Pierre Mallet

Entretien avec Pierre Mallet enregistré le 15 août 2016 à Montréal, Canada.

Pierre Mallet est spécialiste des questions urbaines. Militant engagé au sein de l’ADUQ, association du design urbain du Québec, et du Laboratoire des baignades urbaines expérimentales, il témoigne dans cet entretien des actions de l’ADUQ, et donne à voir plus largement l’écosystème montréalais des praticiens de la réinvention du projet urbain.

ADUQ



Pierre Mallet, pouvez-vous nous présenter l’ADUQ et ses initiatives ?

L’ADUQ est l’association du design urbain du Québec, fondée il y a 4 ans à Montréal par des étudiants à la maîtrise en design urbain de l’Université de Montréal.
Ces étudiants avaient identifié une méconnaissance et un défaut de représentation de leur discipline à Montréal, et avaient envie de transmettre leur expérience et de faire évoluer les pratiques du projet urbain. L’association a donc eu pour but, à sa création, de créer du débat en design urbain et d’impulser des projets à Montréal dans l’idée de faire rayonner les designers locaux.

Nous menons en ce sens plusieurs types de projets. Nous produisons des publications diffusées sur internet. Nous déposons des mémoires dans les consultations publiques pour donner notre avis. Nous organisons également un colloque annuel qui amènent à faire se rencontrer des universitaires, des designers, des étudiants et des gens qui travaillent dans les mairies par exemple. Enfin, nous développons des projets d’expérimentation dans l’espace public qui ont grandement fait connaître l’association.

La position de l’ADUQ est particulière. Nous nous situons entre les designers, les collectifs de designers et une échelle plus grande de l’action publique. Notre but est de valoriser les designers, leur pratique et leur trouver des contrats si possible. Nous travaillons beaucoup en montant des projets dans le cadre d’appel d’offre puis nous faisant appel à des designers que nous sélectionnons.
Nous avons déjà travaillé pour la Ville de Montréal et pour le bureau du design rattaché à la ville (Comité consultatif d’urbanisme ) Dans ces contextes, nous essayons toujours d’être dans une position neutre, en conseillant la ville dans la manière de faire du projet, et en renvoyant toujours à d’autres designers.

Par cette approche, l’ADUQ a participé depuis sa création à stimuler l’ecosystème du design, à mettre en lien les designers entre eux mais aussi à rapprocher les acteurs publics des designers.
L’association a contribué à montrer comment le design tactique, le placemaking, mais aussi d’autres pratiques émergentes permettent de renouveler les outils de l’action publique.

C’est un travail de longue haleine, mais nous voyons tous que les dynamiques sont progressivement en train de changer à Montréal. Au fur-et-à-mesure, les gens qui gravitent dans cet écosystème rentrent en interne à la Ville pour faire bouger les choses. Si certains projets ne vont pas du tout dans le bon sens, d’autres prennent des directions pertinentes. En tous cas, nous avons l’impression que cela bouge et c’est une bonne chose.
D’autant plus que nous pouvons nous appuyer à Montréal sur des dynamiques locales vraiment intéressantes, citoyennes, communautaires, ou encore de nouveaux partis politiques ou de nouvelles personnes qui ont envie de jouer de manière beaucoup plus collective dans la manière dont se fait la ville, et peut-être moins rigide aussi, en appui aux besoins locaux qui sont exprimés.

Beaucoup d’expérimentations se mettent en place à Montréal, avec une ouverture vers des productions à caractère transitoire au sein desquelles on va essayer d’interroger les usages, comprendre les besoins et voir comment la population réagit.

J’ai l’impression qu’il a des choses intéressantes, voire pionnières, qui se passent actuellement à Montréal, autour des enjeux de co-gestion des espaces, notamment avec des arrondissements et des associations habitantes ou des organismes communautaires. C’est un processus à suivre, mais il y a des phénomènes qui laissent penser que les questions de gouvernance trouvent matière à se réinventer.

Lab éphémère

Le Lab éphémère est un des projets emblématique de l’association que nous menons depuis trois ans.
D’abord appelé Village éphémère, celui-ci s’est aujourd’hui transformé en lab éphémère, ce qui signifie que nous avons pour objectif de privilégier le traitement de sujets de design fondamentaux sur la dimension événementielle, qui prend beaucoup de temps. Cette année, nous avons travaillé sur la manière de penser différemment le chantier urbain.

À Montreal, le chantier, c’est partout et tout le temps, et c’est très mal vécu par les gens.
Comment faire exister un chantier plus ouvert, plus collectif et culturel aussi ?

Ce sont ces questions que nous avons traitées cette année au Lab éphémère pendant 3 semaines.

Place au chantier

Pierre Mallet, pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le projet Place au chantier ?

Place au chantier est un projet mené par deux organismes, l’ADUQ d’une part, et We/Art d’autre part, un collectif de designers qui a renporté le projet de requalification de la tour d’aiguillage Wellington, bâtiment historique du quartier de Griffintown.
IMG_3488
La tour Elignton sera transformée, à terme, en un restaurant, un espace d’exposition, et en un incubateur sur les questions d’urbanité.
S’adressant aux collectifs de designers, aux organismes communautaires et aux citoyens, ce lieu ressource sur les questions urbaines aura pour vocation, à partir de 2018, à transmettre inspirations, conseils ou encore outils aux associations d’habitants qui ont pour projet de mener une démarche de requalification de leur rue.

D’ici 2018 et pendant toute la période de transformation, l’idée était de mener une démarche de chantier ouvert pour sensibiliser à la fois les résidants du quartier sur ce projet qui va les toucher, et à la fois l’écosystème qui habitera cette tour.
Nous avons réalisé et expérimenté avec le collectif ETC, que l’on a fait venir grâce au Consulat de France, et quatre collectifs montréalais locaux, une sorte d’artefact, ou module qui reviendra l’année prochaine quand le bâtiment sera vraiment en chantier.

Le but de Place au Chantier est de faire exister une vie culturelle sur place. Il s’agit aussi de rapprocher les citoyens des constructeurs, et les architectes des ouvriers.

Nous nous sommes vraiment inspiré de la démarche de Patrick Bouchain en France.
Si ce projet à été conçu pour cet espace précis, l’idée est aussi qu’il puisse inspirer d’autres chantiers à Montréal. La cabane de chantier a d’ailleurs vocation à se plugger à terme sur d’autres chantiers de la ville.

Quand un espace est en chantier, comme beaucoup le sont à Montréal, que peut-il se créer durant cette temporalité transitoire ? Cet espace ne pourrait-il pas être également un espace de construction du projet, un espace de dialogue et de compréhension des enjeux urbains, et à minima, un espace de vie ?

Voilà l’expérience que nous avons initiée cette année pendant trois semaines, et qui sera reconduite l’été prochain et pour toute la période de chantier de la tour.
Après, la tour vivra sa propre vie. Dans le projet, il y a aussi un projet de promenade qui vient d’être finalisé. La rue a été complètement refaite. Cet espace est également un espace d’expérimentation où les différents modules créés dans l’incubateur pourront prendre place sur cet espace pour l’activer.
Il y a une réflexion dedans / dehors et sur les temporalités qui nous intéresse, et qui s’est avérée plutôt être un succès au niveau des dynamiques collectives que l’on a réussi à créer, entre les collectifs et d’un point de vue architectural.

Cela prend du temps d’activer un espace. Cela demande que les gens changent leurs habitudes, qu’ils prennent conscience que l’espace a été aménagé et qu’il peut être à nouveau investi. Trois semaines ne suffisent pas, mais nous sommes tous motivés pour faire bouger les choses.

Autres initiatives de l’écosystème du design urbain montréalais :

Au Pied-du-Courant
Le Village au Pied-du-Courant est un projet citoyen et un espace festif estival situé au bord du fleuve Saint-Laurent, à Montréal.
Né d’un projet de réappropriation citoyenne de la chute à neige Fullum dans l’arrondissement Sainte-Marie et élaboré de manière collaborative, le Village est rapidement devenu un incontournable des activités estivales à Montréal. À travers un aménagement convivial et une animation ludique, le lieu se transforme chaque année afin de remplir sa mission première : être un carrefour bouillonnant d’activités, mais également un véritable espace de vie pour les citoyens et citoyennes de Sainte-Marie.

IMG_3510

Projet Montréal
Projet Montréal entend recentrer sur Montréal les dynamiques de développement de l’ensemble de la région urbaine et offrir aux citoyens des logements adaptés à leurs besoins, une offre bonifiée de transport en commun, des services de proximité, et des quartiers à échelle humaine, pour qu’ils demeurent à Montréal.

Temps libre
Fondée en 2015 par des organisations passionnées par le développement territorial et social, la Coopérative de solidarité Temps libre est une structure collective de développement immobilier conçue pour créer des espaces ouverts, inclusifs et participatifs ancrés dans les quartiers et les collectivités. La coopérative sans but lucratif sert de levier économique et organisationnel pour concevoir et gérer des lieux dédiés à un public mixte.

Entremise
Entremise est un organisme à but non-lucratif voué à l’optimisation des bâtiments vacants par des usages temporaires et transitoires. Les usages facilités ou imaginés par Entremise permettent d’optimiser les espaces vacants et de mitiger les risques pour leur propriétaire et les communautés environnantes, tout en procurant des espaces à prix modique pour les occupants.

Lande
Lande est une plateforme qui facilite la réappropriation des terrains vacants par les citoyens et les citoyennes.

Le Champ des Possibles
Le projet du Champ des Possibles est un projet citoyen d’aménagement d’une friche pour l’utilisation par la biodiversité et les humains.

Les Ateliers 7 à Nous
Les Ateliers 7 à Nous est une initiative communautaire novatrice qui transforme un ancien bâtiment industriel à Pointe-Saint-Charles pour accueillir de nouveaux espaces et services, tout en travaillant sur des formes de gouvernance alternatives et la prise en charge de la communauté. Le projet est porté par le Collectif 7 à Nous, organisme né en 2009 à Pointe-Saint-Charles qui réunit des citoyens, des organismes culturels, communautaires, libertaires ou issus de l’économie sociale.

L’Estrade
L’Estrade est une coopérative de travail se positionnant comme la locomotive dans le domaine de l’animation et de l’embellissement de chantiers urbains au Québec. Par un design participatif et une programmation culturelle sur site, L’Estrade oeuvre à une meilleure intégration paysagère, sociale et économique des chantiers dans la ville. En misant sur la collaboration avec les acteurs locaux et sur un processus inclusif et respectueux des dynamiques du lieu, l’Estrade entend faire du chantier de construction un bon voisin.

Conscience urbaine
Conscience urbaine réalise des projets en lien avec l’aménagement urbain auprès d’artistes, de professionnels et de décideurs pour développer des villes plus sécuritaires et inclusives.Notre pratique relie trois professions soit celles de l’art, des sciences sociales et de l’aménagement afin de développer une vision commune de l’espace public. Les propos esthétiques et symboliques de l’art sont utilisés afin de mobiliser les citoyennes et citoyens autour d’enjeux communs. La démarche de l’organisme s’inscrit dans le courant artistique de l’art action. L’objectif des interventions de Conscience urbaine est de redonner aux citoyennes et citoyens le pouvoir de participer aux prises de décision concernant l’aménagement des villes du Québec, du Canada ou à l’international, et ce, dans une perspective d’éducation populaire.

L’UTILE
L’UTILE se dédie à la promotion et au développement de logement étudiant coopératif.

Laisser un commentaire