Anne-Sophie Novel

Entretien avec Anne-Sophie Novel enregistré le 5 septembre 2013 à Paris.

Anne-Sophie Novel, 32 ans, est journaliste indépendante et blogueuse spécialisée sur les questions liées au développement durable, à innovation sociale et à l’économie collaborative.

Biens communs.

Je ne suis pas une spécialiste du sujet, mais je rencontre le thème des biens communs de manière récurrente au travers les réflexions relatives à l’écologie, l’écologie politique ou aux questions d’économie collaborative. On touche aux communs lorsque l’on parle de peer-to-peer, d’open source ou encore de libre. J’ai pu échanger avec différents acteurs qui travaillent sur ces sujets.
Je peux formuler une définition personnelle, très écologiste par ailleurs.

Selon moi le bien commun est un bien que l’on doit préserver pour que les générations futures puissent en bénéficier.

Dans le champ de la connaissance, il est évident, avec internet, que les questions liées à la gestion et la gouvernance des données sont amenées à s’accroître.

Interroger la notion de commun, c’est interroger de manière plus globale les écosystèmes, leur fonctionnement et la façon dont on va partager de la connaissance, de l’intelligence et préserver ce qui importe à l’humanité dans son ensemble.

Environnement

La question environnementale est quelque chose que l’on a trop souvent négligé et les rapports entre l’Homme et la Nature sont vraiment biaisés.

Il me semble nécessaire de revoir notre rapport à la nature pour parvenir demain à relever les défis qui nous font face.

Collaboratif

Le web, depuis les années 90, nous montre bien sa force, la façon dont il nous rallie et dont il peut donner vie à des phénomènes massifs et viraux. Le cas de Fukushima constitue un exemple éloquent : les communautés ont organisé des relevés de données de la radioactivité sur le territoire, de manière à ce que les gens puissent savoir dans quel périmètre ils allaient évoluer. Rôle de ces communautés a été majeur. On dit souvent que les données de l’État ne sont pas suffisantes et ne nous permettent pas d’avancer autant que nous le voulons.

Mais les processus collaboratifs ont fait leurs preuves et aujourd’hui, nous voyons de plus en plus de projets se mettre en œuvre de la sorte. Je pense à Protei, à Open Source Ecology. Et c’est là qu’il y a pour moi un mariage très important entre la force du libre et la force du durable.

Connaissance

Un des enjeux de la construction des communs réside selon moi dans la circulation de l’information et dans la façon dont la fluidité de cette circulation permet aujourd’hui de partager auprès d’un plus grand nombre et d’accélérer le changement.

Dans le contexte de métamorphose et de changement systémique dans lequel nous nous situons aujourd’hui, la circulation de la connaissance est un élément crucial.

Modèle économique

Aujourd’hui, nous voyons bien que l’économie collaborative pose un certain nombres de questions et nous invite à réinventer tous les modèles, à en laisser tomber certains.

Le libre, l’open source et les biens communs sont la formulation de solutions qui se présentent à nous et qui nous invitent à tout revoir et tout réinventer. Cela pose fondamentalement la question des modèles économiques mais aussi des formes du politique et de la démocratie.

Michel Bauwens, notamment, porte cette pensée qui mérite qu’on s’y attarde aujourd’hui.

Génération

Ce qui me semble intéressant, c’est la façon dont on peut s’inspirer des civilisations anciennes, et notamment de la façon dont elles se sont effondrées, en sciant la branche sur laquelle elles étaient assises, et justement ces biens communs.

Je me demande si aujourd’hui les jeunes générations n’ont pas grandies avec dans la tête cette prise de conscience que nous avons une planète à préserver. Ces générations n’ont plus besoin d’en parler, elles n’attendent plus qu’une seule chose, c’est d’agir.

Les manifestations comme Villes en biens communs constituent l’un des marqueurs de ce phénomène encore émergent. La majorité de la population ne se pose pas encore ces questions. Il y a surement un effet générationnel à l’image des défis qui nous font face et qu’il nous faut surmonter.

Théorie(s) des communs.

À propos des Manifestes.

L’objet manifeste est nécessaire. Il est utile pour donner vie à quelque chose. Mais à titre personnel, dans les sphères qui sont les miennes, j’ai vu beaucoup de manifestes et j’éprouve aujourd’hui un sentiment de lassitude.

On fait aussi beaucoup d’événements où l’on parle et l’on s’exprime, et je ressens de plus en plus le besoin de passer à l’action. Je ne sais pas si cela tient de ma position de journaliste, d’observatrice et de conteuse de ce monde qui change, ou si c’est le fait de constater qu’il y a aujourd’hui des conférences, auxquelles j’assiste, qui auraient pu avoir lieu il y a six ou sept ans, voire dix ans, et que malgré cela la situation n’a finalement pas vraiment changé.

Que cela soit l’économie collaborative ou l’économie contributive, on a déjà toutes les solutions à portée de main. On n’a plus vraiment besoin d’innover. L’innovation est déjà là. Mais il manque la volonté politique.

Bien que le temps soit toujours plus long, ce changement est nécessaire.

C’est la volonté politique qui ferait vraiment la différence et permettrait de passer un effet de seuil. Puis, dans un second temps, viendrait cette organisation en commun des énergies citoyennes. 

Un manifeste peut réunir, massifier, donner vie. Mais si l’on en fait trop, cela ne sert plus à rien.

J’observe, dans les communauté au sein desquelles j’évolue aujourd’hui, ce désir de se mettre en commun, de confronter les expériences. On voit d’un coté des économistes atterrés, des conspirateurs positifs, des colibris. Autant de communautés très riches et diverses qui ont envie d’agir ensemble pour aller plus loin.

Mais il est difficile de collaborer.

On parle beaucoup de collaboratif aujourd’hui mais il est vraiment difficile, en pratique, de dépasser les réflexes égotiques. Il est difficile de lâcher prise avec son organisation, son identité, et de se mettre en retrait pour se concentrer et défendre ce fameux bien commun.

Je pense que l’on a encore beaucoup à apprendre en terme d’humanité.

De l’écriture à l’action.

Processus d’écriture.

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