supiot, dans ses cours au Collège de France, a mobilisé toute une communauté de chercheurs, et il y a une présentation de l’histoire du mot de solidarité.

L’histoire du mot de solidarité, c’est la solidité. C’est ce qui fait que l’on tient ensemble.

Alors que l’on a un peu l’impression, ces derniers temps, que la solidarité se décrète, parce qu’il y a une revendication, je crois maintenant que l’on a tous ensemble un travail à faire pour exprimer la solidarité, au-delà de la façon dont nous on exige de nous qu’on l’a décrète.

Cette manière de décréter la solidarité passe souvent par la question du système. Êtes-vous dans le système marchand, le système public, le système de l’économie sociale et solidaire ?
Pour ne pas se faire de nouveau écrabouiller par ces boîtes à outils que l’on voudrait nous donner et nous imposer, la meilleure réponse est de faire valoir l’infinitude des mécanismes de solidarité, qui se base sur le travail commun, sur les logiques de réciprocité, et qui font que l’on tient ensemble.

Notre solidité humaine est dans la solidarité. Et cela rejoint la question du processus de paix, de savoir vivre ensemble.

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Souveraineté

Extrait d’entretien avec Frank Adebiaye enregistré le 19 septembre 2013.

Ce travail est inspiré de La ligne droite de Georges Moustaki, qui est une chanson absolument admirable. J’ai utilisé une typo libre. Je trouvais que la forme était amusante. Cela faisait longtemps que je voulais faire cette affiche. J’ai mis tout de même 5 heures pour la faire car il fallait vraiment réaliser un travail sur chaque lettre pour que cela puisse coller. Mais j’étais assez content du résultat. Je voulais faire mon hommage à Moustaki.
Il est vrai que la musique est réellement une inspiration importante. Ces créations là, je les fais en musique. Cela m’accompagne tout le temps. Cela donne un rythme, cela donne quelque chose.
Il y a quelque chose de mystique dans la musique. Ce n’est pas quelque chose que je maîtrise. C’est juste comme cela, quelque chose qui nous environne. C’est un peu comme la mer. Je n’ai pas le pied marin et il est vrai que j’ai plutôt tendance maintenant à me pencher sur des ouvrages où la mer est en jeu.

Quand on plonge dans l’eau, on est entouré d’un corps qui nous dépasse. C’est en quelque sorte une plongée dans l’inconnu. Et effectivement, travailler avec des choses qui ne nous appartiennent pas entièrement, c’est un peu cela aussi le problème des biens communs. Cela nous échappe un peu.

Il y a quelque temps, dans un débat sur le mariage pour tous, il était dit que « faire des enfants, c’était quelque part ne pas savoir ce que l’on faisait ». Et je trouvais cela assez intéressant parce qu’il y a en effet une sorte de plongée dans l’inconnu. Faire quelque chose qui est infiniment commun à la nature humaine et puis qui va nous échapper un peu quelque part. Avoir un enfant n’est pas créer une copie conforme. Ce n’est pas juste une gloire de propriétaire, une nouvelle extension de moi-même. Ce n’est pas cela. C’est faire quelque chose qui nous dépasse.

Participer à un projet commun, c’est participer à quelque chose qui nous dépasse.

On a du mal à lâcher, à accepter de perdre le contrôle, en particulier quand on est en situation de puissance. C’est pour cela que c’est aussi un enjeu politique important. Tous ceux qui ont des choses à perdre sont d’autant moins enclins à partager et à mettre au pot commun. Parce que cela veut dire que d’autres personnes pourront en profiter. Il y a un problème de souveraineté. Est-ce que les biens communs sont compatibles avec la souveraineté ?

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Spontanéité

Extrait d’entretien avec Pauline Cescau enregistré le 22 juillet 2018.

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Stigmergie

Extrait d’entretien avec Maïa Dereva enregistré le 6 décembre 2017.

Les communs sont avant tout un univers constructif, où l’on fait des choses ensemble.

En tout cas, c’est la manière dont je les ai pratiqués jusqu’à aujourd’hui, dans le pair à pair et la stigmergie.

La stigmergie est une forme d’auto-organisation qui permet aux personnes de laisser aller leurs élans contributifs.

Il s’agit moins de passer des heures à discuter de ce qu’il faudrait faire ou pas, de ce qui est bien ou pas.

Il s’agit de faire confiance en l’individu, en ses élans, et de les accueillir dans un cadre suffisamment souple pour que chacun s’y sente bien.

À Lille, dans le cadre des Assemblées des communs, c’est vraiment cette stigmergie qui, dans la pratique, m’a le plus plu. Bien sûr, il y a eu des aménagements. L’auto-organisation totale manque de chaleur et d’accueil. J’ai eu à cœur aussi de proposer un dispositif de rencontre du groupe, avant de lancer les ateliers. Mais c’était un ajustement. L’état d’esprit est là.

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Statactivisme

Extrait d’entretien avec Cyprien Tasset enregistré le 12 juillet 2018.

Le travail sur la notion de statactivisme a été à la fois une parenthèse dans ma thèse sur le travail intellectuel précaire, et un projet de collaboration assez excitant.

En partant des travaux d’Alain Desrosières sur la sociologie de la quantification, un groupe de chercheurs autour d’Emmanuel Didier et aussi d’artistes comme Julien Prévieux s’est mis à réfléchir à ce que pouvait apporter la quantification, et les différentes façons de quantifier, à du militantisme qui vise de l’émancipation.

C’était aussi un moment où il y avait un essor des réflexions contre le nombre et la quantification, perçue exclusivement sous son versant aliénant, lié à la dépossession, à la destruction du rapport au monde, et à la sérialisation, confinant l’individu dans l’isolement et dans des relations de concurrence avec les autres.

En partant d’un certain nombre d’expériences militantes, artistiques et scientifiques, l’idée de Statactivisme était de traduire la multitude des façons de quantifier. À un style de quantification, on peut en opposer d’autres. Il s’agissait de dire qu’il ne faut pas réifier le nombre comme une chose unique, porteuse de potentialités politiques uniques.

Recourir aux nombres, inventer des usages des nombres peut être un mode d’action militant original, efficace et de grande portée.
Le nombre et la quantification ne sont pas juste un mode de destruction du commun.
Cela peut être, aussi, un mode de production et d’institution de commun, en opposition à un ensemble de logiques sociales destructrices.

Par Statactivisme, il s’agissait d’ouvrir la critique romantique traditionnelle de la quantification, en insistant sur le potentiel créatif des usages du nombre : ce que font certaines pratiques de la quantification, d’autres peuvent le défaire, ou au moins le fragiliser.

On défait le couple nombre / mathématique / froideur / aliénation d’un côté, et de l’autre créativité / authenticité / rapports humains chaleureux, et mettant la créativité et la contestation aussi du côté des usages du nombre, et pas seulement de leur refus.

L’idée du livre Statactivisme était de partir d’un certain nombre de pratiques, d’essayer de formuler ce qu’elles avaient en commun, d’une façon qui en inspire d’autres.

Le statactivisme n’est pas vraiment une invention. C’est une façon de nommer quelque chose qui existe déjà, qui se poursuit, et que l’on peut essayer de renforcer en le nommant.

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Technicien

Extrait d’entretien avec Olivier Jaspart enregistré le 28 mars 2019.

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Temporalité

Extrait d’entretien avec Violaine Hacker enregistré le 20 octobre 2014.

Les théories néo-institutionnalistes, et notamment au travers le travail d’Elinor Ostrom, ont analysé la gouvernance des communs avec une perspective temporelle. On retrouve cette vision dans la théorie institutionnaliste, et principalement chez Maurice Hauriou, en droit et en philosophie.

Les ressources, que ce soit les savoirs ou l’environnement, ne seront pas analyser à un point T, mais dans une vision dynamique, prenant en compte le passé et les réflexions sur les manières de penser l’avenir. Concrètement, ce point de vue amène à penser les communs d’une autre façon, en parlant notamment de la création et de transmission.

Comment peut-on créer de nouveaux communs avec une vision temporelle ? Comment va-t-on transmettre des biens communs ? Quel va être le rôle des différents acteurs dans l’avenir ? C’est une autre perspective des communs, selon une vision beaucoup plus dynamique.

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Temps

Extrait d’entretien avec Frank Adebiaye enregistré le 19 septembre 2013.

Il y a pour moi un bien commun tout à fait essentiel et dont on parle trop peu, à mon sens, c’est le temps. C’est à la fois un bien commun et un mal commun puisque c’est notre condition humaine. Nous sommes des créatures mortelles, enchâssées dans un temps. Un temps indéfini, mais bien limité.

On aura beau faire beaucoup de projets, il est avant tout nécessaire d’inscrire ces projets dans un temps commun, dans un agenda. Ce qu’il faut faire, on le met dans un agenda, et cet agenda s’inscrit dans un temps.
Il faut prendre le temps de faire les choses, de les mettre au programme au sens informatique du terme, c’est-à-dire de poser les choses et de les inscrire dans un horizon temporel commun, et ne pas les repousser. C’est la condition pour faire exister un espace commun, pour être ensemble. Si on est ensemble, alors on peut commencer à faire des choses ensemble. Des choses qui vont concerner beaucoup de monde, et peut-être même tout le monde. De mon point de vue, il ne peut y avoir de biens communs s’il n’y a pas de temps commun.
Ce temps commun, c’est par exemple le temps de fonder une famille. C’est un temps.
En finance, le temps est une notion très importante. Je parlais tout à l’heure de capitalisation, qui consiste à prendre la valeur d’un bien et de la projeter dans le temps. La notion inverse, c’est l’actualisation. C’est-à-dire prendre la valeur futur d’un bien et la ramener aujourd’hui.
Beaucoup de nos contemporains ont tendance à actualiser, c’est-à-dire à beaucoup ramener les choses au jour d’aujourd’hui, à l’instant même, et à ne pas capitaliser, c’est-à-dire construire des choses pour demain.

Le court-termisme, les choses faites à la hâte, les projets décousus, les intentions inachevées, incarnent un mal de notre temps qui fait pièce à toute volonté de biens communs.

Après moi, le déluge. C’est ce qu’il se passe. Par exemple en politique, parce que les hommes politiques sont dans un temps électoral, les municipales, les rapports financiers semestriels voir trimestriels. C’est ce temps là. Nous sommes enchâssés dans cette nasse. Et tant que l’on ne fixe pas les choses dans le temps, tant que l’on ne prend pas date, on ne peut pas dire que l’on va faire des choses communes.

Rendre les choses communes signifie prendre du temps pour les autres.

Si l’on ne prend pas de temps pour les autres, il n’y a pas de bien commun.

Prendre conscience du bien commun, c’est aussi prendre conscience de nos limites. C’est prendre conscience que l’on ne peut pas démultiplier les initiatives et les propriétés privées.
Ce morcellement de nos existences a des impacts énormes. Il faut savoir prendre conscience que l’on ne peut accorder une telle importance à la volonté d’accaparement de chacun. Certaines choses doivent être mises en commun.

Si il y a une crise du logement, c’est parce que les gens ne vivent plus ensemble. Au lieu d’avoir un F2 il faut deux F1, etc…

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Tiers-lieux

Extrait d’entretien avec Aurélien Marty enregistré le 16 février 2015.

Extrait d’entretien avec Laura Aufrère enregistré le 2 juin 2018.

Ce qui m’a semblé très riche lors de la table ronde tient au fait que les interventions avaient une approche très organisationnelle et processuelle des tiers-lieux.
Il s’agissait de ne pas prendre l’organisation que sont les tiers-lieux comme un objet figé, mais bien comme un agencement social de partage des savoirs, des savoir-faire, des pratiques et des espaces.
Il s’agissait d’interroger comment les tiers-lieux permettent cette articulation entre ces différentes ressources, et le rôle central de la pratique dans un portage politique collectif.
Par ce prisme, les tiers-lieux semblent davantage appréhendés comme un mouvement, plutôt que comme un assemblage de lieux, où une recollection de lieux qui auraient juste des caractéristiques communes.

En fait, j’ai trouvé cela vraiment très intéressant parce qu’au fond, et c’est peut-être là qu’était le lien avec ce que moi j’essaie de travailler, il s’agissait de dire que l’approche par les communs – et c’est ce que disent des chercheurs comme Benjamin Coriat, ou encore Pierre Dardot et Christian Laval, c’est considérer les communs par le remplissage politique advenu ces dernières années.

Le retour des communs est non seulement un mécanisme de défense de la démocratie dans un contexte de crise de l’idéologie propriétaire, mais aussi la revendication d’une forme de faire en tant que tel qui doit être reconnue de façon pleine et entière.

Cette forme de faire est pour moi intéressante dans le sens où ce qu’elle revendique n’est pas seulement la pratique, mais le droit à la pratique et à la contribution.
C’est pour cette raison que l’approche par les droits sociaux, culturels et économiques est intéressante et permet de ne jamais se départir de la dimension fondamentalement démocratique, dont on sent bien que les acteurs sont en train d’essayer de s’emparer, avec toutes les difficultés que cela recouvre.

En effet, ce n’est pas parce que l’on observe une très belle diversité de pratiques, un engouement et un renouveau des pratiques collectives qu’il n’y pas aussi un rapport de force, et de la violence politique et technique qui s’exerce.
Cette violence s’incarne dans l’invisibilisation des modes de faire. C’est une des problématiques que rencontrent les tiers-lieux, mais aussi les lieux intermédiaires indépendants et les artist-run spaces. Il y a une volonté de simplifier ces démarches, dans un espace et notamment dans l’espace urbain, en leur donnant une dénomination et en les rangeant dans une catégorie, une case à la fois d’action publique et d’actions privées, vis-à-vis des bailleurs privés et publics notamment, qui vient gommer la diversité des pratiques.

Or, c’est dans cette diversité des pratiques que l’on retrouve la dimension démocratique.
Jean-Louis Laville dit : “À la diversité démocratique, doit correspondre la diversité économique.”

C’est-à-dire que, plutôt que de trouver une boîte à outils et de l’appliquer avec ce principe de réplicabilité, de scalabilité et de passage à l’échelle, l’enjeu est de reconnaître les savoirs qui sont développés par les praticiens, sans les réduire à un corpus figé, mais de les prendre en compte comme un mouvement démocratique en tant que tel.

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Transition

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Transitoire

Extrait d’entretien avec Pauline Cescau enregistré le 22 juillet 2018.

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Transparence

Extrait d’entretien avec Étienne Hayem enregistré le 6 décembre 2013.

Le second aspect qui me parait important c’est la transparence. Lorsque je découvre un site, une entreprise, mon premier réflexe est d’aller voir les personnes qui constituent la structure pour en comprendre la vision, la mission et l’activité. Je m’intéresse à son organigramme et ses modalités de gouvernance.

Au sein d’une structure, si la transparence n’existe pas, nous ne sommes pas en capacité d’en comprendre le fonctionnement. Le manque de transparence nous empêche l’accès aux pouvoirs de décision et par conséquent aux leviers à faire bouger pour défendre un intérêt.

C’est pourquoi de mon point de vue la transparence est une condition absolue et nécessaire. Et je ne parle pas simplement de transparence au sens d’un greenwashing. Je parle d’une véritable mise en capacité des personnes à comprendre l’ADN d’une structure.

Sur le site internet de cette structure par exemple, nous devons pouvoir voir qui décide, comment on décide, comment sont prises les décisions et qui a pris les dernières décisions.
Cela ne veut pas dire que nous aurons le droit d’interférer car cela dépend de la gouvernance. Mais la transparence donne à minima le cadre : on sait qui fait quoi, décide et comment. C’est une forme de clarté indispensable.

Extrait d’entretien avec Julien Lecaille enregistré le 10 décembre 2017.

La transparence a un rôle important dans la gouvernance des communs.

Nous sommes dans des systèmes qui ne reconnaissent pas forcément des formes de droit bourgeois à la propriété privée.

Les notions de vie privée et de domaine privé sont issues de la tradition libérale et de la capacité du libéralisme à émanciper un certain nombre de personnes en leur donnant des droits, droit de se protéger contre le regard d’autrui, contre l’immixtion d’autrui, dans ce qui est la propriété comme une extension de leur être.

Ce sont objectivement des formes de conquêtes qui sont arrivées dans l’histoire, et qui n’étaient pas évidentes, parce qu’il y avait auparavant le pouvoir du seigneur, du roi et d’un certain nombre d’institutions qui ne respectaient pas les formes de vie privée et de propriété privée.

Si l’on rentre dans le logique de communs, il faut aussi comprendre que l’on renonce, de fait, à un certain nombre d’éléments liés à la propriété privée et à la vie privée dans la mise en commun.

Ce n’est pas évident, et il n’y a pas de vocation à imposer la notion de communs à un ensemble de gens.

La transparence implique quelque chose de l’ordre du renoncement.
C’est un exercice exigeant vis-à-vis de soi et de la dynamique collective.

La question de la transparence repose sur un équilibre complexe, d’autant plus dans un contexte où les données privées ont une très grande valeur commerciale. Une multitude de structures commerciales cherchent l’accès à cette donnée pour orienter des logiques de ventes. Il faut en avoir tout à fait conscience et cela n’est pas simple. Pour autant, ces questions privées ont vraiment de l’importance et de la valeur.

La question que nous devons nous poser est donc de savoir à qui nous donnons cette valeur. À qui permet-on d’accéder à la valeur issue des données produite par des mécanismes de transparence ?

C’est un vrai choix qui oriente le système, la survie des organisations. Quel niveau de générosité devons-nous accorder lorsque nous partageons nos données en toute transparence sur des plateformes dans lesquelles nous avons confiance ?

Chaque partage de nos données est une contribution qui va permettre de faire vivre le système que l’on aura alimenté.

SF : Est-ce que les communs sont en voie de construire ces cadres pour légiférer sur ces questions ?

Sur ces questions, je pense que nous allons avoir besoin d’un soutien massif de l’État et des formes étatiques.

Seuls les législateurs et les groupements comme l’Union Européenne, qui essaient de se mettre d’accord sur les orientations du droit, sont en mesure de créer les instruments juridiques qui vont permettre aux communs et aux individus de faire quelque chose. Il y a un problème de taille et de rapport de force qui fait que, sans intention sans très constituée de la part des gens qui ont un pouvoir coercitif, les communs ne seront jamais assez forts.

En abordant la question des rapports de force et en soulevant ce besoin de protection, nous touchons du doigt les raisons qui justifient les besoins de partenariats avec les institutions publiques.

Si la priorité est donnée à la marchandisation de la donnée, et s’il ne se crée pas des outils de protection et de discrimination en fonction des types de plateformes auxquelles on confie nos données, alors le combat sera trop inégal, et on ne s’en sortira jamais.

Extrait d’entretien avec Pascal Derville enregistré le 17 mars 2015.

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Transversalité

Extrait d’entretien avec Irene Favero enregistré le 10 septembre 2013.

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Travail

Extrait d’entretien avec Laura Aufrère enregistré le 2 juin 2018.

À mon sens, le deuxième mot qui me relie aux communs, c’est la question du travail, au sens d’un travail du monde.

Si l’on considère qu’il y a une dimension collective à l’intérieur de chacun des individus, alors le travail ne peut plus être, par rapport au monde, cette espèce de violence de devoir soit absorbé le monde, soit de devoir l’exprimer à travers une seule bouche.

Le travail est une façon collective d’appréhender le monde, de le modifier mais aussi de l’accepter, c’est-à-dire de l’accueillir et de le recevoir, en se prémunissant ou en essayant de faire en sorte qu’il y ait moins de violence et que cela soit tenable.

Il s’agit de construire collectivement un rapport tenable au monde. Et si le travail n’est pas cela, alors je pense que ce ceci devient un travail inhumain.

Le travail devient quelque chose d’inhumain à partir du moment où, notre rapport au monde et à la modification du monde deviennent exclusivement des rapports de domination et de violence.

L’approche écologiste est intéressante sur ce sujet, que l’on retrouve également dans les travaux d’Elinor Ostrom.
Il s’agit de ne plus considérer que l’homme agit dans son environnement pour le mettre à son service, mais comme une dynamique de vie.
Ce n’est pas directement mon sujet de travail, mais le fait de pouvoir considérer l’humain et le non humain dans un dans un tout relationnel, qui doit pouvoir se parler, c’’est cela, le fond du travail.

Sur ce sujet, je renvoie aux travaux de Jean-Marie Schaeffer, et notamment à son livre La fin de l’exception humaine (1), qui parle de l’art comme une forme humaine d’expression du monde, qui doit pouvoir s’articuler avec les autres.

Le travail ne peut plus être une façon de façonner le monde, et de le fasciner, d’une certaine façon, comme quelque chose de subjuguant et qui finalement empêcherait d’agir.

Extrait d’entretien avec Ophélie Deyrolle enregistré le 21 juillet 2018.

Interroger la notion de travail est d’abord lié mon histoire personnelle et aux réponses que je cherche à trouver au travers de la Grande Halle et les tiers-lieux.

La notion de travail est centrale dans les tiers-lieux. Beaucoup de tiers-lieux sont avant tout des coworkings ou des communautés d’affaires de gens qui viennent d’abord pour travailler et rencontrer d’autres individus.

Mon rapport au travail est très intense, c’est une part très importante de ma vie et j’y consacre beaucoup de temps parce que j’adore ce que je fais.
En même temps, j’ai aussi subi, comme un certain nombre, la façon dont le travail est parfois organisé au sein des entreprises et des associations, c’est-à-dire de façon très descendante, sans communication ni reconnaissance, et des situations où l’on te demande de faire des choses qui servent à rien. J’ai constaté les inégalités de salaires injustifiables, la subjectivité avec laquelle sont conçus les contrats de travail.

Aussi, j’ai eu envie de travailler autrement. Quand j’ai découvert le monde des tiers-lieux, les façons travailler autrement, la plus grande liberté que les indépendants peuvent avoir malgré les risques de précarité, cela m’a beaucoup attiré.

Le tiers-lieu a un enjeu à accueillir les gens qui cherchent à travailler autrement, contraints ou pas, et à interroger la flexibilité, souvent recherchée, de ses modes de travail de sorte que la flexibilité ne soit pas associée à un phénomène de précarisation.

Les individus et les collectifs, en tiers-lieux, constituent des communautés d’affaires qui doivent se soutenir les uns les autres et coopérer, en dépassant la précarité dans laquelle chacun peut se trouver. Il s’agit de permettre de dépasser la précarité financière, mais aussi la précarité sociale et de sociabilité.

J’ai un sentiment encore ambivalent concernant les tiers-lieux sur les problématiques de travail. Il s’agit de trouver le bon équilibre pour ne pas tendre à des pratiques qui déconstruiraient un modèle social, de protection sociale et de protection du travailleur et évoluer tout de même vers des modèles qui permettent plus d’indépendance.
J’ai la sensation que les tiers-lieux se situent sur ce fil, prêt à basculer d’une côté ou de l’autre.

Comme l’explique Yoann Duriaux, il s’agit de toujours s’interroger pour comprendre si ce que tu fais est bon pour toi, et bon pour les autres. Ne suis-je pas en train d’être le bras armé d’une politique ou d’une autre ?

Il me semble nécessaire d’être très vigilant sur ces questions et de sans cesse les discuter. Que recouvre la notion de travail ? Est-elle forcément associée au salariat, à la rémunération ?

Un des axes sur lesquels la Grande Halle se positionne adresse les mutations du travail, et au-delà d’affirmer que nous luttons contre la précarité sociale, nous devrons collégialement réfléchir, approfondir et nous positionner sur l’ensemble de ces interrogations.

Nous pouvons notamment avoir une vraie posture sur la question des auto-entrepreneurs et des micro-entrepreneurs. S’il existe déjà, finalement, un certain nombre de propositions pour soutenir et financer les créateurs de projets et de startups, les petits artisans et les individus qui se positionnent sur des services très ponctuels sont quand à eux toujours très isolés et peu soutenus. À la Grande Halle, nous devons prendre en compte et nous adapter à ces situations en adaptant nos tarifs.

Ces derniers mois, j’ai eu besoin de me renforcer conceptuellement et théoriquement sur ces enjeux, pour justement prendre conscience de ces phénomènes et trouver le bon équilibre. Pour un projet comme celui de la Grande Halle, il est nécessaire mais difficile de concilier les deux démarches, travailler à court terme à la sortie du projet, tout en gardant un niveau de réflexion à long terme sur ces enjeux de société.

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Valeur

Extrait d’entretien avec Irene Favero enregistré le 10 septembre 2013.

Il s’agit de repenser nos indicateurs et de chercher de nouvelles façons d’évaluer.
Que voulons-nous évaluer et au regard de quoi ? Il s’agit de décider en remettant au centre de la problématique ce qui nous tient à cœur. Ce travail de réflexion doit se faire avec un accompagnement par des outils de gouvernance et de participation qui vont permettre aux gens de se poser la question de savoir ce qui compte vraiment.

Le respect de nos droits fondamentaux dépend de notre capacité à repenser nos valeurs, nos indicateurs et nos modalités d’évaluation.

Extrait d’entretien avec Alexandre Monnin enregistré le 21 août 2017.

Je souhaiterais ici parler de valeur, non pas au sens de la valeur morale tel qu’on peut l’entendre habituellement. Pas uniquement non plus au sens de valeur marchande qui se traduit par la valeur d’échange.

Il s’agirait plutôt ici de parler de valeurs, c’est-à-dire de quelque chose qui associe ces deux sens du mot valeur, et qui permette de les penser ensemble.

Cette notion de valeurs peut s’entendre d’une manière que je rattache à une tradition pragmatiste en philosophie et en sociologie qui est « ce à quoi nous tenons et ce qui nous tient ».

C’est-à-dire ce à quoi nous donnons de la valeur, ce que nous valorisons, et en même temps ce qui nous tient, c’est-à-dire ce dont on hérite, auquel on est attaché qu’on le veuille ou non. Nous sommes attachés à nos conditions d’existence, à nos infrastructures, même si elles sont négatives et qu’elles nous entraînent aussi parfois sur une pente dangereuse.

Ce qui m’intéresse est de donner à voir la valeur produite par une institution à tous les niveaux. Et cette valeur est quelque chose d’invisible.
Nous avons des critères pour mesurer les transactions et la valeur d’échange par l’économie, mais nous n’avons pas forcément de critères d’évaluation pour d’autres formes de valeur, qui serait de l’ordre de la valeur d’usage ou relèveraient du symbolique ou d’autres éléments que l’on pourraient imaginer.

Ces formes de valeur – invisibles – restent en arrière-plan, pourtant sans celles-ci l’économie classique telle qu’on la connait aujourd’hui ne fonctionnerait pas.

Cela peut tenir, par exemple, à la contribution des mères qui s’occupent des enfants – quelque chose qui ne serait pas forcément valorisé sur le mode d’un salaire – proposition qui rappelle plutôt des programmes d’extrême droite – mais par des formes de valorisation à inventer. Cette valeur est de fait produite par une activité – essentiellement féminine – et sans laquelle finalement d’autres activités ne pourraient pas se développer.

Il s’agit de comprendre la valeur produite par une institution, une organisation ou un acteur, à tous les niveaux, et d’essayer de lui donner les moyens de la donner à voir.
Cela peut passer par une cartographie ou par un effort de visualisation ou de représentation qui mobilise des moyens artistiques. Je pense que c’est un enjeu extrêmement important.

Il y a un enjeu de desinvisibilisation qui tient à la question de la valeur.

L’idée est d’aller voir des institutions et d’essayer de comprendre la valeur qu’elles produisent, au-delà de ce qui est pris en compte lorsqu’on les évaluent.
Par exemple le soin aux personnes. Nous avons été à Manchester dans un lieu qui accueille des artistes. Dans ce lieu là, il y a un soin particulier apportés aux personnes qui souffrent de maladies mentales. Évidemment, ce n’est pas forcément un élément qui va être pris en compte quand on va évaluer l’impact de ce lieu. Mais c’est tout de même un élément très important puisque c’est un lieu qui s’adresse à des populations d’artistes qui peuvent être particulièrement concernés par ces questions-là.
Cette question du soin, de la valeur qui n’est pas reconnue ou pour laquelle on ne dispose pas de critères pour la mesurer, est à mon avis très importante et rejoint cette question des communs.

S’il l’on peut se doter de ressources, d’infrastructures et s’il l’on peut avoir une économie qui est ce qu’elle est aujourd’hui, c’est aussi en grande partie parce que toutes et tous, nous bénéficions de ce travail caché par de nombreux acteurs, au sein de la famille, dans l’entreprise, dans des tiers-lieux, ailleurs.

Pour avoir une vision précise de ce que sont les communs, il faudrait aussi se donner la capacité d’appréhender finalement ces valeurs qui ne sont pas des valeurs d’échange mais qui dépassent une vision classique de l’économie.

Extrait d’entretien avec Julien Lecaille enregistré le 10 décembre 2017.

J’aime beaucoup le mot valeur, car en fonction des contextes, on se retrouve à parler de valeurs en qualitatif ou alors en quantitatif.

D’une part, on parle de valeur parce que c’est une qualité indépassable pour l’espèce humaine. C’est dans l’absolu une référence morale.
Ou alors, on parle de valeur comme étant une donnée variable. À certains moments, il y en a beaucoup, et à d’autres moments, il n’y en a plus beaucoup. Cette notion de valeur est donc très relative. Elle bouge.

Suivant le contexte, on utilise le terme dans ses deux acceptions différentes. Et cela dit bien tout le problème que l’on a avec cette notion de valeur qui, je pense, va s’amplifier dans le monde un peu incertain dans lequel nous arrivons.

Dans une société traditionnelle, on sait parfaitement ce dont on a besoin. On sait ce qui compte pour les uns et les autres. Par exemple, on sait qu’il y a besoin d’un certain nombre de quantité de bois pour se chauffer, de poissons pour se nourrir. On a des valeurs qui peuvent être fixées de manière très claire et on peut avoir un système très lisible et très facilement transmissible à la génération future.

En revanche, quand on est dans un système en mutation, très violente et déstabilisante, on rencontre un vrai problème en ce qui concerne la valeur et sa définition.
À l’heure actuelle, par exemple, nous ne sommes pas en mesure de déterminer ce qui constituerait un mode de vie durable. On sait que les modes de vie européens et américains ne sont pas durables. On sait qu’il y a de trop. Pour autant, nous sommes incapables de définir au niveau quotidien, pour un certain nombre de familles, quelle est la quantité de viande, d’énergie, de déplacements qui serait acceptable pour faire advenir un mode de vie durable.
Il est très compliqué de comprendre comment intégrer l’ensemble de la planète et les réflexions sur le mode de développement sur toute la planète. Nous sommes sur des équations impossibles à calculer.

Nous ne sommes pas capables de produire un discours qui dirait de quelle manière agir pour que la société soit stable et reproductible.

Nous sommes dans un flou total, et nous nous rendons compte que nous avons produit un certain nombre de biens et de services et tout un système industriel pour répondre au besoin des uns et des autres. Nous avons habitué la société à une consommation d’un certain nombre de choses qui étaient déjà pré-pensées, déjà fournies par le modèle industriel.
Or, nous arrivons à un moment où nous ne savons plus vraiment à quoi servent les choses, et il va falloir apprendre à se servir de choses de manières qui n’ont pas été pensé pour cela au début.
On peut citer l’exemple du logement, où il va falloir repenser qui habite, pourquoi, ce que l’on fait dans les logements, les jardins, comment utiliser les routes, pour faire circuler quoi ? De même pour les ordinateurs, l’informatique, et un ensemble d’autres cas.
Tout ce que l’on sait, c’est que les usages vont beaucoup varier. Et on ne sait pas qui aura besoin de quoi.

La question de la valeur se pense au prisme de multiples transformations de société.
Dans un processus de transition, il faut réévaluer et redéfinir sans cesse la valeur.

Les valeurs d’une décennie ne seront plus les mêmes que lors de la décennie précédente.
Fondamentalement, il faudra recalculer en permanence, dans une phase de transition, jusqu’au moment où nous arriverons à quelque chose de stable et à une forme d’équilibre. Cela concernera des questions économiques, des questions morales et de comportement, de manière extrêmement profonde.

Dans ce contexte, les communs offre un espace de gestion de la valeur.

On ne sait pas forcement à quoi servent les choses, mais on sait qu’il y a une ressource et des gens intéressés par utiliser cette ressource. On sait que ces gens qui vont devoir discuter ensemble dans le périmètre de communs pour fixer des valeurs et des règles d’usage. Les règles d’usage qui vont être fixées auront un impact sur la valeur des choses. Les choses très utiles auront plus de valeur que les choses moins utiles, selon les usages.

Les communs permettent de donner un cadre pour quantifier la valeur, qui n’est pas le cadre du marché, et qui n’est pas non plus le cadre d’une société qui serait capable d’anticiper tout ce qui va se passer.

Pour envisager un tel cadre, il faudra accepter un certain relativisme.

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Valeur d’usage

Extrait d’entretien avec Sophie Ricard enregistré le 24 juin 2017.

La notion de valeur d’usage est celle qui me paraît maintenant importante, et celle sur laquelle on essaie de travailler.

Au travers les notions de valeur d’usage et valeur d’échange, il s’agit de prouver qu’une autre forme d’économie est possible.

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Versioning

Extrait d’entretien avec Raphaël Bastide enregistré le 27 octobre 2014.

D’un point de vue plus artistique, je m’intéresse depuis quelques années aussi à la manière dont on peut versionner les objets dans l’espace, et comment l’objet peut conceptuellement être influencé par des notions légales et surtout de licences. Cela rejoint les problématiques des associations dont je fait parti.

J’essaie de produire et de documenter des installations artistiques dont les licences seront libres, et de versionner dans le temps des états de ces installations.

C’est un chantier que je vais continuer dès que j’en ai l’occasion.

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Vivant

Extrait d’entretien avec Nathalie Blanc enregistré le 17 avril 2018.

Vivre est un mot extrêmement complexe. On ne sait pas encore très bien comment l’on appréhende cette question de la vie. Où commence t-elle ? Où finit-elle ?
La question de la mort est toujours débattue. Quel est le moment où l’on n’est plus vivant, mais mort ?
Dans mon cas, la question de la vie renvoie également à celle de la santé, c’est-à-dire aux interactions des organismes avec ce qui les constitue comme environnement.

On voit bien qu’aujourd’hui, avec les premiers signes annonciateurs d’un effondrement écologique, que l’on a des soucis à se faire sur les questions de la santé, des maladies chroniques, des maladies qui résultent d’une immersion avec des éléments chimiques, et des réactions que l’on ne connaît pas encore.

Il s’agit de prendre son corps comme le signal de quelque chose qui est en train de défaillir ou de poser problème, et qui ne viendrait plus de cette nature mais justement de la production de ces environnements artificiels.

Comment pose-t-on cette question à nouveaux frais, dans l’espace urbain et dans tous les autres types d’espaces ? C’est une question de vigilance vis-à-vis de nos corps, et de nos corps en interaction.

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Web 2.0

Extrait d’entretien avec Anthony Masure enregistré le 7 juin 2015.

Un chapitre de ma thèse s’intitule Ouverture et fermeture du web 2.0.

En apparence, l’expression Web 2.0 est un peu passée de mode. Pourtant, je la rencontre encore souvent. Parfois on croise 3.0, ou web 3.0 voir 2.0, qui devient une espèce de suffixe à tout faire.
Je me disais, à cette période, que l’écriture d’une thèse était aussi une façon de se mettre au clair vis-à-vis d’un certain vocabulaire, et pourquoi pas de régler des comptes.

J’avais envie de régler des comptes avec cette expression de web 2.0.

J’ai été voir l’histoire de cette expression, et j’ai trouvé un texte de Tim O’Reilly intitulé What is web 2.0 ? qui date de 2005

Tim O’Reilly est un consultant et un business angel. Il vend très cher son expertise par des conférences ou du consulting pour des entreprises.

Tim O’Reilly a décrété qu’un jour le web était devenu différent, et qu’il faudrait parler de web 2.0 pour qualifier un ensemble de technologies émergentes.

Ces technologies s’appuyaient notamment sur du javascript ou des fonctions de publication semi-ouvertes ou partageables permises par des codes sources, qui se structurèrent en 2004 dans des librairies et des frameworks, pour faire de nouveaux types de sites web a priori plus dynamiques, et des systèmes d’information collaboratifs et contributifs.

Selon O’Reilly, ces sites permettaient à n’importe quel individu, à une prétendue sagesse des foules, d’ajouter des contenus, de les partager, les relier, et de créer des systèmes d’information a priori ouverts. Il s’agissaient finalement de déporter un travail, fait à la base par des éditeurs, à tout à chacun. Des sites comme Digg sont emblématiques de ce phénomène.

Le concept de Web 2.0 consistait à déporter l’intelligence d’une centralité au bout du réseau. Mais il s’agissait aussi de créer un nouveau modèle d’affaires.

Le titre de l’article de Tim O’Reilly comporte pour sous-titre Design Patterns and Business Models for the Next Generation of Software.

Plus précisément, il s’agissait de créer des nouvelles façons de monétiser un ensemble de tâches réalisées par les internautes, non rémunérées, et profitant à des éditeurs. On qualifie aujourd’hui cette activité de digital labor.

Cette nouvelle économie, soutenue par Tim O’Reilly en 2004, était-elle si novatrice ? Des textes fondateurs des théories du libéralisme, comme ceux d’Adam Smith se basent sur l’étude des singularités égoïstes et la recherche du profit pour des intérêts personnels. Ces textes affirment que par la compétition, les choses s’améliorent et profitent à tous.
Ces théories sont évidemment très contestables. Pour ceux qui en doutent, il suffit de regarder la progression des inégalités, notamment aux États-Unis ou en France

Tim O’Reilly défend, à peu de choses près, des théories libéralistes qui datent de plus d’un siècle avant lui. Ces théories n’ont pas grand chose de nouveau, et j’espère que l’on parlera un peu moins du Web 2.0 par la suite.

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