Xavier Coadic

Entretien avec Xavier Coadic enregistré le 20 juin 2019 à Rennes.

Prendre prise sur le quotidien d’un monde catastrophé

À propos de la pollution au sang d’un ruisseau en Bretagne, documenté sur le wiki Rivières pourpres.

Il y a quelques jours, le 14 juin 2019, dans la commune de Châteaubourg qui se situe à un peu plus d’une vingtaine de kilomètres de Rennes, un ruisseau, affluent de la Vilaine, s’est teinté de rouge, pollué par le sang provenant d’un abattoir qui donne sur ce versant de la rivière.

Une image qui marque les imaginaires comme le quotidien. Pas besoin d’avoir fait beaucoup d’études pour comprendre que notre rapport à l’eau est vital, d’un point de vue biologique et historique. L’homme s’est construit autour des cours d’eau et des façades maritimes.

C’est arrivé le 14 juin 2019. Et cela m’a mis hors de moi, notamment parce que j’ai une histoire personnelle, familiale et collective avec cette commune. J’ai étudié là-bas. J’étais au collège la-bas. J’y ai eu des amis. J’y ai fait mais mes premières aventures hors des sentiers battus. Et j’ai encore la famille qui y vit. 

Alors, le 14 juin 2019, quand j’assiste à la catastrophe aux actualités alors que je suis à Rennes, c’est-à-dire à 20 minutes de train ou de voiture, je suis profondément choqué.
Il est impossible que ces choses là arrivent, en 2019. Il est impossible que cette information soit traitée par la presse de manière aussi triviale, à la manière d’une dépêche AFP.

C’est ce que l’on appelle un accident industriel, qui marque les esprits et les imaginaires. Un accident qui affecte encore plus particulièrement la personne que je suis, du fait de l’histoire familiale et collective qui me relie à ce territoire et ce paysage, et du fait de mon engagement écologiste, de mes pratiques dédiées aux écosystèmes et à leur préservation. J’ai reçu cet événement avec beaucoup de violence.

J’ai eu l’information le 14 juin. Directement, j’ai décidé d’aller sur place. Je pars de Rennes et je charge du matériel pour pouvoir travailler sur cette situation : du matériel de prélèvement et d’analyse, du matériel de médiation. 
Je connais encore, dans la commune de Châteaubourg, quelques personnes. Je pars en me disant qu’il faut que je fasse une action, sans savoir véritablement laquelle. Cette forme de réaction s’explique en partie de par mon passé professionnel et personnel. Je savais que j’avais des compétences et des savoir-faire, sans pour autant me substituer aux services de secours, aux pompiers ou la gendarmerie.

Pour moi, il manquait quelque chose face à cet événement. Il manquait une véritable action citoyenne pour s’emparer de cette catastrophe industrielle.

Même si cette catastrophe était micro, il s’agissait de pouvoir faire à la fois quelque chose sur l’urgence – sur la catastrophe en elle-même, mais aussi d’essayer d’imaginer des dispositifs, des pratiques et des processus qui s’inscriraient dans un temps plus long.

Il s’agissait de s’installer à l’endroit de la catastrophe pour se ressaisir de l’espace physique comme de l’espace informationnel.

Il s’agissait de traiter de l’information, et notamment de la donnée environnementale, sur cette catastrophe là mais aussi plus largement sur l’historique des situations dans cette commune, sur le rapport de cette commune avec les entreprises et les industries implantées sur ce bassin versant.

Il s’agissait de se projeter sur un terrain d’opération, tel qu’on le nomme dans les opérations spéciales d’où j’ai retiré quelques savoirs faire. Un peu comme si j’avais été entraîné pendant des années, et que je déployais ces méthodes très rapidement, de manière automatique et selon une sorte de réflexe conditionné. Petit à petit se sont ensuite posées les questions du pourquoi, du comment et de la temporalité sur place.
On parle de sang animal dans une rivière. Donc, je me suis protégé. J’ai des connaissances et des habitudes face à ces situations. J’avais des gants jusqu’aux épaules. J’ai aussi beaucoup utilisé un système de perche pour pas être en contact, au regard des risques d’accidents viraux et infectieux incommensurables. Il s’agit de ne pas se mettre en danger soi-même, de ne pas montrer un mauvais exemple à la population, et de ne pas entrer en conflit de pratique avec la gendarmerie ou les pompiers.

J’ai fait des prélèvements à la main, avec des protections et en m’appuyant sur des protocoles. J’ai mis des choses dans des éprouvettes, des béchers, des boîtes de Petri. Des choses finalement assez classique quand on a l’habitude du geste. Ce n’est pas du tout un protocole universitaire ou de recherche. C’est davantage une pratique tierce. Il y a quelques années, on parlait de tiers scientifique à Sciences Po Lyon. À l’époque, j’avais plus ou moins bien pris le terme, ou plutôt, je m’étais moqué de la personne.

Il s’agissait de se projeter sur un terrain d’opération, de manière à en avoir, à titre personnel, une compréhension plus fine, et avec l’espoir que je pourrai partager ces prélèvements à d’autres associations, ONG ou  laboratoires institutionnels qui n’auraient pas pu venir sur le terrain.

Il s’agissait aussi de profiter du fait que ce soit sur place pour rencontrer ou retrouver des personnes sur place, dans cette petite ville de Châteaubourg dont la population oscille autour de 7000 âmes

Je souhaitais instaurer un dialogue autour de ce que la catastrophe industrielle avait comme effet sur les individus, sur ce qu’elle projetait dans l’immédiateté et l’urgence, et ce qu’elle faisait sur les imaginaires et le rapport au paysage. Il s’agissait aussi de comprendre ce que l’on pouvait faire ensemble. 

Je n’étais pas là pour imposer un espèce d’hôpital de campagne et prenait soin à ce que mon approche ne soit pas colonialiste, en quelque sorte.

Processus en tiers-lieu

Faire. Se projeter dans les situations. Qu’est-ce qu’intervenir veut dire ?

Il n’y a pas de sens strict pour définir des processus tiers-lieux. Cela fait 7 ou 8 ans que je ne vis et ne travaille qu’au travers des processus en tiers-lieu, avec leurs effets positifs et leurs travers. Je prends le droit à agir par le tiers-lieu, c’est-à-dire peut-être en m’autorisant à braver certaines formes d’interdits juridiques ou moraux dont je n’ai même plus tout à fait conscience. Il s’agit aussi de se saisir des choses qui ne sont pas rendues visibles, et qui demeurent insaisissables pour beaucoup de personnes.

C’est devenu un automatisme, du fait d’avoir rencontré de nombreuses personnes de France et d’ailleurs, et du fait d’avoir fréquenté des lieux divers et variés. Il est devenu extrêmement spontané de remobiliser dans mon quotidien les savoirs-faires acquis par ces diverses expériences.

Aussi, face à la catastrophe industrielle de la commune de Châteaubourg, je me suis projeté de manière très naturelle et spontanée dans cette situation d’urgence. 
J’ai par ailleurs un rapport biaisé à ce type de situations car j’ai travaillé dix ans dans les systèmes d’urgence et notamment dans la gestion de catastrophe environnementale et industrielle. Cela rajoute une couche évidemment.
C’est une projection à la fois sociale et technique, mais qui embarque beaucoup d’affect. Un peu comme une éponge, j’étais plein de ressenti, de colère, de rage et de non acceptation de cette situation.

Je suis donc parti avec ces différents réflexes et entraînements accumulés au fil des anneés. C’est pourquoi il a été naturel pour moi, si l’on peut dire, d’intervenir sans se poser trop de questions, mais en ayant conscience tout de même que mon action est mue par une forme d’utopie et de désir. 

Quand on intervient dans l’urgence, sans équipe, sans préparation et sans matériel, d’une manière très grégaire et précaire, il faut rester humble. On n’est pas capable de tout faire. C’est pour cela que je précisais au début de cet entretien qu’il est n’est pas envisageable de venir en conflit et encore moins d’être tenté de remplacer des services qui existent déjà, et qui font bien leur travail. 

Il s’agit d’intervenir dans un creux entre différentes interfaces, entre la population – qui comprend pas tout ou ne peut pas intervenir – et puis les services techniques très spécifiques qui agissent sur le terrain. Il y a un frottement entre les deux, qui se joue dans un intervalle vide, inoccupé. C’est à cet endroit que je tente faire des petits bouts de trucs, comme on dit parfois.

Investigation

Des « modes d’occupation » aux espaces à investir. Comment prendre prise ?

L’expérience de l’investigation de la catastrophe industrielle de la commune de Châteaubourg n’a, à ce stade, pas de conclusion. Celle-ci pose même beaucoup plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. 

Je parlais de manière très terre-à-terre des prélèvements. Pour l’instant, ceux-ci  sont stockés dans un frigo domestique, avec tous les problèmes de conservation associés. Les protocoles sont faits avec du matériel stérilisé en mode garage. Il y a toutes ces problématiques là auxquelles nous sommes d’abord confrontés.

J’ai des savoir-faire acquis, notamment du fait de mon implication chez les pompiers dans des sections spécialisées en dépollution, en intervention face à des risques NRBC (Nucléaires, Radiologiques, Biologiques, Chimiques), ou encore dans des unités mobiles de décontamination.
Par ailleurs, j’ai aussi travaillé avec la Surfrider Foundationqui a développé beaucoup de savoirs-faire et de protocoles d’analyse des eaux, plus spécifiquement des eaux de baignades et concernant la bactérie Escherichia coli.
Dans le cas de la catastrophe industrielle de la commune de Châteaubourg, les enjeux portent sur des risques de toxicité, infectieux et viraux, qui en théorie peuvent se répéter ou se répéteront. Ces enjeux nous interrogent sur le choix des protocoles, des matériaux et des manières d’occuper le terrain.
Ces zones industrielles artisanales sont classées. C’est ce que l’on appelle les plans de prévention des risques technologiques (PPRT), eux-même inscrits dans les plans locaux d’urbanisme (PLU), c’est-à-dire des découpages administratifs complexes pour la population qui tente de les appréhender. Comment occupe-t-on alors cet espace physique, mais aussi l’espace informationnel ? Comment révéler l’invisible et le non-dit ?
L’invisible peut être l’impact direct.

Dans un article de Ouest France, une phrase m’avait marqué au sujet de cet accident. C’était une sorte de phrase convenue, pour ne choquer personne, qui indiquait que la mortalité des poissons n’était pas différente de d’habitude et n’avait pas augmentée du fait de la pollution de la rivière, sans aucunes précisions.

Il y a l’observation, par des prises de vidéos et de photographies. Sont effectuées des prélévements de terre, d’eau et de végétaux, de la bioremédiation pour comprendre les effets produits sur le temps long. Le temps du vivant, du végétal ou dé l’animal, n’est pas le temps humain de l’information, mais il participe à cet univers.

Je pense qu’il faut réoccuper, réinvestir et reconquérir cet espace informationnel, pour une diversités de raisons. Il s’agit d’abord de rassurer la population, mais surtout de donner à tous les moyens intellectuels, culturels et techniques pour être capable, dans ce type de situation, de produire des réponses. 

Il s’agit de faire en sorte que la population ne soit pas dépendante d’un petit groupe d’illuminés qui vient installer un hackerspace de campagne, ni de la Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL), ni de la préfecture ou encore des services de gendarmerie ou de pompiers.

Tu as situé ton action dans une dimension collective et en réseaux, à l’endroit des tiers-lieux. Qu’est ce que cela veut dire ? 

Cela signifie d’abord qu’il est hors de question que faire seul face à ces situations. Ce sont des montagnes à soulever, et je sais ce qui peut en coûter.

De plus, faire seul ne fait pas sens, parce que c’est un accident qui pose des questions et des problèmes collectifs. C’est une catastrophe sur l’environnement et sur les individus faisant partie de l’environnement.

C’est aussi l’habitude de travailler en réseau et en coopération, que celle-ci soit de nature informationnelle, technique ou matérielle, avec d’autres tiers-lieux. Certains sont très spécialisés, comme La Myne à Villeurbanne ou Hackuarium à Genève, qui avaient fait du don et du prêt de matériel pour nous à Rennes il y a deux ans maintenant. Il est donc naturel, dans une situation d’urgence et de panique, y compris pour moi et pour les personnes qui sont venues avec moi, de solliciter un coup de main. Ces soutiens peuvent être de différentes natures, un encouragement, du partage d’informations, du prêt de matériel ou encore l’envoi de personnes sur place.
Il y a des rapports de solidarité issus d’amitiés qui se sont construites depuis des périodes plus ou moins longues. Des rapports de confiance se sont institués entre des personnes et des entités, des lieux, des collectifs ou encore des communautés. Je me suis tourné vers ceux auprès de qui je savais que je pouvais appeler à l’aide.
Ces solidarités et cette dimension collective est d’autant plus importante que ces situations sont périlleuses et mettent en tension des enjeux de droits et des enjeux politiques.

Ces terrains d’intervention sont souvent des espaces privés, chez l’habitant. Il s’agit de créer un rapport de confiance pour pouvoir utiliser un bout de champs, d’expliquer pourquoi et comment tu vas agir, et trouver éventuellement d’autres soutiens. 

Il s’agit de mener des investigations pour mettre en débat collectivement les effets de ces situations et les modes d’agir possibles. 

Intention

Qu’est-ce que peut être le tiers-lieu dans le quotidien ?

Plus on pratique, plus on développe des attentes. C’est mon cas et c’est ce que j’interroge sur moi-même. Plus simplement, qu’est-ce que le tiers-lieu peut être dans le quotidien ?

Antoine Burret dit que le tiers-lieu est l’acte de poser une intention dans un espace temps pour que celle-ci soit appréhendée par d’autres, en documentant les processus et actions qui en découlent. Il s’agit de partager une intention jusqu’à ne plus en être soi-même dépositaire. C’est la dimension libriste du tiers-lieu.

Quand je vais chez un agriculteur, pour mener une action, je n’appréhende pas les choses en partageant des thèses entières ou des livres sur les tiers-lieux. Je dépose une intention, en partageant un problème, une situation, et progressivement, celle-ci devient collective. Les individus, ensemble, acquièrent de l’information, de la connaissance, des compétences et des savoirs-faire, qui peuvent être remobilisés. Nous écrivons ensemble, et nous rendons ces éléments plus visibles au moment le plus pertinent. 

Faire tiers-lieu, c’est déjà parvenir à partager un processus collectif qui fasse sens pour les individus, qu’ils soient agriculteurs, riverains, habitants ou salariés des entreprises à proximité. 

Je ne mettrais pas tant l’accent sur les objectifs que sur les processus quand je parle de tiers-lieu.

Hospitalité

Comment répondre à des formes d’urgence ?

Il y a quelques temps, les entreprises Google se sont implantées à Rennes, dans un ramdam politico-médiatique pour accueillir à bras ouverts la firme comme une espèce de messi débarquant pour résoudre les problèmes de la ville. Cet accueil s’est fait à coup de terminologies à la mode autour de l’inclusion numérique, et qui demain auront disparu. Une littératie finalement assez creuse, mais qui aujourd’hui présente bien la chose.

Le cyberespace, qui est aussi un espace temps d’échange et de rencontre, pourrait à ce titre être considéré comme un tiers lieu.

Face à l’implantation de Google à Rennes, mon premier réflexe a été d’utiliser les réseaux, ce tiers-lieu que constitue le cyberespace, pour dire que je n’étais pas d’accord, que nous n’étions pas d’accord, et pour discuter les actions à mener. 
Les individus se sont plus ou moins bien organisés. Cela fait 18 mois que cela dure.
À l’intérieur de cet espace temps d’échanges, avec une intention posée au départ, d’autres s’en sont saisis. Des amitiés se sont nouées avec des initiatives plus lointaines géographiquement, comme à Berlin ou à Toronto.

Par internet, l’information circule extrêmement vite. La distance géographique est compensée par la rapidité à échanger l’information et à s’organiser à plusieurs, au-delà des différences de langues, de géographies, d’histoires ou encore de visées et les réalités politiques.

Pour décrire ce processus, je parlerais moins d’alerte que d’hospitalité, c’est-à-dire de l’expression d’un besoin d’être accueilli et d’accueillir soi-même.

L’Hôtel Pasteur, avec Sophie Ricard, a fait un formidable travail, pendant des années, sur l’hospitalité. Alors que l’on y installait une résidence de biohackerspace dans un tiers-lieu, nous avons pu travailler avec des personnes sans domicile fixe, de personnes illettrées ou analphabètes, des migrantes et des migrants. 

Engager un processus tiers-lieu, c’est aussi décrire une alerte de société, alors que celle-ci vit des formes de maladies difficiles à traiter, éthiquement et moralement inacceptables.

Mais pour autant, ce n’est pas une alerte que nous avons lancé ou vécu avec l’Hôtel Pasteur, nous avons essayé de faire de l’hospitalité ensemble. Nous nous sommes retrouvés entre et avec des personnes n’ont pas forcément l’habitude de faire de la biologie en bio-hackerspace. La rencontre s’est faite, simplement

J’ai aussi des souvenirs à la La Myne à Villeurbanne. En 2016, nous travaillions sur un prototype extrêment technique et pointu. Puis, des personnes de toute la France sont venues nous rejoindre. Des personnes transgenres nous ont confié leur plaisir de pouvoir parler une diversité de personnes, au delà du stéréotype du barbue libriste. Là, on était bien. Nous n’avons pas été jugé, ou regardé de travers. Ça a été l’éclate.

Est-ce que les espaces que nous façonnons sont accessibles à des personnes qui subissent des pressions sociales et politiques ? C’est une question cruciale qui ressort de ces expériences, sans pour autant en faire la finalité de nos événements.  

On faisait du logiciel, des tests et des trucs à s’arracher les cheveux. Mais nous avons vécu ensemble une expérience humaine qui m’a touchée et que je s’essaie de garder en souvenir.

Les IndieCamp sont aussi une drôle d’histoire entre des personnes de cultures ou d’approches différentes, même si sociologiquement on pourra toujours en faire des microbulles. Nous y avons par exemple travaillé sur la masturbation féminine pour émanciper le corps, en mobilisant des libristes, des écolos, des scientifiques et des enfants, sans pour autant créer de confrontation et sans que certains imposent à d’autres la puissance de sa démonstration ou de son imaginaire.

L’hospitalité est une manière de répondre à différentes formes d’urgence ou d’alerte que chacun lance au quotidien.

Alerte

Plutôt que de mobiliser la notion d’alerte pour décrire ton cadre d’action, tu proposes l’idée d’hospitalité. Que recouvre la notion d’alerte au regard de ton expérience ?

J’ai travaillé dix ans dans les systèmes d’urgence et notamment dans la gestion de catastrophe environnementale et industrielle. Dans ces contextes, l’alerte recouvre une dimension catastrophique. Quand j’étais chez les pompiers, nous intervenions dans la plus grande intimité des personne en situation de détresse extrême. Telle est ma conception de l’alerte, au prisme de l’urgence et l’immédiateté et de la détresse des individus. C’est pour cette raison que je fais attention à ce terme-là.

Tiers-lieu

Peux-tu décrire ta rencontre avec la notion de tiers-lieu et ce qu’elle signifie pour toi ?

J’ai envie d’inviter la planète entière à essayer de toucher ou de s’emparer du tiers-lieu, au risque de le déformer et que demain, le tiers-lieu ne ressemble plus du tout à ce que j’en connais et à ce que j’aime. Et je n’aurais même pas besoin d’en faire le deuil, car on fera d’autres processus ailleurs si nous ne sommes pas d’accord.

Je pense qu’il y a une forme d’expérimentation qui peut être gênante pour certaines personnes, notamment celles qui engagent des processus tiers-lieu sérieux au-delà du langage marketé de certaines grosses institutions rigides. 
Il y a des personnes pour qui le processus tiers-lieu est réellement traumatisant. Je me rappelle de personnes de l’administration de l’État, en régions, qui ont fini en larmes au bout de trois jours, car pour la première fois en 20 ans de carrière, celles-ci étaient autorisées à dire qu’elles n’étaient pas compétentes ou pas capables. Il a fallu trois jours pour accoucher ça. On n’a jamais fait tiers-lieu pour qu’on en arrive là. Mais c’est arrivé. Le tiers-lieu peut être une expérience très forte et puissante sur les individus et sur les collectifs. Il faut tester.

Ma première immersion en tiers-lieu remonte à 2008. J’ai quitté l’Université pour aller dans un bio-hackerspace. Je n’ai plus quitté le tiers-lieu à partir de fin 2012 et jusqu’à aujourd’hui.

À force, je me rends compte également que ces pratiques sont chez moi plus anciennes. Je suis je pas tombé dans la marmite quand j’étais petit, mais certains processus de mon adolescence relevaient déjà de ces pratiques. Par exemple, nous faisions du tag en milieu urbain ou rural. Nous nous réunissions dans des lieux un peu sombres, des squats. Nous essayions de nous réapproprier l’espace urbain par l’écriture, l’expression de choses. Au début, c’était du copier-coller d’artistes que l’on aimait bien. On était copycat. On copiait complètement leurs trucs, on se fait engueuler parce que c’était la même signature. Puis, il y avait déformation jusqu’à créer notre propre style

On sautait des barrières, on allait faire les cons de nuit avec des capuches. À partir de cette intention de départ, on se retrouvait un milieu de processus qui dépassaient ce pourquoi nous nous étions réunis au départ.

Finalement, c’était des excuses pour faire autre chose. Du Breakdance et d’autres pratiques issues des cultures urbaines et du Hip-hop.On parlait de société, de projets politiques, avec des différences. Je me rappelle notamment d’un type qui n’arrêtait pas dire qu’il était anarcho-syndicaliste. Il y avait des personnes de 12 ans comme de 25 ans. On faisait de l’échange scolaire et on révisait les cours ensemble.On pratiquait l’informatique, on s’aidait quand on galérait avec nos modem de 56k, quand on avait un virus sur nos ordinateurs de merde, ou quand Napster était buggé. 

Ces expériences préfiguraient chez moi quelque chose du tiers-lieu, que j’ai rencontré plus tard de manière plus formalisé, avec des définitions et des processus identifiés. Il n’y avait aucune raison que je n’y aille pas.

Droit

Quel est ton rapport au droit dans tes pratiques ? Comment mobilises-tu cette dimension de tes pratiques ?

Concernant les tiers-lieux, et comme toute chose hors des sentiers battus qui vient tout juste d’être défriché, le droit n’est pas aligné avec ce que l’on fait. C’est presque sain. Tous ceux qui aiment l’innovation, qu’elle soit de nature entrepreneuriale, universitaire ou autres, savent que l’innovation est toujours en avance sur le droit. Et d’une certaine manière, il est préférable que le législateur arrive après, sinon on serait enfermée. Cela qui veut pas dire qu’il faut pas prendre en compte le droit, qui a des raisons d’exister pour que chacun puisse s’emparer des innovations, pour essayer de protéger au maximum les personnes

Par les pratiques en tiers-lieu, j’ai toujours l’impression de marcher sur un fil concernant les aspects légaux et juridiques, avec des zones non explorées. On pourrait parler d’alégalité.

Cela se fait depuis le début de l’informatique. L’alégalité est un des principes fondateurs du hacking et ce n’est pas le seul. Cela se fait aussi dans les pratiques artistiques, cela se faisait justement dans le street art avant qu’on ne lui donne des murs dédiés pour ne pas prendre d’amende

Je me retrouve aussi à avaler du droit, à essayer de le comprendre. Je vais même dans des séminaires des laboratoires de recherche pour comprendre comment le droit est fabriqué.
J’ai des amis, devenus PHD, qui manipule le droit et essaient de comprendre comment le droit est fabriqué, je pense notamment à Antoine Burret.
On s’aperçoit que le droit fait partie de notre quotidien. Pour autant, dans notre imaginaire, on fait souvent un peu un raccourci avec la police. À chaque moment nous nous demandons si nous n’avons pas franchi la ligne fine entre l’égalité et l’illégalité

Parfois aussi, on se retrouve face à des situations qui nous semblent aberrantes du point de vue du droit, notamment quand sont bafoués le droit de faire collectif en France (Loi 1901), l’association de fait ou le Droit à la Ville.

L’occupation du terrain, de l’espace et du temps, pose questions. Comment accompagne-t-on le changement ou la modification du droit en faisant valeur une légitimité par l’action ? Par les actes et par le faire, on comprend peut-être des choses différemment que le législateur. Comment fait-on valoir cette compréhension ?

Je suis toujours fasciné par les personnes qui sont habiles et intelligible avec le droit. J’essaie de m’y intéresser mais je suis encore extrêmement novice sur ces questions.
Quand tu commences à comprendre un ensemble de mécanismes, tu te sens légitime de t’en emparer quand tu en as besoin. Du point de vue du droit de l’environnement, du point de vue du droit à la Ville ou encore concernant les questions liées aux libertés fondamentales, il est vrai que je prends plaisir aujourd’hui à m’en emparer et à manipuler ces questions, non pas par obligation professionnelle, mais relativement à des enjeux individuels et collectifs.

Je considère aujourd’hui que la plupart, pour pas dire toutes nos libertés fondamentales, sont très menacées, voire sont directement attaqués au quotidien. 

Et effectivement, dans des situations de catastrophe industrielle, ou lorsque Google débarque dans ta ville, il est intéressant de s’informer sur le droit existant, et sur les recours que l’on peut trouver pour défendre les droits fondamentaux, le droit à l’intimité, le droit à faire réunion, le droit d’accès à l’eau, le droit de regard sur l’information, le droit à ne pas être fiché par des lois antiterroristes, et tout ce qui en suit.

On arrive à amalgamer les droits sur la propriété intellectuelle, le copyright avec les fichiers antiterroristes. Ce n’est plus de la dystopie, c’est complètement dingue.

Il faut qu’individuellement et collectivement nous nous saisissions du droit, à la fois pour répondre dans l’urgence à ces situations en tirant la sonnette d’alarme, mais aussi pour faire évoluer le droit face à ces situations qui sont plus que périlleuses.

La menace est quotidienne. Tout est grignoté au quotidien.

Information

Qu’est-ce que l’information fait sur nous et sur nos corps ? Que peut-on faire de l’information ?

Comment outiller culturellement des individus et les collectifs pour se ré-emparer de l’information, de ce que celle-ci fait sur nous, sur nos corps, en termes politique et biopolitique notamment ? Que peut-on en faire ? Comment révéler, par exemple, les problèmes sur l’environnement ? Comment un groupe de citoyens ou de citoyennes peut-il s’emparer de la manipulation de l’information ? Comment peut-il comprendre l’information, la façonner, manipuler des données pour révéler des choses qui ne sont pas exposées aujourd’hui ? 

Se posent effectivement des questions sur le Droit à la Ville, le droit à exister, du droit des minorités. 

Ce qui m’a amené à prendre contact avec cette ONG,  c’est notamment le travail sur ce que j’appelle l’intimité biologique. Il est inutile ou inopérant de faire du catastrophisme. Il s’agit de rendre palpable ce matériau pour rendre visible et compréhensible les enjeux que suscitent le traitement de ce type d’information. Il s’agit de s’emparer, à titre individuel et collectif, de ce qui touche les droits de la personne et les droits collectifs. Il y a des exemples d’investigations qui ont été faites avec les kits qu’a produit cette ONG qui permettent révéler des situations d’oppression quotidienne de personnes. On révèle de la donnée par un travail artistique et de design qui prolonge un travail de l’information. 

Des communautés de personnes LGBT, queers ou intersexe, victimes d’agressions permanentes, se saisissent de ces méthodologies pour documenter et révéler ces entraves à la liberté. Ces pratiques permettent de rendre légitime, et difficilement contestables, des situations d’oppression et obligent à un dialogue avec la presse, avec le droit légal et les législateurs, et avec le politique.

Il s’agit de faire valoir la légitimité des individus à défendre leurs propres droits à exister par un travail du matériau informationnel.

Documentation

Comment distribuer le monde ? À propos des communautés locales en réseau mobilisées face aux services de proximité que Google tente d’installer dans plusieurs quartiers en Europe. Voir aussi De l’hypothèse de la documentation comme technique de résistance et du wiki comme objet de ces résistances, par Nicolas Belett-Vigneron, Sébastien Beyou,Xavier Coadic, Émilie Picton, Sens public, 1er mars 2019.

Lorsque l’entreprise Google s’est implantée à Renne, j’ai écrit un article de blog en posant la question Google va-t-il dévorer Rennes ? 
Ce n’est pas un grand article, c’est d’avantages une déclaration d’intention et une manière d’adresser collectivement une question.
Autour de cette intention, nous nous sommes réunis pour partager nos diverses positions et débattre lors de pique-niques, de cafés, d’apéros et de forums ouverts.
Très rapidement nous avons ouvert un wiki, c’est-à-dire un espace de documentation sur logiciel libre avec licence libre, dont la forme apparentée à une encyclopédie.
Il s’agissait de mener une investigation sur ce que fait Google à Rennes. D’où cela vient ? Pourquoi c’est là ? Qu’est ce que cela fait au quotidien ? Comment réagissent les politiques, les entreprises ? Il s’agissait de chercher dans le passé et dans le présent, de tenter un pronostic et de penser le futur et l’évolution de cette situation. 
Ce processus a été ouvert à la collaboration par le logiciel et à la réutilisation par une licence libre. Toux ceux qui le souhaitent peuvent s’en emparer.
Cette histoire est aussi une histoire d’hospitalité, car l’outil utilisé est un wiki mis à disposition par Framasoft, une petite association française qui fait le pari de redistribuer le monde, c’est-à-dire de ne plus centraliser l’information en donnant les capacités et l’accès à des outils adéquates. Dans le numérique, on parle d’hébergement, un enjeu qui englobe les questions de gestion des données et la sécurité.

Tout est allé très vite. À partir d’un nom de wiki choisi, Framasoft fournit un .frama.io, c’est-à-dire un TLD (en anglais top-level domain, ou domaine de premier niveau). Il est ensuite possible de remplir du contenu directement dans le wiki.

Rapidement, nous avons rencontré d’autres personnes qui avaient initié des démarches similaires documentées sous licence libre, notamment à Berlin. Il nous a été très facile de traduire les ressources qu’ils avaient produites en français. De la même façon, nous avons découvert le travail d’ONG aux Etats-Unis qui avaient documenté les flux financiers de Google, ses investissements et activités de lobbying.
En Europe, nous n’avons pas la culture de la transparence du lobbying. Ou en tout cas pas en Europe du sud. Les anglo-saxons acceptent beaucoup plus facilement ces pratiques et les rendent plus transparentes.

L’activité du wiki est donc largement tourné vers un partage et une traduction des ressources, selon des logiques de réciprocité. 

À cette activité s’adjoint des dizaines de rencontres. D’ailleurs, c’est prochainement l’anniversaire de la conférence que j’avais donné l’année dernière dans le cadre de l’événement Pas Sage en Seine,  où il y a aussi une question d’hospitalité. Au sein de ce festival sur les libertés numériques, j’ai eu l’occasion de parler de manière complètement anonyme, en étant protégé, et d’y exprimer une opinion sans avoir besoin d’aborder des sujets très techniques. J’y ai parlé d’un problème personnel qui est aussi collectif : qu’est-ce que Google a fait sur ma vie en six mois. J’ai notamment parlé des menaces et des mises en avertissements qui ont pesé sur ma famille et mes proches issues des organisations qui ont un intérêt commun avec Google. Dans ce type de situation, doit-on en parler, c’est-à-dire prendre le risque d’augmenter la surface de pression, d’attaque et d’oppression. Ou faut-il se taire, au risque de ne pas révéler et d’entretenir ces mécanismes d’agressions régulières quotidiennes

Ce moment a servi d’une part de thérapie mais a aussi servi à révéler et discuter d’un phénomène émergeant. En effet, Rennes a été la première ville en Fance à accueillir ce genre de format Google, puis d’autres villes ont suivi. Officiellement, 4 autres villes dont Montpellier, Saint-Étienne, mais en réalité beaucoup plus, car Google s’est aussi implantée dans les universités comme à Paris ou à Nantes.

Après mon intervention, beaucoup de personnes, issues de Saint-Étienne ou de Montpellier par exemple, m’ont contacté car l’implantation de Google leur posait problème, rentrant directement en conflit de pratiques et d’intérêt commercial avec leurs organisations, associations ou coopératives.

Dans le cas de Google, un conflit plus ou moins frontale est délicat. Avec Google, il n’y a pas de débat ou de discussion possible, parce qu’ils sont là pour économiser, pour dévorer, pour engranger du profit. La conquête, c’est la surveillance du monde. On parle de mondialisation en Français. Il s’agit plutôt de globalisation comme le disent les américains.

Google prend les corps des individus et les corps collectifs. Et je crains ce que cela peut donner demain et encore après-demain.

Écritures légiférantes

Engager des actes et des paroles. Comment la documentation peut-elle incarnée une tactique de résistance ? De la légitimité à la jurisprudence des corps constitués.

Avant de construire du droit, on commence par construire de la légitimité, ce qui n’est pas tout de suite une jurisprudence. 
La documentation est loin d’être anodine et neutre dans ces processus de légitimation. Produire une documentation dont la qualité et la densité est constatée et reconnue par plusieurs, jusqu’à aboutir à une forme de consensus, permet d’opposer une légitimité.

Wikipédia n’est pas devenue une encyclopédie de référence en un jour. Il a fallu du temps à cette encyclopédie collaborative pour acquérir sa légitimité. Et même aujourd’hui celle-ci demeure critiquée et critiquable. Et tant mieux. Pourtant, Wikipedia est aujourd’hui un objet scientifique reconnu comme tel.

Google n’est pas illégal et s’arrange bien du droit national à l’international. Pour autant, il est possible, à partir d’un travail de documentation, d’acquérir suffisamment de légitimité pour adresser des problématiques à des juristes ou à aller regarder dans le droit des axes de travail pertinents.

Je ne dis pas que nos petits wiki contre Google atteindront la popularité de Wikipédia. Mais on y retrouve cette même tentative de construire une légitimité qui, un jour, vient se frotter à une forme de jurisprudence.

Il faudrait qu’il y ait un acte juridique pour cela. Mais c’est toute la question. Est-ce le droit qui dit en premier, ou l’action qui construit le Droit ? 

La légitimité se construit par la documentation et par l’information.

Quand Google réécrit le monde, Google réécrit nos passés, nos présents et nos futurs. La résistance se situe aussi à cet endroit de la conservation de notre savoir-faire informationnel, de nos communs.
Quoiqu’il arrive, si on les a bien conservé, ces communs seront encore là demain et resteront debout.

Il s’agit de construire la résistance par cette légitimité. Pour autant, mon approche est biaisée par le savoir-faire et l’habitude de la documentation que j’ai acquise par la pratique des wikis notamment.

Même s’ils avaient aussi un wiki très bien fait, les activistes anti-Google berlinois avaient beaucoup plus un savoir-faire de l’occupation du terrain. Le mouvement s’est traduit plus significativement par une présence dans la ville qu’ils occupaient trois fois par semaine par des chants, des matchs de football et de grandes affiches.

L’histoire et l’héritage militants de Berlin Est ont prédominé dans les luttes anti-google qui sont parvenue à pousser le géant à l’extérieur de la Ville. L’organisation de ce mouvement de résistance a su acquérir une légitimité d’autant plus forte que la menace de Google était grande, touchant jusqu’à l’Université 

Il y a des paroles qui engagent. Beaucoup de parole engagent, mais pas toutes. Ce n’est pas le tout d’être contre Google. Qu’est-on capable de lui opposer, en terme de propositions ?

Il ne s’agit pas de dire qu’il faut faire disparaître Google. Les alternatives que l’on propose s’incarnent en tant qu’actes engageants. Qu’est-ce qui existait avant à Rennes ? Que propose-t-on aujourd’hui ? Et que proposera-t-on demain ?
Même si l’on se débarasse de Google, quelque chose d’autre prendra sa place, de manière différente.
Les paroles et les actes que l’on engage impliquent aussi des responsabilités. Un jour, quelqu’un nous tapera peut-être sur l’épaule en disant que nous nous étions engagés à faire tel chose et que nous ne l’avons pas fait. Et ce quelqu’un pourra aussi nous embêter, juridiquement

Il y a un slogan que j’aime beaucoup, qui dit Mon corps, mes choix. Mon corps m’échoie.

Faire corps peut être interprété différemment. Lorsque nous sommes plusieurs en mouvement, et malgré l’hétérogénéité, nous sommes comme une forme d’écologie. Nous sommes un corps constitué. Et si ce corps constitué est défini comme étant le nôtre, parce que l’on a défini nos règles, nos actes fondateurs, nos intentions, alors à chacun son langage pour dire “tu touches pas ce corps là sans notre permission”.Il s’agit de défendre des intentions, des pratiques, des usages construits collectivement depuis des dizaines d’années. Il n’est pas question qu’une autre entité y touche sans leur accord. Mon corps, mes choix. Mon corps m’échoie, mes droits. On peut entendre cette phrase de manière très individuée comme de manière beaucoup plus collective. Du point de vue du microbiologiste, un corps humain est un ensemble de corps qui s’assemblent, bougent et qui vivent ensemble.

Pour aller plus loin :

  • No Google. Observatoire de l’implantation de G00gle à Rennes
  • Rivières pourpres. Processus en tiers-lieu autour de la pollution industrielle du ruisseau alimentant la Vilaine à Châteabourg, Ille-et-Vilaine, le 14 juin 2019.

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