Jennifer Bonn

Entretien avec Jennifer Bonn enregistré le 18 novembre 2013 à Mons, Belgique.

Jennifer Bonn. Portrait

Jennifer Bonn. La Fabrique du commun

Le commun

Dichotomie public-privé

Il y a un sens du mot commun que j’aime bien, mais qui est très spécifique à un contexte politique.

Le commun représente ce qui n’est ni public, ni privé. Je pense que c’est une vraie direction de travail. Ce n’est pas juste un concept mais réel mode d’application, avec des résultats très concrets que l’on peut commencer à percevoir maintenant au travers différents projets qui se mettent en place.

Comment le commun nous sert-il justement à sortir de cette dichotomie là, du public et du privé ? Cette question est intéressante.

Articulation

Chacun a son fil. Les fils se rejoignent, se détachent, s’articulent ensemble.

C’est l’articulation entre les personnes qui crée les communs. Nous n’avons pas les mêmes positions, mais nous articulons nos positions.

Circulation

L’articulation crée des passages et des connexions, et constitue en soi un dispositif, permettant des circulations d’informations, la répartition des taches.

Une des question qui se joue est de savoir comment l’on change de position à l’intérieur d’un commun, suivant les besoins. Il y a un enjeu d’adaptation.

Processus

Le commun est associé à l’idée de quelque chose de non figé, d’un non objet, et de l’idée que le faire est plus important que le qui fait.

Ce détachement de la personne en faveur de la communauté permet de sortir d’une vision figée de ce qu’est la vie, que constituent nos activités.

C’est un mouvement, ce n’est pas fixe. Les choses sont en train de changer. C’est ce que l’on fait qui compte, plus que nos propres personnes ou l’image que l’on peut développer autour de nos identités personnelles.

Il y a un transfert d’attention sur ce qui est fait plutôt que sur les personnes qui font.

Réseau

La puissance politique aujourd’hui n’est pas une force rassemblée mais une connexion entre différents réseaux très éclatés qui se déploient à l’échelle internationale.

Le tissage de ce réseau fait la force des minorités, qui restent des minorités mais qui y trouvent une puissance de par ces liens. On observe une sorte d’éclatement du pouvoir, rendu possible par les réseaux, c’est-à-dire par le biais d’internet et par ses échos très concrets au sein des organisations sociales.

Open source

Je suis heureuse de voir que la culture open source commence à déborder partout. On commence à voir, maintenant, le résultat de cette autre manière de travailler ensemble, qui se met en place à des endroits très divers de la société.
L’open source correspond pour moi à un questionnement d’auteur. Cela vient d’une expérience personnelle. J’ai fait les Beaux-Arts. J’y ai été marquée par un discours je ne comprenais pas. J’y ai observé une sorte de culte de l’artiste. Il était plus important de soigner sa personne que de soigner l’œuvre que l’on produisait. J’ai toujours voulu communiquer par ce que je produisais. Le fait d’avoir à soigner une image ou un personnage m’agaçait, tout comme le fait que la signature de l’œuvre pouvait avoir une valeur plus grande que la valeur de l’œuvre elle-même. Ce sont des questionnements qui sont venus assez naturellement, en réaction milieu de l’art. J’ai toujours senti que cela ne me correspondait pas.
J’ai été sensibilisée à l’open source parce que j’avais un frère informaticien. J’ai eu accès à ces notions, même si je n’en connaissais pas forcément toutes les nuances ou les particularités.

Il ressortait des pratiques open source une idée de justice qui m’apparaissait comme une évidence. Il est plus intéressant de partager les informations et de voir ce que l’on peut créer de nouveau, plutôt que de protéger les informations et en interdire l’accès. Interdire l’accès à l’information équivaut à fermer les écoles.

De quel droit peut-on faire cela ? L’open source a vraiment permis de questionner la question de l’accès à l’information, appuyé par une évolution du domaine juridique. Mettre une œuvre sous licence ouverte, comme manifeste d’une opposition au copyright, c’est une démarche artistique. C’est un acte qui change le regard des gens sur le système dans lequel ils vivent. C’est aussi le début d’une dissolution des frontières déjà en marche depuis longtemps, renforcée par internet et la une mise en réseau des défenseurs de ces libertés. Il y a un certain nombre de circulations qui sont rendues possibles, et ce réseautage se prolonge dans des aspects très pratiques de nos vies, sur des principes d’entraide et d’échange. Une économie alternative se met en place. Je trouve cela intéressant.

Réplicabilité

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