Thomas Landrain
Entretien avec Thomas Landrain enregistré le 14 août 2013. Du vivant en tant que bien communThomas Landrain, que t’inspire la notion de biens communs ?
On considère la nature comme étant un objet gratuit, dans lequel tout le monde peut puiser. Une législation entoure bien-sûr l’utilisation de cette ressource, mais il ne faut pas oublier que pendant très longtemps, il suffisait de s’installer quelque part, de demander un lot de terre pour que l’on puisse l’exploiter. Donc, en-soi, la nature est un bien commun. Et je pense que l’on peut étendre cette dimension à la vie en générale. La PaillasseLa Paillasse pourrait-elle s’inscrire dans une démarche de catalyse de production de biens communs ? On parle beaucoup de la dimension de biens communs informationnels. Mais je pense qu’un bien commun n’est pas uniquement un objet virtuel multipliable à l’infini. C’est aussi un objet physique, une matière, qui n’est pas forcément produite par l’humain, et qui possède un caractère auto-réplicable, tel qu’on peut le trouver dans les systèmes virtuels. Il se trouve que la matière vivante a cette capacité d’auto-réplication. Et, de mon point de vue, cette caractéristique permet de faire le rapprochement entre « matière » et « donnée virtuelle »: une fois que celle-ci a été fabriquée, elle peut être reproduite à l’infini.
La Paillasse mène une démarche d’encouragement à l’Open source. C’est extrêmement important. Nous cherchons à transmettre l’idée selon laquelle le vivant n’appartient à personne et que l’on peut en tirer parti, mais de manière équitable et en faisant bénéficier la génération future des développements que l’on va réaliser avec cette matière vivante.
Thomas Landrain, tu décris La Paillasse comme lieu de protection et de catalyse des communs. Penses-tu que La Paillasse puisse jouer un rôle de levier, en faisant pression sur des institutions ou structures qui seraient à l’origine d’enclosures identifiées sur les biens communs naturels ? La Paillasse, en tant qu’association, n’a pas directement vocation à affirmer un message politique. Par contre, les membres et utilisateurs de La Paillasse, peuvent de leur initiative dénoncer ces enclosures. Les membres peuvent utiliser nos outils et la plateforme pour mettre en place des méthodes de dénonciation d’abus des systèmes vivants, des écosystèmes et de la vie en générale, et donc dénoncer une menace sur ces biens communs.
La notion de « biens communs » est indissociable de l’idée de citoyenneté, de République, d’égalité. Sans ce feedback citoyen, ce sont des choses qui ne se mettront probablement jamais en place. Et cet activisme ne peut avoir lieu de manière efficace que si les citoyens disposent d’outils. Et c’est ce que La Paillasse va leur proposer. Thomas Landrain, peux-tu citer quelques termes qu’il te parait essentiel d’associer à la définition de « biens communs » et expliquer en quoi ils participent à la construction de cette notion ? Appartenance
Empathie que nous n’aurons jamais avec un ordinateur par exemple – ou alors sans intelligence artificielle. Mais là, nous rentrons dans un autre domaine. Auto-réplicationLa vie a cette capacité à se reproduire, se diviser, se disperser. Elle a des propriétés qui sont presque virtuelles.
Open SourceL’open source et l’open acces sont intimement liés au concept de biens communs.
CatalyseIl ne faut pas oublier qu’un bien commun se définit comme étant commun malgré la pluralité que constitue l’humanité et ses constituants. Un bien commun ne peut être commun que s’il répond à beaucoup d’attentes différentes. La diversité et la complexité d’un système fait qu’il va pouvoir prendre différentes formes et différentes utilités. Il y a une question de robustesse aussi. N’importe quel système est intéressant à partir du moment où il possède une certaine robustesse face à son utilisation. Un bien commun s’instaure en bien commun parce que l’on y trouve un intérêt, sinon les gens ne l’utiliseront pas. Cet intérêt aujourd’hui réside dans des critères tels qu’une utilisation sûre et presque permanente. L’enjeu est de pouvoir transmettre son utilisation. Un bien commun ne doit pas présenter un caractère trop éphémère.
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