Des manifestes

À propos des manifestes.

Adrienne Alix

Adrienne Alix : « Je pense qu’il est important d’avoir des textes auxquels se référer pour construire une culture commune et un cadre où chacun puisse s’exprimer à partir du même référentiel. Par exemple les libertés du logiciel libre décrites dans les conférences de Richard Stallman constituent pour moi un corpus de références qui permet de fixer des idées.
Cependant, je pense personnellement que le temps des manifestes est fini. Faire des manifestes pour affirmer des positions, c’est bien. Faire des choses, c’est mieux.
Mais il est important d’en avoir fait et le corpus doctrinal existe dorénavant. Mais à trop en faire on risque de tomber dans de la politique à l’ancienne, et dans des déclarations d’intentions qui ne sont pas suivies des faits, où les gens ont l’impression de s’engager parce qu’ils ont signé une pétition. Il est également important de se positionner vis-à-vis de certaines questions. Il y a des choses que je signe et des choses que je ne signe pas. Mais l’engagement écrit ne suffit pas. »

Il est important d’agir, au-delà des manifestes.

Émeline Brulé

Je suis une grande admiratrice des utopies et j’aime beaucoup les lire.

Cependant, je pense qu’à partir du moment où l’on crée une utopie, on crée un système fermé destiné à ne pas fonctionner. C’est la même chose avec les manifestes.

À partir du moment où l’on fait un manifeste, on met en place uns système, qui s’inscrit dans une tradition, et qui peut très rapidement s’éloigner de l’esprit de base.
Un manifeste peut avoir plusieurs statuts. Il peut être une simple déclaration ouverte au monde, sans être pour autant une contrainte.
Mais quand on me dit Code is law ou Code always win an argument, je ne peux pas être d’accord, car j’y vois une dérive non souhaitable vers l’autocratie voire même vers la technocratie.

À propos des manifestes, la dernière fois que l’on m’a demandé d’en faire un, j’ai fait un manifeste auto-généré, qui disait une phrase et son contraire de manière aléatoire. La question portait sur le statut du designer graphique. Au travers cet objet, mon intention était d’interroger la pertinence des lois et des codes que l’on met en place. Il s’agissait de proposer un manifeste dont le statut serait celui d’une base de réflexion plutôt que de grandes théories à appliquer.

Mathieu Coste

Le manifeste, une fois qu’il a été écrit, a besoin d’une mise en action. 

L’écriture d’un manifeste ne me parle pas, et me parait plutôt être une sorte de cache d’intention déclarative sans garantie d’action. En revanche, je trouve plus intéressant de penser un manifeste et un code social. L’enjeu est se savoir comment on s’organise autour de ce manifeste.

Je serais donc plus attaché à cette notion de code social, qui à l’intérieur décrit ce qu’il y aurait dans un manifeste et comment on le met en action. 

Sarah Garcin

Anne-Sophie Novel

L’objet manifeste est nécessaire. Il est utile pour donner vie à quelque chose. Mais à titre personnel, dans les sphères qui sont les miennes, j’ai vu beaucoup de manifestes et j’éprouve aujourd’hui un sentiment de lassitude.

On fait aussi beaucoup d’événements où l’on parle et l’on s’exprime, et je ressens de plus en plus le besoin de passer à l’action. Je ne sais pas si cela tient de ma position de journaliste, d’observatrice et de conteuse de ce monde qui change, ou si c’est le fait de constater qu’il y a aujourd’hui des conférences, auxquelles j’assiste, qui auraient pu avoir lieu il y a six ou sept ans, voire dix ans, et que malgré cela la situation n’a finalement pas vraiment changé.

Que cela soit l’économie collaborative ou l’économie contributive, on a déjà toutes les solutions à portée de main. On n’a plus vraiment besoin d’innover. L’innovation est déjà là. Mais il manque la volonté politique.

Bien que le temps soit toujours plus long, ce changement est nécessaire.

C’est la volonté politique qui ferait vraiment la différence et permettrait de passer un effet de seuil. Puis, dans un second temps, viendrait cette organisation en commun des énergies citoyennes. 

Un manifeste peut réunir, massifier, donner vie. Mais si l’on en fait trop, cela ne sert plus à rien.

J’observe, dans les communauté au sein desquelles j’évolue aujourd’hui, ce désir de se mettre en commun, de confronter les expériences. On voit d’un coté des économistes atterrés, des conspirateurs positifs, des colibris. Autant de communautés très riches et diverses qui ont envie d’agir ensemble pour aller plus loin.

Mais il est difficile de collaborer.

On parle beaucoup de collaboratif aujourd’hui mais il est vraiment difficile, en pratique, de dépasser les réflexes égotiques. Il est difficile de lâcher prise avec son organisation, son identité, et de se mettre en retrait pour se concentrer et défendre ce fameux bien commun.

Je pense que l’on a encore beaucoup à apprendre en terme d’humanité.

Vincent Calame

Régulièrement, le site candidats.fr est réactivé et propose aux futurs élus de signer un texte de défense et de promotion du logiciel libre. C’est un bon exemple de lien entre l’écosystème du libre et les collectivités publiques. Ce manifeste est rédigé de sorte qu’il soit assez clair sur ce que peut être l’engagement d’un élu en faveur d’un logiciel libre. C’est aussi une manière de montrer que la communauté du logiciel libre ne concerne pas que les codeurs.

Au delà des développeurs, beaucoup d’autres acteurs, de part leur action de documentation et de soutien à la diffusion du libre, renforcent la communauté.

Ce texte est donc important.

Mais d’une manière générale, la communauté du logiciel libre est beaucoup, et je dirais trop souvent, dans une posture défensive. On voit émerger beaucoup de plus de pétitions pour s’opposer à certaines menaces que de manifestes pour proposer une vision.

Il y a de petites victoire. Il y a un an, il y a eu des circulaires du premier ministre sur le logiciel libre dans les administrations. C’est le genre de texte qui est assez utilisé pour la promotion du logiciel libre.

Frank Adebiaye

Armel Le Coz

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