Matthieu Cannavo

Entretien avec Matthieu Cannavo, graphiste et créateur de caractères typographiques, enregistré à Paris le 7 septembre 2015.

Matthieu Cannavo. Portrait

Je m’appelle Matthieu Cannavo, j’ai 26 ans et je suis graphiste et dessinateur de police de caractères. J’ai été formé en majorité à Estienne, malgré un passage au Beaux-Arts. J’ai commencé mon parcours avec un Diplôme des Métier d’Arts en Illustration, puis j’ai voulu apprendre à produire un livre de A à Z, ce qui impliquait d’apprendre à dessiner l’alphabet. Après un passage aux Beaux-Arts de Paris-Cergy, je suis revenu à Estienne pour apprendre le métier de typographe et plus particulièrement de dessinateur de caractères(en DSAA Design Typographique donc). J’ai voulu apprendre ce métier suite à une anecdote : lors du titrage d’un livre, je n’ai pas pu trouver la police adéquate. Je me suis donc mis en tête de la dessiner sous Illustrator ; après tout ça ne doit pas être si compliqué. En réalité, c’est très compliqué ! Je suis donc revenu à Estienne pour apprendre auprès de professeurs comme Franck Jalleau.
Pour revenir au sujet du libre. C’est une notion que j’ai découverte aussi à Estienne, à travers un professeur nommé Arnaud Martin et qui est aussi l’un des créateurs de SPIP (CMS). Cette personne était très sensible au monde du libre et militante. Il nous a parlé de Richard Stalmann, de Ubuntu, de Linux, qui étaient des choses que je ne connaissais pas, n’étant pas un vrais geek. (Je suppose que tous les geeks connaissent tout ça par cœur !) Et d’ailleurs la première typographie libre que j’ai rencontrée était le Libertine, conçue, il me semble, pour Linux. Il y avait aussi le Biolinium. Je me souviens avoir été amusé de ces caractères car on sentait que de nombreuses personnes étaient « passées » dessus. C’est-à-dire que j’ai pu noter des incohérences de dessin liées à l’aspect collaboratif du projet.
Arnaud Martin m’a donc fait découvrir le libre et après mon diplôme, Frank Adebiaye est venu me parler en me demandant de publier le Mixo (l’un des caractères dessinés lors de mon diplôme) chez VTF. Frank Adebiaye est une personnalité dans le milieu typographique, c’est un autodidacte curieux et très fin, avec qui il est agréable de discuter. Il m’a parlé de sa fonderie libre Velvetyne, que je connaissais déjà car elle est atypique dans le paysage des fonderies françaises. Je me suis ainsi posé la question de la publication du Mixo, qui était une police aboutie, réalisée pendant mes études et Velvetyne, et l’option du libre, était pour moi une façon intéressante de la diffuser. Je pouvais ainsi diffuser ce caractère de manière rapide et sans pression commerciales d’aucunes sortes. J’avais finalement moins peur de diffuser le Mixo sur cette plateforme.

Métier de créateur de caractères typographiques

Pour moi c’est avant tout du dessin (on pourrait l’envisager aujourd’hui sous forme de copier/coller !). Ma pratique quotidienne est une recherche de formes « inédites » ou des systèmes de formes « originales ». Imaginons par exemple dessiner d’abord un italique dont serait dérivé un romain (la convention voudrait l’inverse). Ces questionnements m’intéressent car ils peuvent amener une production de formes originales, souvent nées de contraintes fixées au préalable. Je me questionne énormément sur la nature des styles typographiques : qu’est-ce qu’un gras ? Qu’est-ce qu’un italique ? Et comment les produire de façon nouvelle.
En tant que graphiste, je peux aussi être amené à repérer un « manque » typographique et vouloir le combler ou travailler à partir de ce constat. De quoi ai-je besoin ? Parfois il s’agit de choses très précises comme l’exécution d’un lettrage mais ça peut aussi s’appliquer à l’édition. Le typographe à la chance de pouvoir produire lui-même ses outils, puisque la typographie est un outil « premier » du graphisme (avec la photo pourrait-on dire, dans une conception « moderne » du design graphique, formule des années 50). On ne peut pas se passer de typographie !
Je travaille énormément à partir des défauts des polices existantes aussi. Impossible de m’empêcher de repérer ce qui me déplait dans une police existante, ce qui constitue pour moi une erreur de choix de design ou une maladresse de dessin. Ces erreurs nourrissent mon travail, elles peuvent me donner des idées.
Je dessine le noir des lettres mais aussi le blanc, c’est-à-dire l’espace entre les lettres, nommées les chasses. Je dessine toujours dans cet ordre (on pourrait imaginer l’inverse !).
Au final, le métier de dessinateur de caractère est assez ingrat, puisque la majorité des gens ne perçoivent tout le travail que nous effectuons au quotidien ; c’est parfois désespérant !

Modèle économique

Citation

Usage

Reconnaissance

Consommation de masse

Réalité

Biens communs

Mixo

Le Mixo a été dessiné pour une série de livre de fantasy (Le Cycle d’Ambre de Roger Zelazny) des années 70 à succès. Publiée de nombreuses fois, les couvertures anglaises, françaises et américaines de ces livres créaient un univers typographique dont je me suis inspiré pour produire le Mixo. Il s’agit donc d’un mélange éclectique typographique, vernaculaire par bien des aspects, qui devait servir au titrage de mon édition de ces livres. Il a aussi servi à écrire une texte inédit (courant sur les quatrièmes de couvertures des différents opus) en petit corps, donc illisible, pour les fans de la série les plus courageux.

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