Paris-Saclay. 12 décembre 2014

Paris-Saclay, 12 décembre 2014. Enquête par Hakim Benchekroun, Adrien Malguy, Sylvia Fredriksson, Nicolas Loubet.

Le plateau de Saclay est sans nul doute un des lieux far de l’investigation du futur Francilien. Un territoire de prospective, en anticipation constante, un laboratoire de l’imaginaire urbain depuis les années 1970.
Nous voulons voir en Saclay un territoire à vocation scientifique, mais pas seulement. Comment faire de ce site un environnement attractif pour son activité universitaire et technologique mais aussi pour son identité, son histoire et le sentiment collectif de participer à un territoire en devenir.
Il est ici question de penser comment rééquilibrer les forces du territoires de Saclay, de sortir de la mono-fonctionnalité et profiter du développement d’un secteur pour enrichir de manière globale l’écosystème. Comment faire du plateau un territoire pluriel, un laboratoire tout aussi technologique qu’urbain.
L’objectif de cette journée est d’investiguer, d’explorer une partie de son patrimoine bâti en transition et d’essayer d’en faire émerger ces futurs en attente. A travers une exploration collective nous allons tenter d’aller à la rencontre de ces fragments de ville, d’en observer les formes et d’en extraire les histoires.

Le territoire de Paris-Saclay représente aujourd’hui une ville hybride dans laquelle d’implantent des établissements d’enseignement supérieur.
C’est un ensemble qui comprend le plateau mais aussi l’université située dans la vallée. Ce campus urbain n’a de sens que dans une vision qui inclue la vallée, où travaillent 10 000 étudiants, et qui représente un véritable moteur.

Pour en savoir plus : interview de Marine Seemuller, réalisé le 5 décembre 2014 à Orsay (91). Marine Seemuller est chargée de projet à la Direction de l’Aménagement de l’Établissement public de Paris-Saclay, en charge du suivi du Concours Europan 13.

Problématique

Avec l’arrivée du projet Paris-Saclay et ses ambitions de campus urbain, 1/4 des activités de l’université sont amenées à monter sur le plateau, ce qui a des conséquences directes sur les bâtiments dans la vallée. Ceux-ci vont être vidés de leurs usages, et de fait, se pose la question de leur devenir.
Que ces bâtiments deviennent-ils ? Les laisse-t-on à l’abandon ? Que peut-on mettre à l’intérieur ? Est-ce que c’est de l’enseignement, est-ce que c’est autre chose ? C’est là que la porte est ouverte. Il s’agit de réfléchir sur comment se saisir de l’opportunité de ces déménagements pour engager de nouvelles réflexions sur l’organisation de l’université dans la vallée.

Présentation du site

Dans le cadre des recherches sur les mutations de la vallée, le groupe de travail s’est intéressé à deux sites sujet à transformation sur le territoire. Il s’agit d’une part de Sciences ACO, ancien accélérateur à particule et actuel Musée de la lumière et de la matière, et d’autre part, de la Maison d’initiation et de sensibilisation aux sciences, anciens laboratoires du LAL.

Sciences ACO


Entretien avec Marie Pauline Gacoin, Présidente de l’association Sciences ACO. Musée de la lumière et de la matière en région parisienne à Orsay. Enregistré le 21 novembre 2014.
 

Sciences ACO est un des lieux historiques d’accélération de particules les plus important au monde. C’est, avec Novosibirsk, un des premiers sites à avoir réalisé des collisions entre des électrons et des positrons.

Le territoire n’avait pas du tout, à l’époque, la conformation qu’il a aujourd’hui. Le site était isolé et présentait un potentiel important en terme de surface. Ce sont les raisons pour lesquelles il a été choisi et que l’on a construit tout d’abord un grand accélérateur de particules linéaire (LINAC) de 300 m, pour alimenter des accélérateurs circulaires, dits anneaux de collision. À l’époque,  le tout premier  anneau s’appelait ACO. Cet accélérateur, qui a fonctionné une vingtaine d’années, était dédié à la physique des hautes énergies et produisait des collisions entre des électrons et leur anti-particules , des positons (on disait positrons à l’époque).
C’est aussi sur ce site qu’une nouvelle branche de la physique est née. En effet, en ce milieu des années 60, un groupe de physiciens a cherché à comprendre quelle était l’énergie libérée par les particules en circulant dans cet anneau. On savait que de particules lancées à grande vitesse dans un anneau dont on courbait la trajectoire produisait un rayonnement parasite. Pour l’étudier, il fallait faire un trou dans la chambre d’environ 5 cm de diamètre où circulait le faisceau d’électrons. La réalisation de cette opération qui a pris une dizaine d’année car à l’époque, nous n’avions pas les dispositifs de pompage permettant de faire le vide dont nous bénéficions aujourd’hui (pompes turbo, sublimateurs,…). Faire le vide dans un tube de 5 cm de diamètre et de 20 mètres de circonférence  prenait des semaines et faire un trou  signifiait potentiellement rompre le vide et interdire toute manip durant des semaines. C’est la raison pour laquelle il a fallu attendre de trouver le moyen de laisser sortir le rayonnement sans polluer le vide dans l’accélérateur. Quand nous avons pu laisser sortir cette énergie qui était de la lumière (une onde électromagnétique pour être exact), l’histoire du rayonnement synchrotron a pu démarré en France.
Une deuxième branche de la physique s’est alors développée. Ces accélérateurs ont donc servi d’abord à faire des collisions, et ont ensuite été réinvesti pour produire de la lumière. ACO fut le premier  collisionneur en France et le grand-père du grand synchrotron qui contribue à la réputation du plateau de Saclay, le synchrotron SOLEIL.

Ce sont donc ces deux histoires scientifiques qui se sont déroulées côte à côte. Cependant, l’une de ces deux histoires s’est arrêtée dès lors que le CERN à Genève s’est équipé d’un anneau de taille très supérieure, le LEP puis le LHC. En revanche, l’aventure du rayonnement synchrotron, s’est prolongée sur le site avec la construction d’un deuxième anneau nommé DCI (Dispositif de Colission dans  l’Igloo) puis d’un troisième, entièrement conçu et dédié au rayonnement synchrotron, Super ACO. Puis, dans les années 90, un nouveau concept de synchrotron a été élaboré par les mêmes équipes. Ils l’ont appelé SOLEIL et il se situe sur le plateau. Tout cela est une histoire de générations.

Les choses ont commencé à évoluer à partir du moment où nous avons pris conscience du vieillissement des technologies qui étaient employées (technologies électroniques et toutes les technologies du vide qui dataient des années 60). Il a fallu se résoudre à fermer le site, non sans quelques déchirements personnels.
À tel point que ces pionniers, qui avaient fait vivre le site, ont décidé de continuer à le faire vivre autrement. Au prix de beaucoup d’énergie, nous avons réussi en 2000 à faire classer ACO, l’accélérateur, monument historique. Ce classement fait qu’aujourd’hui il est immuable, et que nous nous sentons le devoir de le partager le mieux possible. C’est la deuxième vie d’ACO, devenu Sciences ACO, Musée de la lumière et de la matière, structuré en association. C’est un musée un peu improbable, avec des lieux qui sont restés tel qu’ils étaient, et que nous aménageons petit à petit, non pas en les rénovant, mais en y ramenant des éléments que l’on récupère dans les poubelles : des éléments scientifiques, technologiques, d’électronique, d’informatique, qui permettent de réécrire cette histoire et de la raconter, de la mettre en perspective.

L’objectif est que les jeunes comprennent que, dans les années 60, les même physiciens qui leur racontent aujourd’hui cette histoire s’imaginaient que tout avait déjà été plus ou moins découvert et que finalement leur apport serait minime. Or, cet apport a été en réalité considérable. Et à ces jeunes qui aujourd’hui pensent de la même manière, nous souhaiterions leur transmettre l’idée que chaque pierre peut bâtir un pont immense.

Nous souhaitons faire prendre conscience aux jeunes que dans la recherche, chaque petite chose est importante et qu’elle peut révéler d’innombrables possibilités.

Enfin, nos perspectives pour Science ACO traduisent un désir d’ouverture, de partage, et l’envie de se mettre la tête un peu à l’envers. Vous l’aurez peut-être compris, la moyenne d’âge de notre association est  assez haute ; elle avoisine  80 ans. Quelques jeunes nous rejoignent, nous permettant de faire l’expérience d’un travail intergénérationnel. Nous y prenons beaucoup de plaisir et d’intérêt. La vie que nous souhaiterions donné à Science ACO pour l’avenir, c’est de faire de ce lieu quelque chose que les pionniers n’auraient même pas imaginé eux-mêmes. Nous faisons des Festivals Art et Science, nous accueillons du public, des jeunes, de plus en plus jeune d’ailleurs. Ce qui est aussi une gageure, qui rend parfois la transmission intergénérationnel particulièrement complexe.

Nous souhaitons ouvrir le plus possible, nous désirons être le plus surpris possible par ce que l’on nous propose sur ce lieu, car les gens qui y viennent porte un regard sur ce lieu qui est extrêmement émouvant pour les gens qui l’ont construit.

C’est un regard qui est vivant, alors que l’on a dit à ses fondateurs pendant des années que ce lieu était un lieu mort. Ce regard vivant, pour les gens qui animent ce lieu, et moi la première, c’est un peu un encouragement à réinvestir toujours de nouvelles idées, à continuer la démarche, et à faire ce que l’on aime faire.

Maison d’Initiation et de Sensibilisation aux Sciences de Paris-Saclay


Entretien avec Stéphanie Couvreur à propos de la Maison d’Initiation et de Sensibilisation aux Sciences de Paris-Saclay, Université Paris-Sud. Enregistré le 21 novembre 2014. La Maison d’Initiation et de Sensibilisation aux Sciences (MISS) est un projet porté par la région Île-de-France, en partenariat avec La Diagonale Paris-Saclay, l’Université Paris-Sud et le CNRS.
 

Le bâtiment 204 est divisé en deux parties. L’extrémité du bâtiment, situé prêt de l’Yvette, est aujourd’hui devenue le Proto204. L’autre partie, si elle est encore à l’heure d’aujourd’hui sans activité, deviendra dans quelques mois la Maison d’initiation et de sensibilisation aux sciences.
Ce bâtiment accueillait autrefois les ateliers LAL, laboratoire transféré au bâtiment 200 qui a été rénové. C’est le laboratoire de l’accélérateur linéaire.

C’est au LAL que l’on étudiait la science des accélérateurs, avec un axe de recherche fortement ancré dans l’expérimentation, et où l’on faisait fonctionner le grand accélérateur linéaire.

Le bâtiment 204 correspond aux ateliers du LAL, où l’on préparait les expériences de l’accélérateur linéaire. Aujourd’hui, le bâtiment a été conservé dans son jus.

Une des parties du bâtiment 204 a déjà été rénovée, de manière assez simple, laissant transparaitre l’identité initiale du bâtiment, qui est devenu le Proto204, lieu de rencontre des communautés et d’échange.

L’autre partie n’a pas encore été réhabilitée mais un projet en cours de conception verra le jours d’ici quelques mois.

Le bâtiment accueillera la Maison d’initiation et de sensibilisation aux sciences, projet de la Région Ile-de-France, dont le but est d’accueillir les élèves d’écoles primaires et de collèges en vue de leur donner l’occasion d’avoir leur propre laboratoire et afin qu’ils puissent expérimenter et faire des sciences.

Cette maison est plongée au sein d’un écosystèmes de laboratoire du Campus historique. L’enjeu est donc que les jeunes puissent faire de la science au contact de chercheurs et de jeunes chercheurs, et notamment des doctorants qui animeront des ateliers à la journée. Ils travailleront en amont sur une question scientifique, de manière assez ouverte, et pourront mettre en place toute une démarche scientifique pendant la journée, en vue de répondre à la problématique posée. Tous les outils dont ils auront besoin seront disponibles dans les laboratoire de recherche.
Il s’agira de poser des questionnements en lien avec des problématiques sociétales, et de faire le lien avec la recherche actuelle en laboratoire. Voilà quelles sont les applications de ces recherches.
Il est donc important pour les scientifiques d’Orsay et plus largement de Saclay de s’impliquer dans ce projet, de rencontrer des enfants et de les faire se questionner sur la science. Que peut nous apporter la science ? Que peut faire la science ? Qu’est-ce qu’on ne peut pas faire avec la science ? J’espère que ce lieu permettra aux enfant de se poser des questions. Questionner les chercheurs et la recherche.
Le lieu est vraiment resté en l’état. Actuellement une équipe d’architectes et de scénographes travaillent sur le devenir du bâtiment. Valérie Fortuna est la coordinatrice scientifique de ce projet. Le bâtiment sera complètement réhabilité dans l’intention de proposer un nouvel univers qui invite à l’expérimentation et au questionnement.

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