Francisco Mello Castro

Interview de Francisco Mello Castro réalisé lors de à propos de Education around the World, un tour des projets d’éducation au travers le monde. Entretien réalisé le 04 août 2013 au Café Monde et Médias, place de la République à Paris.

Francisco Mello Castro. 

Francisco Mello Castro, peux-tu te présenter et raconter ton parcours ?

Je suis né au Brézil, J’ai 21 ans. J’étudie le management public depuis 4 ans et serai diplômé l’an prochain. En parallèle à mes études, je travaille et entreprend dans le secteur de l’innovation.
Au cours de mon propre parcours scolaire et de mes démarches professionnelles, je n’ai cessé de m’interroger sur le système éducatif, parce que je pense que la réussite sociale et financière est fortement déterminée par la qualité de l’enseignement que l’on reçoit. Mes années passées en tant qu’étudiant n’ont pas été une très bonne expérience, et je crois que c’est le cas pour beaucoup d’entre nous.

Nous sommes nombreux à penser que le système éducatif doit changer, et que les schémas traditionnels dans lesquels nous évoluons ne répondent plus aux besoins d’aujourd’hui.

Alors j’ai commencé à m’interroger: à quoi pourrait ressembler un nouveau modèle éducatif ? Comment pourrait-on, à l’échelle internationnale, améliorer les modalités d’enseignement et imaginer de nouveaux modèles, simples, fonctionnels, et qui pourraient s’adapter partout ?

Pour répondre à ces questions,  j’ai fondé cette Empower en décembre 2012.
L’objectif était de donner aux entrepreneurs le pouvoir « d’écrire leur histoire de leur propre main », c’est-à-dire de leur permettre de devenir autonomes dans la construction de leur démarche et qu’ils en assument la responsabilité pour le futur.

Aujourd’hui, Empower s’articule en deux branches :
La première orientation du projet est un projet social et non-profit. Nous proposons des programmes gratuits pour les lyceés, d’une durée d’une semaine, pour permettre notamment aux étudiants de développer des compétences entrepreneuriales et de direction de projet.
Le second axe s’intitule « Up to you ». C’est un programme dont l’objectif est de réinventer les méthodes pédagogiques au collège en mettant l’accent sur la pratique, en travaillant sur un apprentissage par projet et en employant les méthodes du Design Thinking. Nous souhaitons amener des challenges entrepreneuriaux à l’intérieur de la classe et permettre aux étudiants de les résoudre. C’est une des méthodes développées par ce programme, mais il en existe beaucoup d’autres que nous sommes en train d’imaginer et de mettre en place. Beaucoup de nouvelles idées ont également émergées après mon tour d’Europe.

Obsolescence du système éducatif actuel.

Le modèle éducatif actuel est issu de la révolution industrielle. Si l’éducation étaient auparavant réservée à une élite, elle s’incarnait également dans une relation interpersonnelle de maître à élève. Après la révolution industrielle, on a cherché à rendre l’éducation accessible à tous, à mettre le système à l’échelle dans une approche égalitaire, ce qui était une très bonne chose.

C’est dans cette pensée de l’éducation, calquée sur modèle industriel et la métaphore de la chaîne de production, que nous nous inscrivons encore aujourd’hui.

Notre système scolaire porte en lui toutes les caractéristiques du modèle industriel: un système pyramidale, où quarante étudiants font face à un professeur. Une sonnerie pour marquer le début et l’arrêt du travail, semblable à celle d’une usine. Des systèmes d’évaluation standardisés, fondés, de mon point de vue, sur des critères inadaptés à l’insertion professionnelle et auxquels, par ailleurs, échappe toute une dimension liée à l’humain. Aujourd’hui nous ne pouvons plus prendre ces modèles pour référence. Les tests d’évaluation basés sur les acquis de connaissance au sens strict sont obsolètes. Aujourd’hui, si tu as un smartphone, tu peux accéder à n’importe quelle information, n’importe où. Ce système d’évaluation est issu d’un âge où l’information n’était pas aussi riche et accessible. Pas de livre, des feuilles imprimées. Le savoir était dans la classe.

MakeSense.

MakeSense fait partie des communautés que j’ai découvert il y a quelques mois et dont je suis les activités avec beaucoup d’intérêt. Ses membres aident les entrepreneurs sociaux à construire leurs projets et se réaliser.
À Paris, j’ai fait la connaissance de quelques personnes qui portent le projet, et notamment les créateurs de SenseSchool, une initiative qui, depuis un an déjà, repense les cadres et formats d’apprentissage. Ce projet est très similaire à celui que je voulais entreprendre, à la seule différence qu’il ne concerne que les entrepreneurs sociaux.

Education around the world.

Les membres de MakeSense m’ont invité à venir à Paris pour échanger. Sur cette base, j’ai décidé d’élargir mon champ d’exploration en rentrant en contact avec les gangsters de différents pays d’Europe. J’ai repéré des écoles que je souhaitais visiter : la Team academy, en Espagne, Shumacker college, en Grande-Bretagne, Living School et SenseSchool à Paris, et Knowmads, aux Pays-Bas.

 

 

Objectifs.

Je suis venu en Europe pour élargir mon champ de vision sur l’éducation, décrypter comment dépasser les cadres des modèles archaïques et innover.

En faisant ce tour d’Europe, je voulais en apprendre davantage sur les méthodologies mises en œuvre dans les écoles, observer les tendances, et revenir au Brésil avec ce feedback. Je me positionne comme un connecteur et tisse des liens entre le Brésil et l’Europe. Je mets en relation les projets et les gens que je rencontre au fil de mon parcours. L’année prochaine, en parallèle à mes études, je souhaite poursuivre cette démarche de veille au Brésil,  et prototyper des expériences auxquelles je me consacrerai pleinement dès que je serai diplômé.

Orientations.

Peux-tu décrire tes principales observations suite à ce tour d’Europe ?

Ma démarche consiste à identifier les dysfonctionnements apparents de manière à pouvoir soumettre des alternatives.
Ainsi, à l’heure actuelle, j’identifie trois problèmes au sein des systèmes d’enseignement traditionnel.

Je ne pense que que ces problèmes soient directement issus de la manière de penser des équipes pédagogiques.
Ce sont des problèmes culturels qui se sont construits au fur-et-à mesure des années, et qui concernent davantage l’institution davantage que les enseignants eux-même. Tous s’accordent dans l’identification de ces problèmes et dans la volonté de les résoudre. Cependant, il manque des méthodologies pour accompagner ces changements.

La première prérogative concerne l’expérimentation. La plupart des cadres scolaires ne permettent pas aux étudiants d’expérimenter et de tester de nouvelles méthodes. Cela constitue un frein à l’apprentissage et à l’innovation.
De nombreuses alternatives existent au sein des structures que j’ai visité. Le meilleur exemple est probablement celui de la Team academy en Espagne. Le format de cette école est particuliers dans la mesure où les cours sont aménagés sur 3 mois. Les 9 mois suivant sont dédiés à la création d’un projet entrepreunarial et à l’expérimentation.

La seconde préconisation réside en la nécessité d’aménager un environnement qui permette l’erreur.
L’environnement d’évaluation actuel ne laisse pas de place à l’échec. Par conséquent, les étudiants n’expérimentent pas, ou pas assez, car ils craignent de se tromper et d’être blâmés pour leurs erreurs. C’est la culture que nous créons.
A l’inverse, dans la culture des startup et particulièrement aux États-Unis, l’erreur fait partie du processus et constitue une étape nécessaire pour parvenir au succès. Ce sont des visions complètement différentes.

La troisième idée que je porte, c’est que l’éducation doit incarner la vie. À ce tittre, Shumacker college est à mes yeux le meilleur exemple de structure où coexistent éducation et vie quotidienne.
Les étudiants de Shumacker college vivent dans l’école, qui n’emploie pas de personnel. Les tâches quotidiennes incombent à tous et sont réparties entre étudiants. Ce fonctionnement permet de développer des qualités humaines au-delà de l’acquisition d’un savoir immédiat. Vivre avec les autres, c’est apprendre à prendre soin de soi-même, c’est apprendre à être responsable de son écosystème. C’est une leçon de vie à long terme.

Les écosystèmes du secteur de l’éducation.

Existe-t-il déjà des interactions entre les structures et les personnes que tu as rencontré ?

La plupart des acteurs que j’ai rencontré ne se connaissent pas. Il me semble nécessaire de tisser des relations plus fortes entre ces réseaux. C’est aussi un peu l’ambition de ma démarche et je pense que les gens peuvent gagner à se connaitre les uns les autres, cela peut être productif.
Par exemple, lors de ma visite au CRI à Paris, j’ai rencontré François Taddéi que j’ai mis en relation avec des écoles et des entrepreneurs au Brésil, et notamment Rodrigo Baggio, entrepreneur social à la tête d’une des initiatives les plus remarquables en matière de lutte contre l’exclusion digitale.

Bibliographie.

Quels sont les ouvrages qui te semblent importants pour comprendre les enjeux actuels en terme d’éducation et les nouveaux modèles qui en émergent?

Je ne sais pas s’il existe encore beaucoup d’ouvrages sur les nouveaux modèles éducatifs. J’imagine qu’ils sont en train de s’écrire.

Un livre va sortir en octobre prochain, qu’il sera possible de télécharger gratuitement sur le net. Ce livre s’intitule Around the world in twelve schools, écrit par quatre de mes amis brésiliens qui ont réalisé un tour des structures éducatives au travers le monde, et écrit cet ouvrage pour le raconter. Ils sont allés à la rencontre d’un certain nombre d’institutions, que j’ai visité également de mon côté.

Je recommanderais également Stop silling dreams de Seth Godin. C’est un manifeste, un très bon ouvrage.

Enfin, de mon point de vue, une figure emblématique en matière d’éducation s’incarne en la personne de Ken Robinson. Il est monté à trois reprises sur la scène de TEDx. Au travers ses talks, il excelle à mettre en exergue les enjeux contemporains liés à l’éducation. C’est un très bon speaker, et il est également l’auteur de plusieurs ouvrages sur la créativité.

Par ailleurs, je lis des ouvrages plus techniques, notamment des manuels autour du Design Thinking. L’ouvrage Design Thinking for educators, qui dispense des « bonnes pratiques » pour repenser les méthodologies éducatives, est un exemple de boîte à outils particulièrement inspirant.

Pour aller plus loin :

Écoles :

Living School. France.
SenseSchool. France.
Team academy. Espagne.
Shumacker college. Grande-Bretagne.
Imagineering Academy
. Pays-Bas.
Knowmads. Pays-Bas.

À propos de Seth Godin :
Stop silling dreams, Seth Godin. Livre en pdf.
Stop silling dreams, Seth Godin lors de la Conférence TEDx TEDxYouth@BFS

À propos de Ken Robinson :
Ken Robinson nous dit en quoi l’école tue la créativité. Ken Robinson lors de la Conférence TEDx.

Sur le Design Thinking :
Design Thinking for educators.

 

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