Entretien avec Emma, dessinatrice, enregistré le 21 février 2018 à Paris.
Je crois peu au changement des pratiques pour faire bouger les lignes.
Je sais qu’un ensemble de personnes défendent cette approche, en changeant les modes de consommation, par exemple.
Je pense que cela ne suffira pas parce que la partie de la population, qui n’est pas ouverte à ces changements, continuera d’être martelée d’injonctions à consommer et à rentrer dans le moule.
Je pense que ce n’est pas en faisant de petites actions, en se réunissant en petits groupes, par exemple en faisant une AMAP, que la situation va changer.
Pour ma part, je pense qu’il faut déployer une force d’action prête à bloquer le système. Une grève générale, par exemple, et de manière coordonnée.
La plupart du temps, même si des grèves sont mises en œuvre, celles-ci ne pèsent pas assez lourd. On n’en parle jamais. Celles-ci se fond écrabouiller assez rapidement.
Le jour où, ne serait-ce que 20% de la population arrêtera de travailler, je pense que la situation sera suffisamment problématique pour que l’on puisse entamer une discussion sur un nouveau fonctionnement de société.
Partager le fruit de la production des entreprises équitablement. Mettre fin à la fraude et à l’évasion fiscale. J’aimerais que tout cela se passe par la discussion et de façon apaisée.
Malheureusement, je pense que les personnes qui profitent du système tel qu’il est ne l’entendront pas de cette oreille.
Et je me demande ce qu’il adviendra le jour où 20 % des citoyennes et des citoyens arrêteront de travailler. Moi, je pense que l’on nous enverra au travail avec le fusil dans le dos. La question est donc de savoir ce que fera la police quand on en sera là ? Que feront les militaires ? De quel côté se rangeront-ils ?
Je pense que tout va se jouer là. Est-on prêt à en arriver là ? Ce n’est pas évident.
D’autres propositions d’actions directes existent. Boycotter le système. Le saboter. Non pas matériellement mais logistiquement. Il s’agit moins d’arrêter de travailler que de mettre le doigt sur les rouages pour les empêcher de fonctionner correctement et forcer un changement de société.
Je pense que cette méthode peut aussi marcher à condition que l’on soit nombreux, et que l’on comprenne pourquoi on le fait. Aujourd’hui, il y a beaucoup de belles idées et de mots vides de sens, employés à tort et à travers.
Il faut comprendre pourquoi l’on agit, et dans quel objectif. Cela prend du temps. Cela demande beaucoup de discussions, de concertation. C’est pourquoi il faut aussi accepter que ces changements se produisent dans la durée.
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